Il n’y a pas de petites économies, pas plus qu’il n’y a de petits faits de résistance.
En refusant de recevoir l’émissaire du président du Conseil, Najib Mikati, Mgr Élias Audi, métropolite de Beyrouth, nous appelle à braver sa décision de ne pas passer à l’heure d’été. Ici Beyrouth lui a emboîté le pas, considérant que telle «décision improvisée sur un coin de table propulse le pays encore plus dans les marges du monde». Aux dernières nouvelles, les archevêchés maronite d’Antelias et grec-catholique de Zahlé se sont joints à la «mutinerie», alors que les institutions scolaires catholiques, qui quadrillent le pays, ont levé l’étendard de la révolte…
Il suffit de si peu.
Une tempête dans un verre d’eau ou l’expression d’un malaise profond? La fièvre va finir par retomber et on dira que ce ne fut qu’un mouvement d’humeur, un grain de sable dans notre désert. Oui, mais un grain de sable, d’après le dictionnaire, c’est cet élément ou facteur imprévu qui fait obstacle à la réalisation d’un projet. Un grain de sable qui peut cristalliser les mécontentements.
Mikati aux prises avec le clergé. (AFP)
De bévue en bévue
N’essayons pas de changer les règles de l’engagement. Les différentes composantes politiques de ce pays n’ont pas le même projet politique, mais un point d’équilibre a été atteint et convenu pour le moment. Il est malveillant de chercher à grignoter la part de l’autre, car cela reviendrait à renverser l’ordre des valeurs âprement négociées. Bref, on ne remet pas impunément en cause le vivre-ensemble: la fracture serait immanquablement d’ordre confessionnel et le long de cette même ligne verte qui a séparé les belligérants à partir de 1975.
Nous sommes partenaires, alors que nul d’entre nous ne s’avise d’ignorer l’autre. D’autant plus qu’on n’en est pas à la première bévue dans la cadre de «l’expédition des affaires courantes». À rappeler que le pourcentage avancé de 19,4% a constitué un précédent et suscité une levée de boucliers*. Faible ratio, disiez-vous! Les chrétiens, quantité négligeable?
Un bras de fer?
Mais qu’est-ce qui a pris au troisième personnage de l’État de vouloir jouer la Symphonie en ré majeur dite L’Horloge? C’est une partition bien périlleuse et c’est comme s’il n’avait pas d’autres chats à fouetter. Quel obscur objet du désir l’a porté à se mettre à dos certaines franges de la population, et qui plus est cléricales?
Rappelons que le président Mikati appartient à une vieille famille de Tripoli qui a fourni, de génération en génération, nombre d’ulémas et de cheikhs connus pour leur tolérance et leur ouverture aux autres. On retrouve aisément la trace de ces dignitaires dans les archives de la ville, à partir de la fin du XVIIIe siècle.
Vatican II et les heures canoniales.
Que notre «Premier ministre» ait voulu jongler avec les aiguilles de «l’Horloge» n’est pas étonnant, son nom Mikati l’y prédisposait, le «mikati» étant la personne qui accompagnait tous les ans la caravane des pèlerins, de Damas ou du Caire à destination de Médine et de La Mecque, et qui avait pour charge de dire l’heure des prières aux fidèles en cours de déplacement. Comme quoi, on n’échappe pas à son destin!
Mais de là à semer la confusion dans les esprits et pour complaire aux siens, perturber la liturgie des heures canoniales recommandée par Vatican II, c’est chercher à s’en prendre à très forte partie. Le «Grand Timonier» ne règne pas sur la place et tout le monde a le droit de vivre. Alors s’il vous plaît, un peu de respect pour ses partenaires et un peu de considération pour la sexte, la none, les vêpres et bien sûr les complies…
Youssef Mouawad
yousmoua47@gmail.com
* Début mars, le président Mikati avait déclaré que les chrétiens ne constituaient pas plus que 19,4% de la population libanaise. Il ferait mieux de revoir sa copie!
En refusant de recevoir l’émissaire du président du Conseil, Najib Mikati, Mgr Élias Audi, métropolite de Beyrouth, nous appelle à braver sa décision de ne pas passer à l’heure d’été. Ici Beyrouth lui a emboîté le pas, considérant que telle «décision improvisée sur un coin de table propulse le pays encore plus dans les marges du monde». Aux dernières nouvelles, les archevêchés maronite d’Antelias et grec-catholique de Zahlé se sont joints à la «mutinerie», alors que les institutions scolaires catholiques, qui quadrillent le pays, ont levé l’étendard de la révolte…
Il suffit de si peu.
Une tempête dans un verre d’eau ou l’expression d’un malaise profond? La fièvre va finir par retomber et on dira que ce ne fut qu’un mouvement d’humeur, un grain de sable dans notre désert. Oui, mais un grain de sable, d’après le dictionnaire, c’est cet élément ou facteur imprévu qui fait obstacle à la réalisation d’un projet. Un grain de sable qui peut cristalliser les mécontentements.
Mikati aux prises avec le clergé. (AFP)
De bévue en bévue
N’essayons pas de changer les règles de l’engagement. Les différentes composantes politiques de ce pays n’ont pas le même projet politique, mais un point d’équilibre a été atteint et convenu pour le moment. Il est malveillant de chercher à grignoter la part de l’autre, car cela reviendrait à renverser l’ordre des valeurs âprement négociées. Bref, on ne remet pas impunément en cause le vivre-ensemble: la fracture serait immanquablement d’ordre confessionnel et le long de cette même ligne verte qui a séparé les belligérants à partir de 1975.
Nous sommes partenaires, alors que nul d’entre nous ne s’avise d’ignorer l’autre. D’autant plus qu’on n’en est pas à la première bévue dans la cadre de «l’expédition des affaires courantes». À rappeler que le pourcentage avancé de 19,4% a constitué un précédent et suscité une levée de boucliers*. Faible ratio, disiez-vous! Les chrétiens, quantité négligeable?
Un bras de fer?
Mais qu’est-ce qui a pris au troisième personnage de l’État de vouloir jouer la Symphonie en ré majeur dite L’Horloge? C’est une partition bien périlleuse et c’est comme s’il n’avait pas d’autres chats à fouetter. Quel obscur objet du désir l’a porté à se mettre à dos certaines franges de la population, et qui plus est cléricales?
Rappelons que le président Mikati appartient à une vieille famille de Tripoli qui a fourni, de génération en génération, nombre d’ulémas et de cheikhs connus pour leur tolérance et leur ouverture aux autres. On retrouve aisément la trace de ces dignitaires dans les archives de la ville, à partir de la fin du XVIIIe siècle.
Vatican II et les heures canoniales.
Que notre «Premier ministre» ait voulu jongler avec les aiguilles de «l’Horloge» n’est pas étonnant, son nom Mikati l’y prédisposait, le «mikati» étant la personne qui accompagnait tous les ans la caravane des pèlerins, de Damas ou du Caire à destination de Médine et de La Mecque, et qui avait pour charge de dire l’heure des prières aux fidèles en cours de déplacement. Comme quoi, on n’échappe pas à son destin!
Mais de là à semer la confusion dans les esprits et pour complaire aux siens, perturber la liturgie des heures canoniales recommandée par Vatican II, c’est chercher à s’en prendre à très forte partie. Le «Grand Timonier» ne règne pas sur la place et tout le monde a le droit de vivre. Alors s’il vous plaît, un peu de respect pour ses partenaires et un peu de considération pour la sexte, la none, les vêpres et bien sûr les complies…
Youssef Mouawad
yousmoua47@gmail.com
* Début mars, le président Mikati avait déclaré que les chrétiens ne constituaient pas plus que 19,4% de la population libanaise. Il ferait mieux de revoir sa copie!
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