Les prix des carburants ont baissé de près de 18% mercredi matin suite à l’indexation de la tarification de l’essence au taux de change de la plateforme Sayrafa. Or, les propriétaires de stations service n’ont pu obtenir des dollars au taux de 38.000 LL pour un dollar, provoquant de grosses pertes. Certaines stations ont donc décidé de fermer tandis que des files interminables de voitures, rappelant les scènes cauchemardesques de l’été 2021 se sont formées devant les stations encore ouvertes.

Les propriétaires de stations d'essences sont en colère. Mercredi matin, le prix des 20 litres d’essence 95 octanes a baissé de 137.000 livres libanaises(LL), soit près de 18%, pour atteindre 629.000LL. Les prix à la pompe ont été calculés sur la base du taux de la plateforme Sayrafa (38.000 LL pour un dollar, mercredi), alors que le taux du marché parallèle - avoisinant les 44.000LL contre un dollar mercredi, 48.000LL mardi matin -, était jusqu’alors utilisé.

Certaines stations d’essence sont restées fermées aujourd'hui, provoquant des files interminables de voitures devant celles restées ouvertes.

Perte de 60.000LL par bidon

Interrogé par Ici Beyrouth, un propriétaire d’une station service du Metn explique que, selon la circulaire de la Banque du Liban (BDL) du mardi, les propriétaires de stations service peuvent acheter les dollars pour le carburant au taux de la plateforme Sayrafa. Or, ils n’arrivent pas à se procurer des dollars au taux de Sayrafa auprès des banques commerciales et doivent encore les acheter au taux du marché parallèle, tandais que la nouvelle grille des prix du ministère de l'Énergie a été calculée au taux de Sayrafa, soit à 6.000LL de moins pour un dollar. “Nous achetons l’essence au taux de 44.000LL et nous la revendons à celui de 38.000 LL comme imposé par le ministère ce qui signifie que nous perdons environ 60.000 LL sur chaque bidon d’essence. Comment les autorités affirment que nous pouvons acheter des dollars à 38.000LL alors que c’est impossible?”, s’insurge-t-il.

Et de poursuivre “Nous allons garder les stations ouvertes pour la forme avec un quota limité de vente. Au lieu de travailler avec 5 distributeurs, nous ne faisons fonctionner qu’un ou deux. Nous ne voulons pas vendre, ou plutôt, nous voulons diminuer les ventes et par conséquent les pertes. Nous allons ouvrir jeudi plus tard dans la journée tandis qu'aujourd’hui, nous avons fermé plus tôt ”. “Nous n’avons aucun intérêt à vendre”, conclut-il amèrement.

Réagissant à la nouvelle grille, le porte-parole du syndicat des propriétaires de stations-service, Georges Brax, a fustigé la nouvelle tarification qui a engendré de grosses pertes aux stations. Il a demandé au gouverneur de la Banque centrale et à l'Association des banques du Liban (ABL) de faciliter l'achat de dollars au taux de Sayrafa aux propriétaires de stations-service, "sinon les prix devront à nouveau être calculés au taux du marché parallèle". "Nous nous dirigeons fatalement vers une crise à la veille du Nouvel an", a-t-il averti.

https://youtu.be/u2NraCgQ91E


 

Des dollars au taux de 38.000LL, introuvables

Le représentant des distributeurs de carburant, Fadi Abou Chakra, a pour sa part, affirmé que les banques ne donnent pas de dollars à 38.000LL tout simplement parce qu’elles ne les ont pas obtenus. Information confirmée d'une source bancaire contactée par Ici Beyrouth qui va même jusqu’à dire que les dollars ne seront disponibles qu’en début d’année prochaine. Même la Banque Al Mawared, banque commerciale citée par la dernière circulaire de la BDL comme fournisseuse principale de dollars, ne fournit pas de dollars aux sociétés, mais juste aux particuliers. Cette dernière a promis de se référer à la Banque du Liban pour étudier la possibilité de fournir des dollars aux propriétaires des stations services.  M.Abou Chakra, s'exprimant suite à une réunion avec le ministre sortant de l'Énergie a assuré que "les propriétaires de stations et les distributeurs n'ont pas encore pu obtenir de dollars pour acheter du carburant." Tout en affirmant ne pas être contre la baisse des prix du carburant, le représentant des distributeurs de carburants demande que le mécanisme permettant aux stations service de se fournir en dollar entre en vigueur.

Même son de cloche des sociétés importatrices de pétrole. À l’issue d’une réunion en fin d’après-midi, le rassemblement des sociétés importatrices de pétrole a demandé, "qu’afin d'éviter la fermeture des stations, que tous ceux qui sont concernés par ce dossier interviennent immédiatement et coordonnent avec les banques pour s'assurer que le dollar soit vendu aux stations au prix de 38 000 livres, à partir de jeudi matin".

De son côté, le ministère de l'Énergie s'est réjoui, dans un communiqué, de cette baisse des prix, mais a relevé que "ce mécanisme ne réussira que si la Banque du Liban et les banques s'engagent à fournir les dollars aux sociétés et aux personnes privées". Le ministère a rappelé qu'il n'est pas en charge de fixer le taux de change, mais que c’est du ressort de la BDL.

M. Fayad oublie peut-être que c'est au gouvernement, donc à lui et ses collègues, qu'incombait, entre autre, de mettre en place un plan de redressement du pays et d'empêcher le trafic aux frontières.

Une solution à la crise?

En soirée, M. Abi Chakra et M. Maroun Chammas ont affirmé que le prix des carburants sera calculé demain jeudi sur la base du dollar au marché noir suite à une entente entre le minstre Fayad et le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé, coupant l'herbe sous le pied d'une crise qui aurait frappé la période des fêtes de fin d'année.
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