Les responsables de la défense israélienne craignent de plus en plus que le calme relatif le long de la frontière nord ne masque des conditions propices à une escalade rapide. Selon Ynet et Yedioth Ahronoth, lundi, des officiers supérieurs de l’armée israélienne indiquent que le Hezbollah continue de renforcer son infrastructure militaire dans les villages libanais situés plus en profondeur, malgré une activité israélienne terrestre et aérienne quasi quotidienne depuis près d’un an.
1 200 incursions terrestres en un an
Selon Ynet, les unités de l’armée israélienne – initialement des forces d’élite, puis des réservistes – ont effectué environ 1 200 incursions terrestres dans le sud du Liban depuis le cessez-le-feu de 2024. Ces opérations ont atteint 3 à 5 km à l’intérieur du territoire libanais, et parfois ce que les responsables israéliens appellent la «seconde ligne» de villages. Ces missions comprenaient des embuscades, des patrouilles de reconnaissance et la destruction de structures, de tunnels et de positions de tir liées aux fortifications du Hezbollah après 2006.
L’armée israélienne a annoncé lundi le lancement d’exercices à l’échelle de l’état-major pour se préparer à un état de guerre.
Préparation après l’assassinat du chef militaire du Hezbollah
D’après le Jerusalem Post, et après la mort du chef militaire du Hezbollah, Haitham Tabatabai, à Beyrouth dimanche, l’armée israélienne se prépare à une possible riposte du groupe soutenu par l’Iran. Pour l’heure, aucune instruction supplémentaire n’a été donnée aux civils.
Selon des sources militaires, l’armée de l’air israélienne a renforcé ses défenses dans le nord en prévision d’éventuelles attaques à la roquette depuis le Liban et a relevé son niveau de vigilance.
À ce jour, l’armée ne dispose d’aucune information précise indiquant que le Hezbollah planifie un bombardement immédiat. Le Commandement du Front intérieur n’a également modifié aucune directive à destination des civils.
Logique opérationnelle : éviter une répétition de 2006
Des officiers supérieurs cités par Ynet expliquent que les années suivant la guerre de 2006 ont permis au Hezbollah de reconstruire des «villages militaires» comprenant tunnels, postes antichars et nids de snipers sous des habitations civiles. Après 2011, le groupe a installé des postes d’attaque de la Force Radwan directement à la frontière.
Un officier israélien a déclaré : «On ne peut pas défendre une communauté comme Manara uniquement depuis la clôture. C’est pourquoi nous opérons du côté libanais… Nous ne pouvons pas répéter 2006.»
Selon les évaluations israéliennes citées par Ynet, l’objectif stratégique est d’empêcher le Hezbollah de reconstituer ses capacités dans un rayon de 5 à 10 km au nord de la frontière.
Un calme fragile
Malgré l’ampleur des opérations israéliennes, Ynet note que les communautés du nord ont récemment bénéficié d’un calme relatif : le tourisme a repris et les agriculteurs ont regagné leurs champs. Cependant, les officiers avertissent qu’une campagne préventive israélienne pourrait exposer le front intérieur à :
- Des tirs de roquettes sur Haïfa et le centre du pays
- Des missiles de précision vers Tel-Aviv
- Des drones explosifs
- Des attaques par UAV sur des infrastructures
Ces évaluations sont partagées par Ynet et le Jerusalem Post, qui indiquent que le Hezbollah détiendrait toujours des dizaines de milliers de roquettes issues de son arsenal pré-guerre.
Assassinat de Haitham Ali Tabatabai
Selon les médias israéliens, la frappe menée dimanche à Beyrouth constitue le coup le plus significatif depuis le cessez-le-feu de novembre 2024, ayant tué Haitham Ali Tabatabai, identifié comme chef d’état-major de facto du Hezbollah.
D’après le Jerusalem Post, Tabatabai supervisait plusieurs programmes majeurs du Hezbollah, dont :
- La Radwan Force, au cœur du plan d’invasion transfrontalière de 2024
- Les opérations du Hezbollah en Syrie, soutenant le régime Assad
- La réarmement et la reconstruction post-guerre de 2024
Le journal précise également que Tabatabai est devenu le principal dirigeant militaire du Hezbollah après l’élimination par Israël de Fouad Chokr, Ibrahim Akil et Hassan Nasrallah plus tôt en 2024.
Le Hezbollah a reconnu publiquement sa mort, affirmant poursuivre sa résistance contre Israël et les États-Unis, sans toutefois la qualifier de «martyr sur la route de Jérusalem», comme c’était le cas avant le cessez-le-feu de septembre 2024.
Réaction du gouvernement israélien
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a qualifié Tabatabai de «meurtrier de masse» et a affirmé que la frappe était une riposte aux violations par le Hezbollah de la résolution 1701 de l’ONU et du cessez-le-feu de 2024. Le ministère israélien des Affaires étrangères a également tenu le gouvernement libanais pour responsable, affirmant que le Liban n’avait pas limité les activités du Hezbollah et que l’armée israélienne continuerait à agir «avec détermination et précision».
Réaction des États-Unis
Selon Axios, citant un haut responsable américain, Israël n’a pas informé l’administration Trump avant l’opération à Beyrouth, Washington n’en ayant été informé qu’immédiatement après la frappe.
Dynamiques régionales et libanaises
D’après les chiffres de Ynet et du Jerusalem Post, l’armée israélienne affirme avoir éliminé environ 350 membres du Hezbollah depuis début 2025, dont près de 100 ces derniers mois, sans provoquer de riposte majeure jusqu’à présent.
Channel 13 indique que des frappes supplémentaires dans le sud du Liban pourraient se poursuivre dans les prochains jours afin de perturber la reconstruction des positions militaires du Hezbollah. Les responsables israéliens continuent de critiquer l’armée libanaise pour son action incohérente.
Enjeux stratégiques : empêcher la régénération du Hezbollah
Des officiers israéliens cités par le Jerusalem Post avertissent que si Israël n’agit pas maintenant, le Hezbollah pourrait reconstituer son arsenal de roquettes, répétant la période post-2006 où Israël s’était abstenu d’intervenir dans le réarmement du groupe. Un officier cité par Ynet souligne :
«L’opération visait à dissuader, pas à les vaincre définitivement comme le Hamas.»
Perspectives : attente de la réponse du Hezbollah
Les responsables israéliens interrogés par le Jerusalem Post assurent ne pas vouloir une escalade majeure, tout en reconnaissant que le Hezbollah est peu susceptible de laisser l’assassinat de Tabatabai sans réponse.
Pour l’heure, les deux camps semblent entrer dans ce que les officiers israéliens qualifient de «phase de préparation» : Israël se préparant à une possible frappe préventive, et le Hezbollah décidant du moment et de la manière de riposter.


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