Des fonctionnaires qui pointent une, deux fois par semaine. Ou pas. D’autres qui font la «grève ouverte», sorte de congé sabbatique, arrêtant la fourniture d’eau, d’Internet, d’électricité… D’autres encore qui bloquent le cadastre, le commerce de véhicules, et toute une flopée d’activités de business.
Puis le Premier ministre et ses 30 incapables qui gigotent à peine, s’en vont mendier auprès des organismes de charité, s’ingénient à ajouter aux minables salaires de leurs préposés deux litres d’essence par-ci, un taux Sayrafa par-là, un bonus de productivité par-là-bas, espérant qu’ils prolongeront ainsi d’un quart d’heure leur présence au bureau.
C’est là que le ministre des Finances se met à se plaindre que sans fonctionnaires qui fonctionnent il ne peut pas prélever les taxes pour payer les fonctionnaires qui ne fonctionnent pas. Et, tout cela alors que, dit-on, les plus compétents d’entre eux s’en vont chercher fortune ailleurs.
Et, ce n’est pas fini. Tout porte à croire que la masse visqueuse va s’enliser davantage et l’État est en route vers une dislocation graduelle, au milieu d’un grand déni de la réalité. Rétablir l’État, même minimal des années post-guerre, n’est plus un «vœu pieux», mais est devenu une allégorie de politique-fiction pour l’avenir prévisible. C’est que les mêmes exterminators qui s’acharnent à le miner depuis des années sont toujours là à le grignoter tous les jours un peu plus.
Alors que faire? Peut-on vivre sans État selon la théorie anarchiste? Si seulement c’était possible! Mais malheureusement, on ne peut éliminer ce qu’on appelle pompeusement les tâches régaliennes d’un État à peine normal: la sécurité, la justice, un minimum social, la monnaie et quelques ambassades pour le décor international. Pour le reste, il n’y a plus moyen de rendre le pays un tant soit peu vivable si l’on s’entête en haut lieu à vouloir contrôler et gérer tout, alors qu’on ne gère rien.
C’est là que l’on arrive à une conclusion sans appel: il faut faire hiberner, de préférence en Arctique, la plus grande partie de l’État et confier le gros de ses tâches au secteur privé. Ce qui est en voie d’être appliqué dans tous les cas.
Voilà le secteur privé, qui, déjà, comble une bonne partie de l’hibernation étatique – bien qu’illégalement. S’il n’y avait pas de générateurs privés, de camions-citernes privés, d’Internet privé… on serait revenu à l’âge de pierre. Le seul hic, majeur sans doute, est que des mafias contrôlent ces services et imposent leurs conditions, pour le grand bonheur de leurs soutiens politiques au pouvoir. Si ce hic est levé, si la concurrence est établie entre les acteurs privés dans ces secteurs, et bien d’autres, le pays pourrait devenir un peu plus vivable.
Mais, comment peut-on généraliser cette pratique de privatisation en dehors d’un cadre juridique et réglementaire, d’une autorité de pleins pouvoirs? En réalité, contrairement à ce que l’on croit – et contrairement à toute logique d’un homo sapiens de base – c’est l’application de la loi qui pose problème au Liban, et non pas les activités illégales.
Si vous souhaitez installer une station-service, ouvrir une fabrique, construire un petit chez-soi… vous serez submergé par une avalanche de formalités et de démarches qui vous donneront le tournis. En revanche, si vous en prenez l’initiative en contournant tous ces obstacles, il y a de fortes chances que votre projet aille comme sur des roulettes. Au pire des cas, vous pouvez avoir recours à un petit zaïm local, pas nécessairement le grand-duc. Et c’est ainsi que l’économie informelle dépasse déjà la formelle selon les dernières estimations.
Mais, là, on sera encore au stade de replâtrage de la façade. Sur le long terme, pour une solution plus pérenne, il faut aller plus loin, lorsque ce sera possible, et privatiser durablement la gestion de toutes les fonctions non régaliennes de l’État. Sans exception. Électricité, télécoms, eau, ports, aéroports, infrastructure, éducation, santé, etc.
Il est inutile de tenter pour la énième fois de réformer l’État. Ce serait fastidieux, laborieux, et sans garantie de succès. On se contenterait bien d’un minimum d’État, et de lois. Le recours au privé n’est plus un choix sur lequel on doit réfléchir, jauger, soupeser. C’est devenu la seule issue possible si l’on veut construire un avenir économique durable. Et, toutes les théories sur ce que la nouvelle économie post-crise devrait inclure, selon une flopée d’économistes, seront peut-être utiles un jour, mais après avoir délivré le pays de son carcan.
Le Soviétique Viatcheslav Molotov était un homme politique détonnant. Rien que son cocktail qui a fait le tour du monde! Mais, il était aussi assez lucide: «Les lois ne sont pas faites pour défendre les individus contre l'État, mais pour défendre l'État contre les individus.»
nicolas.sbeih@icibeyrouth.com
Puis le Premier ministre et ses 30 incapables qui gigotent à peine, s’en vont mendier auprès des organismes de charité, s’ingénient à ajouter aux minables salaires de leurs préposés deux litres d’essence par-ci, un taux Sayrafa par-là, un bonus de productivité par-là-bas, espérant qu’ils prolongeront ainsi d’un quart d’heure leur présence au bureau.
C’est là que le ministre des Finances se met à se plaindre que sans fonctionnaires qui fonctionnent il ne peut pas prélever les taxes pour payer les fonctionnaires qui ne fonctionnent pas. Et, tout cela alors que, dit-on, les plus compétents d’entre eux s’en vont chercher fortune ailleurs.
Et, ce n’est pas fini. Tout porte à croire que la masse visqueuse va s’enliser davantage et l’État est en route vers une dislocation graduelle, au milieu d’un grand déni de la réalité. Rétablir l’État, même minimal des années post-guerre, n’est plus un «vœu pieux», mais est devenu une allégorie de politique-fiction pour l’avenir prévisible. C’est que les mêmes exterminators qui s’acharnent à le miner depuis des années sont toujours là à le grignoter tous les jours un peu plus.
Alors que faire? Peut-on vivre sans État selon la théorie anarchiste? Si seulement c’était possible! Mais malheureusement, on ne peut éliminer ce qu’on appelle pompeusement les tâches régaliennes d’un État à peine normal: la sécurité, la justice, un minimum social, la monnaie et quelques ambassades pour le décor international. Pour le reste, il n’y a plus moyen de rendre le pays un tant soit peu vivable si l’on s’entête en haut lieu à vouloir contrôler et gérer tout, alors qu’on ne gère rien.
C’est là que l’on arrive à une conclusion sans appel: il faut faire hiberner, de préférence en Arctique, la plus grande partie de l’État et confier le gros de ses tâches au secteur privé. Ce qui est en voie d’être appliqué dans tous les cas.
Voilà le secteur privé, qui, déjà, comble une bonne partie de l’hibernation étatique – bien qu’illégalement. S’il n’y avait pas de générateurs privés, de camions-citernes privés, d’Internet privé… on serait revenu à l’âge de pierre. Le seul hic, majeur sans doute, est que des mafias contrôlent ces services et imposent leurs conditions, pour le grand bonheur de leurs soutiens politiques au pouvoir. Si ce hic est levé, si la concurrence est établie entre les acteurs privés dans ces secteurs, et bien d’autres, le pays pourrait devenir un peu plus vivable.
Mais, comment peut-on généraliser cette pratique de privatisation en dehors d’un cadre juridique et réglementaire, d’une autorité de pleins pouvoirs? En réalité, contrairement à ce que l’on croit – et contrairement à toute logique d’un homo sapiens de base – c’est l’application de la loi qui pose problème au Liban, et non pas les activités illégales.
Si vous souhaitez installer une station-service, ouvrir une fabrique, construire un petit chez-soi… vous serez submergé par une avalanche de formalités et de démarches qui vous donneront le tournis. En revanche, si vous en prenez l’initiative en contournant tous ces obstacles, il y a de fortes chances que votre projet aille comme sur des roulettes. Au pire des cas, vous pouvez avoir recours à un petit zaïm local, pas nécessairement le grand-duc. Et c’est ainsi que l’économie informelle dépasse déjà la formelle selon les dernières estimations.
Mais, là, on sera encore au stade de replâtrage de la façade. Sur le long terme, pour une solution plus pérenne, il faut aller plus loin, lorsque ce sera possible, et privatiser durablement la gestion de toutes les fonctions non régaliennes de l’État. Sans exception. Électricité, télécoms, eau, ports, aéroports, infrastructure, éducation, santé, etc.
Il est inutile de tenter pour la énième fois de réformer l’État. Ce serait fastidieux, laborieux, et sans garantie de succès. On se contenterait bien d’un minimum d’État, et de lois. Le recours au privé n’est plus un choix sur lequel on doit réfléchir, jauger, soupeser. C’est devenu la seule issue possible si l’on veut construire un avenir économique durable. Et, toutes les théories sur ce que la nouvelle économie post-crise devrait inclure, selon une flopée d’économistes, seront peut-être utiles un jour, mais après avoir délivré le pays de son carcan.
Le Soviétique Viatcheslav Molotov était un homme politique détonnant. Rien que son cocktail qui a fait le tour du monde! Mais, il était aussi assez lucide: «Les lois ne sont pas faites pour défendre les individus contre l'État, mais pour défendre l'État contre les individus.»
nicolas.sbeih@icibeyrouth.com
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