La Syrie a été secouée, ces derniers jours, par une nouvelle flambée de violences à caractère communautaire, illustrant la fragilité persistante de la transition politique engagée depuis la chute du régime Assad. Une séquence qui débute, vendredi, par un attentat meurtrier à Homs et se prolonge, deux jours plus tard, par des manifestations dégénérant en affrontements sanglants dans plusieurs villes du littoral.
De l’attentat à la rue
Le premier acte de cette séquence intervient le vendredi 26 décembre. Une explosion frappe la mosquée Imam Ali ibn Abi Talib, située dans le quartier alaouite de Wadi al-Dahab, à Homs, alors que des fidèles y accomplissent la prière du vendredi. Selon l’agence officielle syrienne SANA, l’attaque fait au moins huit morts et une vingtaine de blessés.
L’attentat est rapidement revendiqué par le groupuscule extrémiste sunnite Saraya Ansar al-Sunna. Il ravive immédiatement les craintes d’un retour des violences sectaires dans un pays déjà profondément marqué par quatorze années de guerre.
Deux jours plus tard, soit le dimanche 28 décembre, la colère gagne la rue. Des manifestations organisées par des membres de la communauté alaouite éclatent à Lattaquié, Tartous, Jablé, ainsi que dans certains quartiers de Homs et de Hama.
Les rassemblements entendent dénoncer ce que les manifestants décrivent comme une insécurité persistante visant leur communauté depuis l’arrivée au pouvoir, fin 2024, du président Ahmad el-Chareh. Les slogans réclament la libération de détenus, davantage de garanties sécuritaires et, pour certains, une refonte politique allant jusqu’à des revendications fédéralistes destinées à mieux protéger les minorités.
De la rue aux affrontements
La mobilisation dégénère toutefois rapidement. Des heurts violents éclatent entre manifestants, forces de sécurité et groupes favorables aux autorités. Des tirs, des jets de pierres et des actes de vandalisme plongent plusieurs centres urbains dans la confusion.
À Lattaquié, des témoins rapportent des coups de feu tirés pour disperser la foule. Selon SANA, les affrontements font au moins trois morts et plus de soixante blessés dans la ville côtière. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) évoque de son côté la mort de deux manifestants tués par les forces de l’ordre, une version que les autorités n’ont pas confirmée officiellement.
Le ministère syrien de l’Intérieur accuse, pour sa part, des hommes armés liés à l’ancien régime d’avoir exploité les manifestations pour attaquer les forces de sécurité et des civils, évoquant une tentative délibérée de déstabilisation. Par ailleurs, le chef de la sécurité de Lattaquié accuse, le cheikh Ghazal Ghazal, président du Conseil islamique alaouite en Syrie et à l'étranger, d’inciter à la confrontation avec l’État.
En effet, à l’issue des affrontements qui ont eu lieu, le cheikh alaouite a condamné «une violation flagrante» de la liberté d'expression, dénonçant «l'oppression» du nouveau pouvoir syrien. «Nous appelons notre peuple à rester en sécurité et à rentrer chez lui», avait-t-il écrit sur Facebook.
À cela, le conseiller du président Chareh, Ahmad Zaidan, a rétorqué, adoptant un ton sévère à l’égard de certaines figures alaouites, les accusant de vouloir «entraîner l’ensemble du composant alaouite dans une impasse» pour échapper à toute reddition de comptes liée aux crimes de l’ancien régime.
Les Kurdes en arrière-plan d’une crise plus large
En toile de fond, les tensions actuelles ont également des répercussions sur d’autres dossiers sensibles. Des vidéos largement relayées sur les réseaux sociaux, prétendant montrer l’arrivée à Damas du commandant des Forces démocratiques syriennes (FDS), Mazloum Abdi, se sont révélées infondées.
Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont précisé que la visite prévue lundi à Damas, dans le cadre du dialogue entre l’administration autonome du Nord-Est syrien et le pouvoir central, avait été reportée pour des raisons techniques et logistiques. Elles assurent que ce report ne remet ni en cause le canal de communication ni les objectifs politiques poursuivis.
Selon plusieurs observateurs, les affrontements sur le littoral et à Homs compliquent néanmoins la mise en œuvre de l’accord conclu entre les Kurdes et le gouvernement syrien, illustrant l’incapacité persistante de l’État à stabiliser simultanément ses multiples lignes de fracture.
Une inquiétude régionale, jusqu’au Liban
Au Liban voisin, ces développements sont suivis avec une attention particulière. L’expérience récente a montré qu’une dégradation de la situation sécuritaire en Syrie peut rapidement se traduire par des tensions communautaires, des pressions accrues sur la frontière ou de nouveaux mouvements de population.
Dans une Syrie encore convalescente, cette séquence de violences rappelle que la transition politique demeure fragile, suspendue à des équilibres communautaires toujours explosifs.



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