Son nom avait circulé l’année dernière, mais ce n’est pas elle qui l’a décroché. Aujourd’hui, l’Académie suédoise la couronne enfin en lui décernant le Prix Nobel de la littérature. Annie Ernaux est un monument incontournable de la littérature française. Son apport dans l’autofiction réelle est inestimable.
L’écrivaine de 82 ans est récompensée pour «le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle», a expliqué le jury Nobel. Mais il faut aller chercher les raisons de ce Prix plus loin, en lisant l’œuvre de cette écrivaine dont le talent subjugue. Elle n’écrit pas des pavés, loin de là. Un récit court, Passion Simple, qui se lit en trente minutes chrono a été un de ses livres les plus vendus et les plus appréciés.
Annie Ernaux a déjà reçu plusieurs prix pour l’ensemble de son œuvre: le Prix de la langue française en 2008 et le prix Marguerite Yourcenar en 2017. Ses textes ont été rassemblés en grande partie dans Quarto publié en 2011 chez Gallimard. Avec une œuvre qui prend sa source dans son propre vécu, son émancipation intime et sociale, la romancière est devenue une «référence intellectuelle pour toute une génération venue au féminisme dans la foulée du mouvement #MeToo», souligne le journal Courrier international.
Née Annie Duchesne, le 1er septembre 1940 à Lillebonne (Seine-Maritime), elle a grandi à Yvetot, en Normandie, et est issue d’un milieu social modeste. Ses parents, ouvriers, sont devenus commerçants après avoir acheté le café-épicerie du village. Après des études de lettres à l’université de Rouen, puis de Bordeaux, qui la mènent jusqu’à l’agrégation, elle enseigne au début des années 1970 à Annecy.
Elle puise la matière de ses livres dans sa propre vie
La romancière a construit un édifice littéraire lié à ses expériences personnelles. Elle n’a jamais hésité à puiser dans sa vie personnelle la matière qu’il lui fallait pour dénoncer ou revendiquer. Elle a ainsi témoigné sur sa classe d’origine, les hontes qui en découlaient, sa volonté de s’y soustraire, livrant la panoplie de sentiments qui accompagnent une ascension sociale.
Elle a énormément creusé la question de la condition féminine, celle d’une femme née pendant la guerre et devenue adulte dans les années 1960, toute une vie consignée dans une œuvre à la fois intime et universelle. Elle a raconté l’enfance, l’adolescence et la jeunesse dans Les Armoires vides (1974) ou dans Ce qu’ils disent ou rien (1977); elle a raconté sa famille, ses parents et son émancipation sociale dans La Place (1983) ou La Honte (1997); elle a raconté son mariage, ses enfants, son travail de professeure dans La Femme gelée (1981); elle a raconté l’avortement dans L’Événement (2000), la mort de sa mère dans Une femme (1987), la passion dans Passion simple (1992), le secret de famille, la mort de sa sœur avant sa naissance dans L’Autre Fille (2011); elle a aussi raconté l’entrée brutale dans la vie sexuelle dans Mémoire de fille (2016) et sa ville dans Regarde les lumières mon amour, un journal de bord des moments qu’elle a passés dans son hypermarché Auchan. Elle a livré une forme de synthèse de tout ça dans Les Années, paru en 2008.
«Je ne suis pas exhibitionniste. Je ne suis pas autocentrée même si on me l’a reproché. Je crois que j’ai toujours parlé de moi en termes distanciés, comme si j’étais le lieu d’une expérience que je restituais. Je parle de moi parce que c’est le sujet que je connais le mieux quand même… Je m’intéresse à ce qu’il a pu y avoir de social déposé en moi comme dans tout le monde», déclarait la romancière en avril 2017 dans Le Monde.
Passion Simple adapté au cinéma par Danielle Arbid
Deux de ses romans ont été adaptés au cinéma: Passion simple, de Danielle Arbid, sorti en août 2020, d’après le roman éponyme paru en 1992 dans lequel elle racontait crûment la passion d’une quadragénaire pour un homme marié, et L’Événement, d’Audrey Diwan, Lion d’or à la Mostra de Venise, adapté du roman paru en 2000, dans lequel elle faisait le récit de son avortement. La vie et l’œuvre d’Annie Ernaux sont également au cœur d’un documentaire, J’ai aimé vivre là, de Régis Sauder, tourné à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), lieu de résidence d’Annie Ernaux.
Bélinda Ibrahim
belibrahim@icibeyrouth.com
Insta: @belindabeatriceibrahim
Twitter: @belibrahim
L’écrivaine de 82 ans est récompensée pour «le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle», a expliqué le jury Nobel. Mais il faut aller chercher les raisons de ce Prix plus loin, en lisant l’œuvre de cette écrivaine dont le talent subjugue. Elle n’écrit pas des pavés, loin de là. Un récit court, Passion Simple, qui se lit en trente minutes chrono a été un de ses livres les plus vendus et les plus appréciés.
Annie Ernaux a déjà reçu plusieurs prix pour l’ensemble de son œuvre: le Prix de la langue française en 2008 et le prix Marguerite Yourcenar en 2017. Ses textes ont été rassemblés en grande partie dans Quarto publié en 2011 chez Gallimard. Avec une œuvre qui prend sa source dans son propre vécu, son émancipation intime et sociale, la romancière est devenue une «référence intellectuelle pour toute une génération venue au féminisme dans la foulée du mouvement #MeToo», souligne le journal Courrier international.
Née Annie Duchesne, le 1er septembre 1940 à Lillebonne (Seine-Maritime), elle a grandi à Yvetot, en Normandie, et est issue d’un milieu social modeste. Ses parents, ouvriers, sont devenus commerçants après avoir acheté le café-épicerie du village. Après des études de lettres à l’université de Rouen, puis de Bordeaux, qui la mènent jusqu’à l’agrégation, elle enseigne au début des années 1970 à Annecy.
Elle puise la matière de ses livres dans sa propre vie
La romancière a construit un édifice littéraire lié à ses expériences personnelles. Elle n’a jamais hésité à puiser dans sa vie personnelle la matière qu’il lui fallait pour dénoncer ou revendiquer. Elle a ainsi témoigné sur sa classe d’origine, les hontes qui en découlaient, sa volonté de s’y soustraire, livrant la panoplie de sentiments qui accompagnent une ascension sociale.
Elle a énormément creusé la question de la condition féminine, celle d’une femme née pendant la guerre et devenue adulte dans les années 1960, toute une vie consignée dans une œuvre à la fois intime et universelle. Elle a raconté l’enfance, l’adolescence et la jeunesse dans Les Armoires vides (1974) ou dans Ce qu’ils disent ou rien (1977); elle a raconté sa famille, ses parents et son émancipation sociale dans La Place (1983) ou La Honte (1997); elle a raconté son mariage, ses enfants, son travail de professeure dans La Femme gelée (1981); elle a raconté l’avortement dans L’Événement (2000), la mort de sa mère dans Une femme (1987), la passion dans Passion simple (1992), le secret de famille, la mort de sa sœur avant sa naissance dans L’Autre Fille (2011); elle a aussi raconté l’entrée brutale dans la vie sexuelle dans Mémoire de fille (2016) et sa ville dans Regarde les lumières mon amour, un journal de bord des moments qu’elle a passés dans son hypermarché Auchan. Elle a livré une forme de synthèse de tout ça dans Les Années, paru en 2008.
«Je ne suis pas exhibitionniste. Je ne suis pas autocentrée même si on me l’a reproché. Je crois que j’ai toujours parlé de moi en termes distanciés, comme si j’étais le lieu d’une expérience que je restituais. Je parle de moi parce que c’est le sujet que je connais le mieux quand même… Je m’intéresse à ce qu’il a pu y avoir de social déposé en moi comme dans tout le monde», déclarait la romancière en avril 2017 dans Le Monde.
Passion Simple adapté au cinéma par Danielle Arbid
Deux de ses romans ont été adaptés au cinéma: Passion simple, de Danielle Arbid, sorti en août 2020, d’après le roman éponyme paru en 1992 dans lequel elle racontait crûment la passion d’une quadragénaire pour un homme marié, et L’Événement, d’Audrey Diwan, Lion d’or à la Mostra de Venise, adapté du roman paru en 2000, dans lequel elle faisait le récit de son avortement. La vie et l’œuvre d’Annie Ernaux sont également au cœur d’un documentaire, J’ai aimé vivre là, de Régis Sauder, tourné à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), lieu de résidence d’Annie Ernaux.
Bélinda Ibrahim
belibrahim@icibeyrouth.com
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