Yémen: Riyad dénonce des actes très «dangereux» d'Abou Dhabi qui dément
Des membres yéménites des tribus Sabahiha de Lahj, vivant le long de la bande séparant le sud et le nord du pays et soutenant le Conseil de transition du Sud (CTS) appuyé par les Émirats arabes unis, brandissent un portrait de son dirigeant Aidaros Alzubidi et agitent l’ancien drapeau du Yémen du Sud lors d’un rassemblement sur la place Khormaksar, dans la ville portuaire côtière d’Aden, capitale provisoire de la République du Yémen, le 14 décembre 2025. ©Saleh Al-Obeidi / AFP

L'Arabie saoudite a accusé mardi les Émirats arabes unis d'agir de façon «extrêmement dangereuse» en soutenant les séparatistes au Yémen, où elle a mené des frappes aériennes, Abou Dhabi démentant attiser le conflit.

Déjà affaibli par un long conflit avec les Houthis, le pays le plus pauvre de la péninsule arabique, au cœur de rivalités régionales, a vu s'ouvrir début décembre un nouveau front.

Le mouvement séparatiste du Conseil de transition du Sud (STC), membre du gouvernement yéménite et soutenu par Abou Dhabi, s'est emparé ces dernières semaines de vastes portions de territoire, sans rencontrer de grande résistance. Et ses partisans l'appellent à rétablir un État dans le sud du Yémen, où une République démocratique et populaire a été indépendante entre 1967 et 1990.

Malgré les demandes répétées de l'Arabie saoudite, soutien du gouvernement yéménite, le STC a de nouveau refusé mardi de se retirer.

«Il est déraisonnable de demander au propriétaire d'une terre de la quitter. La situation exige de rester et de se renforcer», a déclaré à l'AFP Anwar Al-Tamimi, porte-parole du STC.

«Aucune arme»

Aux premières heures de la matinée, la coalition militaire dirigée par Riyad avait annoncé des frappes sur le port d'al-Mukalla, capitale de la province de l'Hadramout récemment conquise par le SCT.

Selon l'agence officielle saoudienne SPA, ces bombardements ont visé «une grande quantité d'armes et de véhicules de combat» destinés aux séparatistes, qui venaient d'être déchargés de bateaux originaires du port émirati de Fujairah.

Cette «opération militaire limitée» n'a fait aucune victime, selon la même source.

Dans un communiqué, le ministère saoudien des Affaires étrangères a accusé les Émirats d'être derrière la récente avancée des séparatistes. Et jugé que les actions d'Abou Dhabi étaient «extrêmement dangereuses» et constituaient «une menace pour la sécurité» de l'Arabie saoudite et de la région.

Une source proche de l'armée saoudienne a indiqué que la coalition avait été «contrainte d'agir, les efforts diplomatiques ayant été ignorés». Mais «la diplomatie reste une option pour empêcher toute nouvelle escalade», a-t-elle ajouté.

Dans l'après-midi, les Émirats arabes unis ont démenti «attiser le conflit» tout en annonçant le retrait de leurs forces restantes au Yémen par «sécurité» pour leur personnel, Riyad leur avait donné un délai de 24 heures.

Ils ont assuré que la cargaison émiratie débarquée au Yémen ne comprenait «aucune arme». Et «les véhicules déchargés n'étaient destinés à aucun acteur yéménite», mais aux forces émiraties opérant au Yémen, selon le ministère des Affaires étrangères, qui a ajouté que l'arrivée de ces marchandises avait été coordonnée avec Riyad.

L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, traditionnellement de proches alliés, avaient initialement uni leurs forces contre les Houthis au sein de la coalition au Yémen, mais des désaccords sont apparus au fil du conflit, ainsi que sur la guerre au Soudan.

«Terrifiés»

Dans le port d'al-Mukalla, un responsable ayant requis l'anonymat a expliqué avoir reçu un appel à évacuer vers 04H00 (01H00 GMT), «un quart d'heure avant la frappe».

Des images de l'AFP montrent un groupe de voitures calcinées. Non loin, des fenêtres de bâtiments ont été soufflées par la frappe.

«Nos fenêtres ont été brisées, les portes cassées, les enfants et les femmes étaient terrifiés», a raconté un témoin, Abdallah Bazouhair. «C'est inacceptable, qui va nous indemniser pour les dégâts causés?», a-t-il dit, dénonçant «un acte odieux».

Le chef du Conseil présidentiel au Yémen, Rachad al-Alimi, soutenu par Riyad, a de son côté décrété l'état d'urgence et annoncé l'annulation d'un pacte de défense avec les Émirats arabes unis.

Mais dans ce Conseil divisé, la moitié de ses huit membres, proches d'Abou Dhabi, ont aussitôt rejeté de telles «décisions unilatérales».

Ces derniers jours, des centaines de membres de tribus se sont rassemblés à Aden, la grande ville du sud, pour demander aux dirigeants du STC d'annoncer l'indépendance du Yémen du Sud, selon la chaîne Aden Independent affiliée aux séparatistes.

Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, avait appelé vendredi à la «retenue», tout en évitant de prendre parti entre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, deux partenaires clés de Washington.

Ces nouvelles tensions pourraient fragiliser davantage le pays dévasté par des années de guerre.

Le conflit qui a éclaté en 2014 entre, d'un côté, le gouvernement et ses alliés, dont le STC, et de l'autre, les houthis pro-iraniens, a déjà fait des centaines de milliers de morts, morcelé le pays et provoqué l'une des pires crises humanitaires au monde. Une trêve conclue en 2022 est globalement respectée.

AFP

 

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