Les Libanais, ou plutôt la majorité d’entre eux, n’ont sont malheureusement pas conscients. Ils sont la cible, depuis plus d’un demi-siècle, d’une sorte de terrorisme intellectuel qui a émergé au début des années 1970 avec l’implantation des organisations palestiniennes armées au Liban. Ce terrorisme bien spécifique, qui a le plus souvent caché des desseins inavoués et réducteurs, se poursuit jusqu’à présent, en dépit de la profonde mutation géopolitique dont le Moyen-Orient est aujourd’hui le théâtre.
Cette manipulation démoniaque – dont les acteurs ont varié au fil des décennies en fonction de la conjoncture régionale du moment – a donné naissance à une génération d’activistes qui pâtissent d’une structure mentale rigide et dogmatique, reflétant soit une attitude de déni intégral, destructrice au niveau intellectuel, soit une méconnaissance totale du passé et de certaines réalités irréfutables et fondamentales. Les comportements affichés à cet égard, à grand renfort de tapage médiatique, sont en tous points pernicieux. Qu’on en juge par les faits…
Qu’un ambassadeur israélien accorde à un média local une interview, en toute sérénité, pour adresser aux Libanais un message de paix, et l’on voit aussitôt les internautes et les «bien-pensants», parmi les cadres et les suppôts du Hezbollah, se déchainer à tout vent, en se lançant à qui mieux-mieux dans les diatribes les plus farfelues. Ces rigoristes obtus de la «lutte contre l’ennemi» et du rejet aveugle de tout contact avec une personnalité du camp adverse ont la mémoire un peu trop courte ou, dans le cas contraire, gagneraient à se documenter sur certaines réalités, impliquant directement leurs maitres à penser. Ils oublient ainsi un peu trop vite que le principal allié fidèle du Hezbollah a négocié pendant des mois, au nom de la formation pro-iranienne, avec un ancien officier supérieur de l’armée israélienne avec lequel il avait fini par entretenir, de surcroît, des relations particulièrement cordiales. Ces internautes hezbollahis zélés ne veulent pas percevoir ou admettre que le directoire du «parti de Dieu» désire sans doute conserver jalousement le monopole de tout «contact avec l’ennemi».
Mais il y a pire, encore, dans ce chapitre… Ceux qui crient aujourd’hui «haro sur le baudet» en s’élevant avec hargne contre une interview d’un ambassadeur israélien devraient s’informer, par pure honnêteté intellectuelle, des circonstances d’un scandale politique qui avait défrayé la chronique à l’échelle internationale au début des années 1980: l’Irangate. En pleine guerre Iran-Irak (1980-1988), «l’ennemi-sioniste-avec-lequel-tout-contact-relève-de-la-haute-trahison» a fourni en 1985 à la République islamique iranienne, à l’époque de l’ayatollah Khomeiny, des missiles antichars et d’autres équipements et pièces de rechange militaires, pour faire face à l’armée de Saddam Hussein.
Cette livraison de missiles par «l’ennemi israélien» au régime des mollahs s’inscrivait dans le cadre d’un deal ultrasecret entre Washington et Téhéran, prévoyant, entre autres, la fourniture d’un arsenal militaire à la République islamique, en dépit d’un embargo occidental sur la vente d’armes à Téhéran – d’où le scandale Irangate. Il serait peut-être utile d’indiquer dans ce cadre aux zélés hezbollahis des réseaux sociaux que bien avant l’affaire Irangate, Israël avait déjà acheminé dès les années 1980 et 1981 à l’ayatollah Khomeiny des munitions, des missiles et des pièces détachées, au tout début de la guerre avec l’Irak.
Realpolitik … À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles, diront certains. Sans doute. Mais cela s’applique alors, et surtout, au peuple libanais, à qui les dogmatiques et les idéologues obtus imposent depuis plus d’un demi-siècle d’endurer moult épreuves, de guerre en guerre, de bataille en bataille, sans pour autant que «la cause» ne progresse d’un seul iota, enregistrant bien au contraire, en près de huit décennies, une longue série de bonds successifs en arrière… De ce fait, les Libanais ont bel et bien le droit aujourd’hui de mener une vie tout simplement normale, de vivre en paix et en harmonie avec tous ses voisins, sans crainte et sans reproche…




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