Alors que les États-Unis intensifient leur lutte contre les narcotrafiquants en Amérique latine, le rôle de l’Iran et de ses alliés revient au premier plan. Washington considère le Venezuela de Nicolás Maduro comme un pivot stratégique pour Téhéran et le Hezbollah, dont l’influence s’est enracinée localement depuis des décennies.
Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a affirmé mardi sur Fox News que le Venezuela est devenu l’un des principaux points d’ancrage de l’Iran, du Corps des Gardiens de la Révolution (CGRI) et du Hezbollah en Amérique du Sud. Cette coopération dépasserait la politique pour offrir aux réseaux iraniens un soutien logistique, financier et opérationnel. Rubio accuse aussi Caracas de faciliter le transit de cocaïne colombienne vers les États-Unis, faisant du pays une source d’instabilité régionale, ce que le dictateur vénézuélien dément, accusant Washington de chercher à le renverser.
Les déclarations de Rubio interviennent alors que les Etats-Unis multiplient les frappes contre des bateaux impliqués dans le narcotrafic dans les Caraïbes et le Pacifique, la dernière en date ayant tué quatre personnes, a annoncé jeudi 5 décembre l’armée américaine.
Les États-Unis ont déployé un groupe aéronaval et d’autres moyens militaires dans la région. Donald Trump renforce ainsi la pression sur le régime de Maduro, qu’il considère illégitime.
Une manne financière après le revers militaire
Des rapports publiés en 2025 indiquent que, face aux frappes israéliennes et aux difficultés économiques iraniennes, le Hezbollah s’appuie davantage sur ses réseaux latino-américains pour financer ses activités.
Le directeur du programme Reinhard pour le contre-terrorisme et le renseignement au think tank américain The Washington Institute for Near East Policy, Matthew Levitt, a décrit le Venezuela comme un «centre financier croissant» lors d’une audition au Congrès en octobre dernier. Le département d’État propose désormais jusqu’à 10 millions de dollars pour toute information susceptible de perturber ces réseaux.
On rappelle que l’axe Caracas-Téhéran s’est notamment renforcé via un plan de coopération de 20 ans signé en 2022. Cet accord couvre des domaines tels que l'énergie, la pétrochimie, la défense, le secteur financier, dans le but de contourner les sanctions américaines. Il offrirait aux réseaux iraniens un espace logistique, financier et opérationnel au cœur du continent.
Une implantation ancienne du Hezbollah
Présent depuis les années 1980, le Hezbollah a bâti un vaste réseau de financements parallèles au sein de communautés d’origine libanaise. L’arrestation en 2008 de Chekri Harb, qui dirigeait un réseau de trafic de cocaïne versant 12% de taxe au Hezbollah, a révélé ses liens étroits avec les cartels. La Drug Enforcement Agency (DEA), l’agence de lutte américaine contre les trafics de drogue, documente depuis des connexions entre des opérateurs affiliés à la formation pro-iranienne et des organisations criminelles sud-américaines, avec des revenus issus du trafic de drogue, du blanchiment via le Black Market Peso Exchange et d’autres activités illicites.
Ces activités s'étendent à travers au moins douze pays de la région, selon un rapport de mars 2025 de la RAND Corporation, un autre think tank américain, qui documente la présence du Hezbollah en Argentine, au Panama, au Pérou, en Colombie, au Venezuela, au Brésil, à Curaçao, en Bolivie, au Mexique, au Honduras, au Guatemala et au Chili. Ces activités incluent l'exploitation minière illégale au Venezuela et les réseaux sophistiqués de blanchiment d'argent au Panama.
Par ailleurs, les liens du Hezbollah avec le crime organisé lui offriraient des capacités logistiques et de renseignement, renforcées par des réseaux sophistiqués de fraude documentaire. Il s’agit de l’usage de faux passeports, cartes d’identité ou visas permettant à des membres ou opérateurs de dissimuler leur identité et de circuler sous couverture, comme l’illustre l’arrestation en 2008 de Chekri Harb, alias "Taliban" en Colombie.
Des antécédents violents
Il convient de rappeler que le Hezbollah est également impliqué dans deux des attaques les plus meurtrières de l’histoire contemporaine de l’Amérique latine. En 1992, l’attentat contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires faisant 29 morts, et en 1994, celui contre l’AMIA, centre communautaire juif de la capitale argentine, tuant 85 personnes.
Les autorités argentines et américaines imputent officiellement ces attaques à la milice pro-iranienne, et ont pris des mesures en ce sens, notamment des sanctions, des poursuites judiciaires et des notices rouges d’Interpol visant plusieurs de ses membres. L’Argentine, la Colombie, le Honduras, le Guatemala et le Paraguay ont depuis désigné formellement le Hezbollah comme organisation terroriste.
L’imbrication entre États, crime organisé et acteurs soutenus par l’Iran brouille les frontières entre terrorisme, criminalité et influence géopolitique. Pour Washington, la présence du Hezbollah au Venezuela s’inscrit désormais dans la confrontation stratégique globale avec l’Iran, qui s’est déplacée géographiquement. Dans un contexte de tensions croissantes au Moyen-Orient et en Amérique latine, l’influence iranienne et le rôle central du Venezuela figurent parmi les enjeux les plus sensibles de la géopolitique contemporaine.




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