SLA: une signature sanguine qui pourrait changer la donne
Une signature sanguine pourrait détecter la maladie de Charcot des années avant les symptômes. ©Shutterstock

Une équipe américaine a identifié une signature sanguine capable de révéler la maladie de Charcot avant même l’apparition des premiers symptômes. Une percée qui pourrait bouleverser le diagnostic de la SLA (sclérose latérale amyotrophique), longtemps prisonnier du retard clinique et de ses conséquences tragiques.  

Il y a, dans le domaine des maladies neurodégénératives, une quête qui revient depuis des décennies : celle d’un marqueur précoce, fiable, capable de dire ce que le corps ne dit pas encore. Pour la sclérose latérale amyotrophique, également connue sous le nom de maladie de Charcot, cette quête a longtemps ressemblé à un mirage. La maladie survient sans prévenir, avance en silence, et ne révèle sa présence qu’au moment où les premiers neurones moteurs ont déjà rendu les armes. Aujourd’hui, une étude publiée dans Nature Medicine ouvre une brèche. Les chercheurs y décrivent une signature sanguine constituée de plusieurs dizaines de protéines permettant de détecter la maladie avant les symptômes, parfois jusqu’à dix ans plus tôt.

C’est peu dire que cette annonce crée un émoi dans la communauté scientifique. La SLA est une maladie rare mais redoutable: elle paralyse progressivement les muscles, prive de parole, puis de souffle. Son diagnostic, tardif par nature, arrive généralement alors que les dégâts sont irréversibles. L’idée même de pouvoir identifier les premiers bouleversements biologiques en amont bouleverse les perspectives. Elle pourrait transformer un champ thérapeutique encore largement dépourvu de solutions.

Au cœur de cette avancée, il y a une rencontre devenue incontournable: l’alliance de la biologie et de l’intelligence artificielle. Les chercheurs ont analysé près de 2 900 protéines présentes dans le plasma sanguin, chez plus de 600 volontaires. Dans ce dédale moléculaire où chaque protéine raconte une histoire différente, les algorithmes ont retenu 33 candidats dont les variations semblent discriminantes chez les futurs patients. Une poignée d’entre elles étaient déjà connues des spécialistes, notamment la NfL, marqueur de la dégénérescence neuronale. Mais beaucoup n’avaient jamais été associées à la maladie de Charcot. Ce sont des éclats de signal qui, jusqu’ici, restaient noyés dans le bruit biologique.

L’étude prend un autre relief lorsqu’on découvre l’échelle temporelle de ces modifications. Plusieurs de ces protéines changeraient de concentration bien avant les premiers troubles moteurs. Avant la maladresse d’une main. Avant la faiblesse d’une jambe. Avant la chute d’une voix. À un stade où la vision clinique est encore aveugle, la chimie du sang, elle, aurait déjà commencé à se dérégler. Selon les auteurs, certains marqueurs seraient repérables dix ans avant la déclaration officielle de la maladie. Dix ans représentent une éternité dans l’univers de la SLA, où chaque mois emporté par la maladie compte.

Bien sûr, il faut garder la tête froide. Cette signature sanguine est une promesse, pas encore un diagnostic de routine. Avant d’être utilisée en clinique, elle devra être validée dans des cohortes plus larges, plus diverses, et testée dans des conditions réelles, moins idéales que les protocoles contrôlés de laboratoire. Il faudra aussi comprendre ce que signifie affirmer à une personne qu’elle porte les prémices d’une maladie incurable. De telles avancées soulèvent un dilemme éthique: que faire de l’information, quand la médecine ne propose pas encore de véritable remède? L’histoire des biomarqueurs nous enseigne qu’un test, aussi prometteur soit-il, n’est qu’un point de départ. Il s’agit d’un outil au service d’une médecine qui doit, plus que jamais, conjuguer précision et humanité.

Pourtant, l’enjeu est immense. Pouvoir repérer la SLA à ses balbutiements moléculaires, c’est non seulement offrir une chance de mieux cibler les essais cliniques et d’accélérer la recherche thérapeutique, mais aussi, peut-être, d’inventer de nouvelles stratégies d’intervention. Les maladies neurodégénératives partagent souvent un même scénario: la clinique arrive tard, la biologie pourrait arriver tôt. Savoir, c’est pouvoir espérer.

L’étude parue dans Nature Medicine (mai 2025) n’est donc pas un épilogue, mais une ouverture vers une médecine préventive où le diagnostic n’attendrait plus l’évidence, mais oserait devancer le symptôme. Elle rappelle que le progrès ne tient parfois qu’à un faisceau de protéines et à la ténacité de chercheurs. Elle invite à repenser notre rapport au temps de la maladie, et à la possibilité, demain, de redonner à chaque patient la part de futur que la SLA menaçait de lui arracher.

Commentaires
  • Aucun commentaire