Au moins trois personnes ont été tuées dimanche lors de manifestations alaouites dans l’ouest de la Syrie, ont indiqué les autorités sanitaires, alors que des milliers de personnes descendaient dans les rues du cœur de cette minorité religieuse après un attentat meurtrier dans une mosquée.
Des milliers de manifestants des provinces côtières et du centre de la Syrie ont répondu à l’appel d’une autorité religieuse pour protester contre l’attaque survenue vendredi à Homs, qui a fait huit morts et ravivé les craintes des minorités sous les nouvelles autorités islamistes.
L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a indiqué que les forces de sécurité syriennes avaient tiré et tué deux personnes dans la province majoritairement alaouite de Lattaquié, alors qu’elles dispersaient une manifestation de membres de la minorité.
L’agence officielle syrienne SANA a ensuite cité la direction de la santé de Lattaquié, rapportant «trois décès et 60 blessés » lors d’« attaques de restes de l’ancien régime contre les forces de sécurité et des civils pendant les manifestations dans la ville».
Une source médicale a indiqué à l’AFP qu’au moins deux corps avaient été transportés à l’hôpital local de Lattaquié.
Des correspondants de l’AFP à Lattaquié et dans la ville côtière de Jableh ont vu les forces de sécurité intervenir pour disperser les affrontements entre manifestants et partisans des nouvelles autorités islamistes syriennes, tirant des coups de feu en l’air.
Le chef de la sécurité intérieure de Lattaquié, le général de brigade Abdul Aziz al-Ahmad, a déclaré que «nos forces de sécurité et des manifestants ont été soumis à des tirs directs d’une source inconnue», entraînant des blessés parmi les civils et le personnel de sécurité, selon le ministère de l’Intérieur.
Les forces syriennes ont ensuite été déployées pour disperser également les partisans du gouvernement, selon un correspondant de l’AFP.
L’Observatoire a également signalé des violences dans la ville de Homs elle-même, faisant plusieurs blessés.
«Déterminer notre destin»
Les manifestations de dimanche font suite aux appels du chef spirituel alaouite Ghazal Ghazal, qui a exhorté samedi les habitants à «montrer au monde que la communauté alaouite ne peut être humiliée ni marginalisée» après l’attentat de Homs.
L’attentat de vendredi, revendiqué par un groupe extrémiste sunnite connu sous le nom de Saraya Ansar al-Sunna, est le dernier en date visant cette minorité, cible de violences depuis la chute en décembre 2024 du dirigeant de longue date Bachar al-Assad, lui-même alaouite.
«Nous ne voulons pas de guerre civile, nous voulons un fédéralisme politique. Nous ne voulons pas de votre terrorisme. Nous voulons déterminer notre propre destin», a déclaré Ghazal, président du Conseil islamique alaouite en Syrie et à l’étranger, dans un message vidéo sur Facebook.
À Lattaquié, les manifestants portaient des portraits de Ghazal et des banderoles en signe de soutien, tout en appelant les nouvelles autorités à permettre une gouvernance décentralisée et une certaine autonomie régionale.
Des pancartes réclamaient également la fin des «discours sectaires» et demandaient le paiement des salaires des civils et anciens soldats.
«Pourquoi ces assassinats ? Pourquoi ces enlèvements ?», s’interrogeait Numeir Ramadan, commerçant de 48 ans manifestant à Lattaquié avant les affrontements. «Assad est parti, et nous ne le soutenons pas… Pourquoi ces tueries ?»
Dans un communiqué dimanche, le conseil a accusé les autorités d’attaquer des «civils non armés» revendiquant leurs «droits légitimes» et a appelé les partisans à rentrer chez eux.
La plupart des Syriens sont musulmans sunnites, et la ville de Homs, où l’attentat a eu lieu, abrite une majorité sunnite, mais comprend aussi plusieurs quartiers à majorité alaouite, une communauté dont la foi puise dans l’islam chiite.
Depuis la chute d’Assad, l’OSDH et des habitants de Homs ont signalé des enlèvements et des assassinats ciblant les membres de cette minorité.
Massacres alaouites
Le pays a connu plusieurs flambées sanglantes de violences sectaires.
En mars, les zones côtières syriennes ont été le théâtre de massacres de civils alaouites, les autorités accusant des partisans armés d’Assad d’avoir déclenché la violence en attaquant les forces de sécurité.
En juillet, des affrontements sectaires dans la région majoritairement druze de Soueïda ont fait plus de 2 000 morts, selon l’Observatoire.
Une commission nationale d’enquête sur les violences de mars a fait état d’au moins 1 426 morts parmi la minorité, tandis que l’Observatoire avançait le chiffre de plus de 1 700.
Fin novembre, des milliers de personnes ont manifesté sur la côte pour protester contre de nouvelles attaques visant les Alaouites à Homs et dans d’autres régions.
Avant et après le massacre de mars, les autorités ont mené une vaste campagne d’arrestations dans les zones à majorité alaouite, qui étaient également des bastions d’Assad.
Dimanche, les manifestants ont également réclamé la libération des détenus.
Vendredi, la télévision d’État syrienne a annoncé la libération de 70 détenus à Lattaquié «après qu’il a été prouvé qu’ils n’étaient pas impliqués dans des crimes de guerre», précisant que d’autres libérations suivraient.
Malgré les assurances de Damas selon lesquelles toutes les communautés syriennes seraient protégées, les minorités restent méfiantes quant à leur avenir sous les nouvelles autorités islamistes, qui ont jusqu’ici rejeté les appels au fédéralisme.
AFP



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