Le ministre des Finances, Yassine Jaber, a affirmé clairement : « Les banques seront les premières perdantes » si la loi sur le gap financier, actuellement proposée, est mise en œuvre. Cela signifie inévitablement que ce sont les « déposants » qui seront affectés, puisque cette loi fait porter aux banques seules la totalité du coût du remboursement des dépôts, une mesure qui conduira assurément à l’effondrement du secteur bancaire libanais et à la perte des fonds des déposants.
Et pour cause : le dernier projet de loi sur le gap financier souffre d’un défaut fondamental, car il privilégie l’État et la Banque du Liban (BDL) au détriment des déposants, qui subiront des pertes importantes. Le projet donne la priorité à l'exonération de toute contribution de l’État et à la protection des actifs de la BDL, au lieu de restituer les fonds des déposants, transférant ainsi les pertes de l’État et de la BDL vers les banques commerciales. Cette approche, irréalisable, conduirait à l’effondrement de toutes les banques au Liban et à la perte des dépôts.
En réalité, le mécanisme proposé épuiserait les liquidités et les capitaux des banques commerciales, ce qui ferait supporter aux déposants ordinaires des pertes encore plus importantes, surtout que la BDL envisage d’utiliser les fonds des banques commerciales pour régler sa part des dépôts des déposants, via l’usage des réserves obligatoires, estimées entre 8,5 et 9 milliards de dollars.
Selon le projet de loi, le gap financier initial s’élève à environ 83,4 milliards de dollars, qui seraient réduits à environ 50 milliards après la radiation de près de 34,35 milliards de dollars, incluant des comptes anonymes et des fonds qualifiés d’« illicites », ainsi qu’environ 10 milliards de dollars d’intérêts dus et près de 15 milliards de dollars de dépôts convertis de la livre libanaise au dollar au taux de 1 500 livres pour un dollar après octobre 2019, portant ainsi le gap à environ 50 milliards de dollars.
Selon le projet, les déposants recevraient les premiers 100 000 dollars sur une période de cinq ans, en quatre versements mensuels. Le reste serait remboursé sous forme de bons du Trésor sur plusieurs années. Le coût de cette mesure est estimé à environ 22 milliards de dollars, dont 12 milliards devraient être fournis par les banques commerciales, alors que la liquidité totale dont elles disposent actuellement se situe entre 3,5 et 4 milliards de dollars, en plus des Eurobonds, d’une valeur comprise entre 8,5 et 9 milliards de dollars, dont le sort reste incertain.
De manière claire et explicite, l’État ne montre aucune intention de contribuer réellement aux pertes des déposants. Ses dettes, s’élevant à 16,5 milliards de dollars, ne seront pas remboursées. Quant aux « prêts perpétuels à intérêts négligeables », ils ne représentent en réalité qu’une perte déguisée.
Comment le ministre des Finances peut-il garantir le remboursement de 85 % des fonds, avec les 15 % restants étalés sur plusieurs années ? D’où viendront ces fonds ? De l’État, qui refuse jusqu’à présent d’assumer sa part des dettes et des pertes, la plus importante de toutes ? De la BDL, qui ne dispose que des réserves obligatoires, c’est-à-dire de l’argent des banques commerciales et donc des déposants ? Ou des banques commerciales, qui ne possèdent que 4 milliards de dollars en liquidités ?
Avec ces conditions, est-ce que le projet de loi pourra réellement rembourser les fonds, ou mènera-t-il à la faillite des banques et à la perte des dépôts ?



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