Après les Houthis, un nouveau front s'ouvre au Yémen
Une photo montre des véhicules militaires endommagés, supposément fournis par les Émirats arabes unis pour soutenir les forces séparatistes du Conseil de transition du Sud (CTS), à la suite d’une frappe aérienne menée par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite dans le port de Mukalla, dans le sud du Yémen, le 30 décembre 2025. ©Stringer / AFP

Le Yémen, déjà dévasté par une décennie de guerre civile avec les houthis, est désormais secoué par un nouveau front avec les séparatistes, qui met aux prises deux puissances régionales traditionnellement alliées, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

Quelles forces en jeu?

Tout a commencé début décembre, quand le mouvement séparatiste du Conseil de transition du Sud (STC) s'est emparé de vastes portions de territoire, sans grande résistance dans des étendues peu peuplées.

Bases militaires, postes de contrôle et champs pétrolifères: dans une offensive éclair, ils ont conquis quasiment la totalité de la province de Hadramout et une large partie de celle voisine de Mahra.

Le voisin saoudien, soutien du gouvernement yéménite, a alors riposté par des frappes et a ouvertement accusé mardi les Émirats arabes unis d'agir de façon «extrêmement dangereuse» en soutenant les séparatistes.

Selon le STC, Riyad a déployé environ 20.000 forces de sécurité le long de sa frontière, à proximité des positions tenues par les séparatistes.

Abou Dhabi, dont les drapeaux flottent lors des rassemblements séparatistes, a démenti «attiser le conflit» tout en annonçant le retrait de ses forces restantes au Yémen par «sécurité» pour son personnel.

Cette situation «risque de bouleverser la fragile trêve qui règne depuis 2022 au Yémen et de relancer une guerre qui a maintes fois profité aux Houthis pro-iraniens», écrit dans une analyse April Longley Alley, chercheuse au Washington Institute.

«Elle pourrait également accentuer les tensions entre les principaux alliés des États-Unis, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis».

Que veut le STC?

Le STC aspire à terme à rétablir un État dans le sud du Yémen, où une République démocratique et populaire a été indépendante entre 1967 et 1990, alors seul État marxiste arabe, avant d'être réunie avec le Nord nationaliste.

Ce n'est pas la première fois que ce mouvement, fondé en 2017 par Aidarous al-Zoubaïdi, s'oppose au gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale.

Début 2018, les séparatistes s'étaient retournés contre les forces gouvernementales à Aden, la «capitale provisoire» du Yémen depuis la prise de la capitale Sanaa (nord) par les rebelles houthis. Ils avaient assiégé le palais présidentiel, avant une intervention saoudo-émiratie.

Un an plus tard, des affrontements opposent séparatistes et loyalistes. Les combats font en quatre jours une quarantaine de morts, selon l'ONU.

Le STC renoncera finalement à l'autonomie en 2020 et rejoindra un nouveau gouvernement d'union anti-Houthis sous l'égide de Riyad.

Ce fragile équilibre s'est maintenu jusqu'à la récente offensive, lancée à la faveur de la trêve conclue en 2022 avec les Houthis et globalement respectée.

Désormais, les séparatistes contrôlent quasiment tout le territoire de l'ancien Yémen-Sud.

«Le STC fait le pari d'unifier le Sud sous sa direction, dans le but d'isoler les Houthis pro-iraniens dans le Nord, d'utiliser les revenus du pétrole et du gaz et de créer un État stable et fonctionnel», observe dans une récente étude Gregory D. Johnsen, de l'Institut des Etats arabes du Golfe.

«C'est un défi de taille, qui se heurtera certainement à des résistances tant à l'intérieur qu'à l'extérieur».

Pourquoi Riyad tient tant à Hadramout?

C'est la plus grande province du Yémen, couvrant environ un tiers du territoire national, et la plus riche: elle abrite la plupart des gisements de pétrole du pays, essentiels aux recettes publiques.

Ses ports sont éloignés de la zone sensible de la mer Rouge, régulièrement prise pour cible par les Houthis.

Mais pour les Saoudiens, cette région qui jouxte leur frontière sud représente bien plus.

Depuis des générations, les familles originaires de Hadramout, réputées pour leur esprit d'entreprise, jouent un rôle important dans l'économie de l'Arabie saoudite. Elles y gèrent des restaurants familiaux ou des consortiums de construction valant des milliards de dollars.

Perdre le contrôle et l'influence sur Hadramout au profit d'un groupe soutenu par les Émirats serait donc un coup dur pour Riyad, selon les experts.

Les Saoudiens peuvent-ils stopper les séparatistes?

Riyad n'a guère de raisons d'être optimiste au vu des difficultés rencontrées dans son combat contre les Houthis, qui dure depuis 2014 et a déjà fait des centaines de milliers de morts, morcelé le pays et provoqué l'une des pires crises humanitaires au monde.

Malgré des dépenses de plusieurs milliards de dollars, notamment des frappes aériennes dévastatrices, l'Arabie saoudite n'a pas réussi à terrasser les Houthis dans le nord montagneux et escarpé.

Les experts militaires estiment toutefois que le terrain du sud, composé de plateaux, de déserts et de larges vallées, pourrait jouer en sa faveur.

Par David STOUT / AFP

 

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