Pénurie de profs: la France vise le mode de recrutement
Fortement affectée par le manque de candidats aux concours enseignants, l'Éducation Nationale en France cherche des solutions. En cause, un salaire trop faible, et des conditions de travail qui se détériorent chaque année. Le gouvernement souhaite accompagner le processus de recrutement d'une formation en alternance dès bac+3.

Faut-il modifier le mode de recrutement et de formation des professeurs ? Face à la pénurie de candidats aux concours enseignants, des voix s'élèvent pour réclamer un changement du système afin d'attirer davantage de candidats.

Les concours enseignants sont loin de faire le plein. À l'issue de ceux de juillet dernier, plus de 4.000 postes n'ont pas été pourvus, conduisant le ministère de l'Education à avoir recours à un nombre accru de contractuels parfois moins formés que les titulaires.

Pour les concours à venir, le ministère a prolongé de deux semaines les inscriptions dans le premier et le second degré, jusqu'à ce vendredi, face au manque de candidats. Le nombre d'inscrits au final n'est pas encore connu, mais les difficultés sont là, reflet d'une crise d'attractivité aux multiples causes du métier.

Des enseignants contractuels en formation à une semaine de la rentrée des classes (AFP)

 

"Depuis plusieurs années, il y a des questions relatives à l'attractivité du métier", a souligné la semaine dernière le ministre de l'Education Pap Ndiaye, évoquant notamment, pour y faire face, les "efforts" du gouvernement pour la "revalorisation des salaires", objet d'une concertation engagée en octobre.

Outre les rémunérations ou les conditions d'exercice du métier, les modes de formation et de recrutement des enseignants figurent également parmi les pistes auxquelles s'intéresse le ministre : il a indiqué, à plusieurs reprises, "réfléchir au processus de sélection des futurs professeurs" qui "ne nécessite pas forcément un concours au niveau bac +5".

Les concours d'enseignants viennent pourtant d'être déplacés de la première année de master à la seconde par une réforme de 2021, après déjà plusieurs changements dans le cursus des études ces dernières années. Dont la réforme de 2010, qui a déplacé au niveau Master (bac + 5) les concours de l'Éducation nationale (contre bac + 3 auparavant).

Pap Ndiaye a récemment évoqué la possibilité de "+pré-recruter+ à bac + 3 et rémunérer une formation en alternance, avec une forte pratique professionnelle de deux années supplémentaires".
Pas assez de formation

Le président Emmanuel Macron a souhaité, en août, "qu'on reprenne à bras-le-corps le sujet de la formation des enseignants", estimant qu'on a souvent "demandé des diplômes universitaires excessifs pour certains".

Parmi les pistes envisagées, "s'engager dès le baccalauréat dans ce beau métier", a-t-il dit. Une option expérimentée depuis 2021 par des parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE), dispensés en partie dans un lycée et en partie dans une université.


Le ministre de l'Education Pap Ndiaye, a souligné les "efforts" du gouvernement pour la "revalorisation des salaires" (AFP)

 

Dans ses conclusions publiées la semaine dernière, une mission parlementaire de Cécile Rilhac (Renaissance) et Rodrigo Arenas (LFI) suggère d'avancer le concours de professeur des écoles en fin de troisième année de licence, suivi de deux années de professionnalisation rémunérée.

Mais "la position du concours ne va pas tout régler", souligne Muriel Coret, responsable formation des enseignants au Snesup-FSU.

Pour ce syndicat, l'amélioration de la formation des professeurs doit passer par "un financement des études", "des stages conçus comme temps effectifs de formation et non de substitution aux titulaires" ou "une entrée réellement progressive dans le métier".

Car cette phase est actuellement "extrêmement brutale, rapide et compliquée", selon Muriel Coret. Des conditions qui ne se sont "pas améliorées" avec la réforme de 2021 : les stagiaires passés par un Master Meef (Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) se retrouvent désormais à temps plein devant une classe pour leur première année d'enseignement, avec seulement 10 à 20 jours de formation dans l'année.

Grève à l'école à Paris, en raison des professeurs non remplacés (AFP)

 

Des conditions qui peuvent donner "l'impression d'être jetée dans la nature, abandonnée", raconte Anaïs, 24 ans, stagiaire cette année dans le Pas-de-Calais, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille.

"Les conditions de l'année du stage nous semblent urgentes à changer", juge Catherine Nave-Bekhti, à la tête du Sgen-CFDT. "On a un tel niveau de difficulté de recrutement des enseignants qu'il faut vraiment se donner les moyens de montrer qu'on est accompagné par la formation, avec une entrée progressive dans le métier".

Avec AFP
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