Mégaphone: outil servant à amplifier le son
Dans la République bananière où je vis, des octogénaires dépassés par la ronde du monde sont confortablement assis sur leurs fauteuils dans leurs tours dorées bunkerisées, gardées par tout un arsenal de va-nu-pieds affamés et à peine nourris par leur largesse en attendant que la mort vienne les y arracher. Il y a eux bien sûr et leur relève élevée à leurs biberons et nourrie de leur lait rance.

Dans ce zoo-là, un truc machin rudimentaire est venu troubler leur quiétude. Déjà en 2019, cet instrument porté par une poignée de jeunes hommes et jeunes filles qui n’en pouvaient plus de leur mainmise et qui ne comprenaient pas la léthargie de leurs parents avaient fait vaciller leurs sièges. Un outil, quelques jeunes au charisme certain, quelques slogans bien martelés, quelques phrases frappant pile ou ça fait mal et les rues se sont remplies, et les places se sont transformées en arènes de discussions et d’échange. Des bouches ont raconté l’innommable, les secrets se sont éventés, les oreilles ont entendu et les yeux ont vu. Puis le mouvement s’est calmé, s’est orienté différemment à la grande frustration de beaucoup, trop impatients d’en finir. Mais le fait est là. Le mur du silence est tombé. Plus rien n’est passé sous silence. Leurs combines, leurs sales affaires, leurs alliances, leurs rackets, leur mentalité patriarcale, divisionnaire, réductrice, tout s’étale sur la place publique.

Ce que les jeunes pensaient ou disaient dans les cortèges se pense et se dit aujourd’hui dans une presse dite alternative, avec un verbe neuf, vivifié et vivifiant. Il y a de l’investigation, de la critique, du poil à gratter et surtout pas d’encensoirs. Et c’est là que ça énerve et ça enrage. Et voilà qu’ils sortent leurs chiens, leurs sbires, leurs aboyeurs, leurs épouvantails. Mais les chiens aboient et la caravane du changement passe. Avec la lenteur qu’on connaît et qui nous hérisse, nous, le peuple impatient, le peuple du maintenant avant que le volcan n’explose. Cet éloge de la lenteur, de la déconstruction progressive, ce sont ces jeunes qu’on a élevés aux legos et autres playmobil qui nous l’apprennent. Ce sont ces jeunes qui écrivent leur Histoire. Et s’ils font peur à ces vieux dinosaures, c’est parce qu’ils n’ont pas leur mode d’emploi. C’est aussi parce que sur leur table de chevet il y’a les ouvrages de Kassir, de Tuéni et de Slim…


Oui, je suis admirative de cette jeunesse-là, même quand je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’ils prônent. Je suis admirative de leur courage, de leur persévérance, de leur solidarité, de leur engagement qui leur fait sacrifier du temps si précieux à une cause qui semble perdue d’avance, eux qui ont mis entre parenthèses leurs projets de vie et leurs carrière pour se porter au chevet de leur idéaux.

Alors oui, je les soutiendrai à la mesure de mes moyens et je les accompagnerai, et, entre nous, juste entre nous, j’aimerais bien vieillir dans leur Liban à eux …
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