LAU Medical Center - Rizk Hospital : un siècle de médecine au cœur de Beyrouth
Rizk – LAU Medical Center : 100 ans au chevet de Beyrouth. ©laumcrh.com

De la petite clinique de douze lits fondée par le Dr Toufic Rizk en 1925 au grand hôpital universitaire affilié à la LAU, l’établissement d’Achrafieh a traversé un siècle de guerres, de crises et de réformes. Entre héritage familial et mission académique, son histoire raconte aussi celle de la médecine libanaise.

Il y a cent ans, un jeune chirurgien revenu de Paris posait sa plaque : « Clinique Dr. Toufic Rizk » près de la station de Tramway « Nasra » à Sodeco. Douze lits, trois infirmières, une passion : pratiquer une chirurgie moderne, dans un Liban qui se cherche encore. À l’époque, personne n’imagine que ce noyau deviendra, en 1957, un véritable hôpital, puis, en 2009, le principal centre hospitalo-universitaire de la Lebanese American University (LAU).

Aux côtés de son épouse, Olga Toubia, le Dr Toufic Rizk pose aussi les bases d’une famille largement tournée vers la médecine. Leurs fils, Assaad, Pierre et Paul, deviendront médecins, tandis que leur fille Mona assistera son père au bloc opératoire. Très vite, la petite clinique ouverte en 1925 à Sodeco déménage vers Ras-el-Nabeh, puis en 1934 vers Basta-al-Fawka. À chaque changement d’adresse, l’activité augmente et l’établissement s’inscrit un peu plus dans le paysage hospitalier beyrouthin.

Un siècle plus tard, le LAU Medical Center – Rizk Hospital inaugure l’année de son centenaire avec un double enjeu : rester un hôpital de proximité profondément ancré dans la capitale, tout en assumant pleinement sa vocation universitaire et sa place dans le paysage hospitalier libanais.

D’une clinique familiale à une institution résiliente

L’histoire du LAU Medical Center – Rizk Hospital commence officiellement en 1925, lorsque le Dr Toufic Ibrahim Rizk (1892-1983) fonde sa clinique privée à Sodeco. De Ras-el-Nabeh à Basta-al-Fawka, la clinique suit les déplacements d’une ville en plein essor, en développant une pratique centrée sur la chirurgie et les soins.
Très tôt, Dr. Rizk peut compter sur le soutien moral et financier de son frère, Abdallah Bey Rizk, qui l’aide à transformer la « Clinique Dr. Rizk » en structure hospitalière plus organisée. Dans les années 1950, des religieuses italiennes de l’Ordre des Franciscaines du Sacré-Cœur de Marie, puis les Sœurs Choueirites de Khenchara, rejoignent l’équipe et contribuent au fonctionnement quotidien.

Le grand tournant architectural se produit en 1957 : la « Clinique Dr. Rizk » prend ses quartiers à Achrafieh avec l’inauguration du Bâtiment A. La visite du président Camille Chamoun installe alors l’établissement parmi les adresses médicales importantes du pays.
Dans les années 1960 et 1970, le Dr. Assaad Rizk, revenu de Paris où il s’est spécialisé en urologie, prend la direction de l’hôpital aux côtés de son père. Ses frères le rejoindront plus tard. Entouré d’une belle équipe, Dr. Assaad Rizk modernise l’ensemble, introduit de nouvelles techniques et ouvre l’un des premiers centres d’hémodialyse du pays. En 1971, la « Fondation Rizk » lance la première Banque de Sang à but non lucratif du Liban, devenue par la suite le « Centre Libanais de Transfusion Sanguine » – une initiative qui ancre davantage l’hôpital dans la santé publique.

Puis viennent les années de guerre. Tandis que Beyrouth se déchire, l’hôpital reste en activité. En 1985, l’équipe lance un programme de transplantation rénale. Dans les années 1990, la « Clinique Dr. Rizk » signe plusieurs premières en cardiologie interventionnelle : pose de stents coronaires, TIPS et dilatation percutanée de la valve mitrale. En 1990, l’établissement rejoint le « Programme National de Don d’Organes », confirmant son implication dans le domaine de la transplantation au Liban.

En 1991, la troisième génération entre officiellement en scène : Sami Rizk, fils du Dr. Assaad Rizk, rejoint la direction. Avec lui, l’hôpital poursuit son développement. Les Bâtiments C et D sont construits, augmentant capacités et spécialités, tandis que le début des années 2000 est marqué par de nouveaux jalons.
En 2002, la « Clinique Dr. Rizk » installe le premier héliport hospitalier du Liban et devient le premier centre médical du pays Certifié ISO 9001, consacrant une culture de qualité. En 2008, un bâtiment adjacent est acquis pour préparer l’expansion future.

« Ce qui m’impressionne le plus dans cette histoire, confie aujourd’hui Sami Rizk, Directeur Exécutif du LAU Medical Center – Rizk Hospital, c’est la capacité de cet hôpital à continuer de se développer dans les pires moments. Quand vous construisez un bâtiment dans les années 80, sur la ligne verte, ou que vous construisez un héliport en pleine période d’instabilité, ce n’est pas un projet immobilier : c’est un acte de foi dans le pays. »

L’entrée dans l’ère universitaire

Le tournant majeur intervient en 2009. Le 30 Juin, Dr. Assaad Rizk cède l’hôpital à la Lebanese American University (LAU). Sous l’impulsion du Président de la LAU, le Dr. Joseph Jabbra, et du PDG de la « Clinique Dr. Rizk », Dr. Assaad Rizk, l’établissement devient l’University Medical Center – Rizk Hospital, avant d’adopter le nom qu’il porte aujourd’hui : LAU Medical Center – Rizk Hospital.

« Ce changement d’actionnariat n’a pas effacé l’ADN Rizk, explique le Dr. Georges Ghanem, ancien Directeur Medical. Au contraire, il l’a prolongé dans un cadre universitaire. Nous avons hérité d’un hôpital construit par des chirurgiens qui croyaient à la modernité médicale. Avec la LAU, nous avons ajouté la dimension académique : formation, recherche, protocoles et standards internationaux. »

Aujourd’hui, le LAU Medical Center – Rizk Hospital est le principal hôpital universitaire de la LAU pour les facultés de médecine, de soins infirmiers et de pharmacie.
Au fil des années, plusieurs projets ont accompagné cette évolution : un « Comprehensive Stroke Center » inauguré en 2018 pour la prise en charge des Accidents Vasculaires Cérébraux, un développement continu en cardiologie interventionnelle et en procédures structurelles, dans le prolongement des initiatives des années 1990.

« Être un hôpital universitaire, poursuit le Dr. Ghanem, c’est accepter que chaque patient qui franchit la porte nous oblige deux fois. Une première fois parce qu’il vient chercher des soins, une deuxième parce qu’il nous donne la possibilité de former une génération de médecins qui devront faire mieux que nous. »

Tenir le cap dans un système en crise

Au Liban, où le système de santé a été frappé par la crise économique, l’exode médical et l’effondrement du pouvoir d’achat, gérer un hôpital de ce type relève du défi quotidien.
« Nous travaillons dans un pays qui traverse l’une des pires crises économiques de son histoire récente, reconnaît Sami Rizk. Les coûts explosent, les salaires ne suivent pas, les patients sont pris en étau entre leurs besoins et leurs moyens. Notre responsabilité est double : rester durable en tant qu’institution, tout en continuant d’offrir des soins accessibles, humains et fondés sur la qualité. »

À cette crise structurelle se sont ajoutés des chocs successifs : l’explosion du port de Beyrouth en Aout 2020, la pandémie de COVID-19, puis la guerre israélienne de 2024. Le LAU Medical Center – Rizk Hospital reste ouvert, poursuit ses investissements et élargit ses services.

En 2020, alors que la ville panse à peine ses plaies, les « LAU Mobile Clinics » sont lancés et se rendent dans des régions les plus isolées. Cette même année, l’hôpital restructure et développe son Département d’ORL. En 2022, la première salle d’opération « hybride » du pays est mise en service, combinant imagerie de pointe et chirurgie dans un même espace.
En 2025, alors que le Liban sort difficilement d’une nouvelle séquence de tensions et de crise, l’établissement lance un « Executive Health Prevention Program (EHPP) » et achève la rénovation du Bâtiment D.

« Le plus grand risque, insiste le Dr. Ghanem, n’est pas seulement économique, il est moral. Un hôpital n’est pas un bâtiment, c’est une communauté : soignants, patients, familles, étudiants. Si vous cassez la confiance, vous perdez tout. C’est pourquoi nous misons beaucoup sur la transparence, l’information des patients, les comités d’éthique et la formation continue. »

Un siècle plus tard, la même promesse

À l’heure de célébrer les 100 ans de l’institution, la tentation serait grande de se contenter d’un album de souvenirs. L’équipe dirigeante préfère y voir un point de départ.
« Le centenaire n’est pas une médaille à accrocher au mur, tranche Sami Rizk, c’est une obligation. Celle d’être à la hauteur de ceux qui ont construit avant nous et de ceux qui viendront après. Quand un patient franchit notre porte, il ne vient pas chercher une date de fondation, il vient chercher une promesse : être pris en charge avec compétence, respect et dignité. »
Depuis un siècle, le LAU Medical Center – Rizk Hospital ne se définit pas seulement par des bâtiments, des certifications ou des accréditations. Il est à la fois un partenaire de la communauté, un lieu de formation pour des générations de médecins, d’infirmiers et de professionnels de santé et un recours important en période de besoin.

« Si le Dr. Toufic entrait aujourd’hui à l’hôpital, imagine le Dr. Georges Ghanem, je pense qu’il serait surpris par les scanners, les robots et les écrans. Mais il reconnaîtrait une chose : le regard des soignants au chevet des patients. C’est cela, la vraie continuité. »

Au fond, c’est là que se joue l’essentiel : dans ce fil invisible qui relie la petite clinique de douze lits de 1925 au centre hospitalier universitaire de 2025.  A Achrafieh, les bâtiments ont évolué, les équipements se sont sophistiqués, les plaques ont été remplacées, mais la promesse n’a pas changé : continuer à soigner avec compassion.

Un siècle plus tard, le LAU Medical Center – Rizk Hospital n’est pas seulement un hôpital. C’est une histoire de fidélité – à une famille, à une université, et surtout, à une certaine idée de la médecine au Liban.

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