Pour clore l’année, un mot du quotidien, chargé d’histoire, de mémoire et de saveurs: zaatar. Longtemps cantonné aux cuisines du Levant, ce terme figure désormais dans le top 10 des nouveaux mots intégrés aux éditions 2026 du Petit Larousse et du Petit Robert. Une reconnaissance lexicographique pour un mot qui voyage depuis des siècles entre langue, culture et traditions.
Très prisé au Liban, en Syrie, en Palestine ou en Jordanie, le zaatar est devenu, au fil des migrations et de la mondialisation culinaire, un ingrédient familier des tables européennes. Sa popularité croissante explique son entrée officielle, en 2026, dans les dictionnaires de référence, comme le Petit Larousse et le Petit Robert, aux côtés d’autres mots voyageurs issus de la cuisine, du numérique ou des pratiques sociales contemporaines.
Le zaatar rejoint ainsi la longue liste des mots arabes passés en français par le commerce, la gastronomie et les circulations culturelles.
Du Liban aux dictionnaires français
Emprunté à l’arabe zaatar ou saatar, il désigne à l’origine le thym sauvage, mais aussi, par extension, d’autres plantes aromatiques de la même famille, comme l’origan ou l’hysope.
Avec le temps, le mot s’est chargé d’un second sens: celui du mélange d’épices emblématique du Moyen-Orient, composé – selon les régions et les familles – de thym, de sumac, de graines de sésame et de sel.
Un mot à double fond, à la fois plante et préparation, botanique et culinaire.

Un héritage millénaire
L’histoire du zaatar dépasse largement le cadre culinaire. Des recherches archéobotaniques récentes confirment la présence, dans l’Égypte ancienne, de plantes aromatiques apparentées au thym levantin, bien avant notre ère.
Une étude publiée en 2024 dans le Journal of Ancient Egyptian Interconnections a notamment mis en évidence la découverte, dans le tombeau de Toutankhamon, d’une tige de Thymbra spicata – une plante aromatique originaire du Levant, proche du thym et aujourd’hui associée au zaatar. Cette espèce n’étant pas indigène à l’Égypte, sa présence suggère des circulations botaniques et culturelles précoces entre le Proche-Orient et la vallée du Nil, ainsi qu’un usage symbolique ou rituel des plantes aromatiques dans les pratiques funéraires royales.
À l’époque gréco-romaine, les plantes de la famille des lamiacées occupent déjà une place reconnue dans les savoirs médicaux. Pline l’Ancien, au Ier siècle après J.-C., mentionne l’usage d’herbes aromatiques proches du thym dans des onguents, remèdes et préparations parfumées, confirmant leur statut de plantes à la fois thérapeutiques et symboliques dans l’Antiquité méditerranéenne.
Dans la tradition biblique, le zaatar est associé à l’hysope (ezov en hébreu), plante rituelle utilisée pour les purifications. Cette dimension symbolique explique encore aujourd’hui certaines appellations commerciales, comme «hysope sacrée», notamment en Israël.
Une diversité de recettes
Il n’existe pas un zaatar, mais des zaatars. Chaque région, chaque village, chaque famille possède sa recette, souvent transmise oralement et jalousement gardée.
Au Liban, le sumac – à la saveur acidulée – occupe une place centrale. Ailleurs, on y ajoute marjolaine, sarriette, fenouil, cumin ou coriandre.
Cette variabilité explique la richesse sémantique du mot, qui désigne moins une formule fixe qu’un savoir-faire culinaire vivant.
Zaatar, mémoire et croyances populaires
Au-delà du goût, le zaatar est investi de vertus symboliques. Au Liban, il est traditionnellement associé à la mémoire et à la concentration, il est censé telles que «renforcer l’esprit». C’est pourquoi les enfants mangent des sandwichs au zaatar et à l’huile d’olive avant les examens.
Dans certaines cultures, on lui prête aussi des vertus de courage et de résistance. Nourriture des paysans, des soldats, des familles modestes, le zaatar incarne une cuisine de la simplicité et de la transmission.
L’entrée de zaatar dans les dictionnaires français consacre un mot du quotidien levantin comme objet linguistique légitime, porteur d’histoire, de migrations et de pratiques sociales. Ce terme témoigne ainsi de l’enrichissement constant de la langue française qui intègre, au fil des années, des mots venus d’ailleurs.





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