Après sa finalisation lundi par les commissions parlementaires conjointes, le projet de loi sur le contrôle des capitaux ne devrait pas être examiné en séance plénière avant que les propositions de loi sur la répartition des pertes et la restructuration des banques, qui lui sont intrinsèquement liées, n’aient, elles aussi, été approuvées en commissions. C’est ce que réclament de nombreux députés. Et c'est également ce que le vice-président du Parlement, Élias Bou Saab, s’est engagé à recommander dans son rapport au bureau de la Chambre.

Il aura fallu treize longues réunions aux commissions parlementaires mixtes pour finaliser le projet de loi sur le contrôle des capitaux. Après les nombreux amendements que les députés ont apportés à ce texte, la mouture sur laquelle ils se sont entendus s’est avérée très différente de celle qui avait été présentée par le gouvernement. Prochaine étape pour ce projet de loi: la séance plénière. Cependant, il ne devrait pas figurer de sitôt sur l’ordre de jour d’une telle séance. Non seulement parce que de nombreux groupes parlementaires refusent de légiférer avant que la Chambre n’ait accompli une mission beaucoup plus urgente, à savoir l’élection d’un président de la République, mais aussi parce que le vote de ce texte seul, sans les deux propositions de loi qui lui sont intrinsèquement liées, met en danger l’argent des déposants bloqué dans les banques.

Ces deux textes soumis récemment à la Chambre sont: la proposition de loi sur la restructuration des banques et celle sur la répartition des pertes. Alors que l’étude de la première n’a pas encore commencé, l’examen de la seconde a débuté la semaine dernière en commission parlementaire des Finances et du Budget, et se poursuivra mardi.

On rappelle que la proposition de loi sur la répartition des pertes avait soulevé un tollé parlementaire mardi dernier, sur la forme et le fond. Sur la forme d’abord, les députés avaient dénoncé l’absence de tout représentant du gouvernement, mais également des députés qui ont soumis le texte, Georges Bouchikian et Ahmed Rustom. Sur le fond, plusieurs députés avaient estimé qu’à travers ce texte, le gouvernement, qui est d’après eux le véritable auteur de cette proposition, tente de faire assumer la majorité des pertes financières aux déposants, et de dédouaner l’État et la Banque centrale.

Saad: L’argent des déposants tributaire d’un vote simultané

À l’issue de la réunion des commissions lundi, le député Ragy el-Saad (Rassemblement démocratique) a expliqué à Ici Beyrouth les raisons pour lesquelles la préservation de l’argent des déposants est tributaire d’un examen concomitant de ces trois textes, qui évitera toute contradiction entre eux avant leur approbation.

https://youtu.be/TWdV7ZIIS2s

 

Bou Saab: Je recommanderai clairement la concomitance

Le lien entre les trois textes a été reconnu par le vice-président du Parlement, Élias Bou Saab, sous l’égide duquel se tiennent les réunions des commissions mixtes. Lundi, il s’est engagé à «recommander clairement», dans le rapport qu’il soumettra au bureau de la Chambre, qu’en séance plénière, les trois textes soient examinés simultanément. Rappelant que l’ordre du jour de toute séance est déterminé par le président du Parlement et le bureau de la Chambre, il a cependant souligné que la recommandation d’une étude simultanée des textes résulte de sa conviction selon laquelle la loi sur le contrôle des capitaux ne pourra pas être mise en application avant l’approbation des deux autres lois.

S’adressant à la presse à l’issue de la réunion, qui s’est tenue en présence du vice-Premier ministre sortant Saadé Chami, et du ministre sortant des Finances Youssef Khalil, M. Bou Saab a précisé que la durée d’application de la loi a été réduite de deux ans à une seule année.


Il a expliqué que les commissions ont approuvé les articles 11, 12, 13 et 14, et finalisé le texte. Concernant l’article 12, relatif notamment aux plaintes contre les banques déposées par des ayants droit résidant à l’étranger, il a indiqué que deux options ont été retenues, à la demande du député Michel Moawad, la décision finale à ce sujet devant être prise en séance plénière. La première option, qu'il avait lui-même proposée, consiste à supprimer cet article. La seconde recommande de le maintenir et de préserver le droit des déposants à intenter des actions contre les banques, quitte à ce que tout verdict résultant de ces procès ne soit exécuté qu’après la fin du délai d’application de la loi en question.

Les deux options ont pour but d’éviter «qu’un grand déposant à l’étranger obtienne, en remportant un procès, cent millions de dollars, alors que les déposants résidant au Liban n’arrivent pas à retirer 5.000 dollars de la banque», a précisé le vice-président de la Chambre. Ces modifications visent à préserver l’argent des déposants, «afin que 5 ou 15 déposants ne retirent pas tous les fonds qui se trouvent encore dans les banques, aux dépens des autres».

Le député du Metn a une nouvelle fois exprimé son «optimisme» quant à la possibilité de résoudre la crise économique et financière, et de rendre l’argent aux déposants, appelant l’État à assumer ses responsabilités. Il a indiqué, par exemple, qu’une meilleure gestion du port de Beyrouth, par le biais d’un partenariat entre le secteur public et le secteur privé, permettrait des gains à hauteur de 6 milliards de dollars par an.

     

Moawad: respecter l’égalité des droits des déposants

S’exprimant à son tour, le député Michel Moawad a indiqué que «le vote de la loi sur le contrôle des capitaux seule aujourd’hui se ferait aux dépens des droits des déposants et de l’économie libanaise». «Nous avons mené cette bataille dès le départ, et les membres des commissions mixtes réclament tous à présent que les trois textes soient examinés et votés ensemble car ils sont liés», a-t-il ajouté.

Il a souligné que de nombreuses modifications ont été apportées à la version envoyée par le gouvernement. Les plus importantes visaient à «empêcher une légalisation des "lollars" à travers une distinction entre les «anciens» et les «nouveaux» dépôts, et à insister sur une restitution progressive et équitable des dépôts.

Pour ce qui est de l’article 12, qui empêchait tout déposant de porter plainte contre une banque, le candidat présidentiel a expliqué avoir demandé que la formulation ne soit pas tranchée avant que les deux autres propositions de loi n’aient été examinées et que les liens entre les trois textes n’aient été précisés. C’est pour cela qu’il a proposé que les deux options soient soumises à la séance plénière, comme l’a expliqué Élias Bou Saab, car d’ici là les deux autres textes de loi devraient avoir été approuvés en commissions.

«Certains grands déposants intentent des actions à l’étranger contre des banques libanaises, obtiennent des verdicts en leur faveur, et parviennent à retirer ces montants, alors que les déposants au Liban sont privés de cela, ce qui porte atteinte au principe d’égalité des droits entre les déposants», a-t-il précisé.

«Nous refusons de voter tout texte de loi en séance plénière s’il n’entre pas dans le cadre d’un plan global basé sur les réformes, la reddition des comptes et la restitution de l’argent des déposants», a martelé Michel Moawad.

Commentaires
  • Aucun commentaire