Les cinémas parisiens indépendants innovent pour survivre encore
L’entrée du cinéma Élysées Lincoln à Paris, le 14 novembre 2025. ©Dimitri DILKOFF / AFP

Face à l’érosion durable de la fréquentation, plusieurs salles indépendantes parisiennes choisissent d’innover pour éviter la fermeture. Entre transformations ambitieuses et modèles économiques repensés, elles défendent la place de la culture dans la capitale.

C'était se renouveler ou fermer. Face à la baisse de la fréquentation, plusieurs cinémas indépendants parisiens ont misé sur l'innovation, en ouvrant de nouvelles salles ou en élargissant leurs activités, dans un acte pour survivre qu'ils décrivent comme «militant».
La capitale française reste championne du monde des salles obscures avec ses près de 80 cinémas, mais elle a perdu plusieurs établissements emblématiques ces dernières années.
Sur les Champs-Élysées, autrefois rendez-vous des cinéphiles, il ne reste plus qu'un seul cinéma, tous les autres ayant baissé le rideau au profit des boutiques de luxe et autres commerces touristiques.
En 2014, on comptait encore 1,9 million d'entrées vendues dans les cinémas de la mythique artère. Dix ans plus tard, seuls 133.000 tickets y ont été écoulés, selon les données du service Mission Cinéma de la ville de Paris, un organisme de soutien au septième art.
L'Élysées Lincoln, dans une rue transversale, a lui aussi vu son public diminuer. En 2019, ses patrons s'interrogent : faut-il «le fermer, le transformer ou en faire autre chose qu'un cinéma?», explique à l'AFP Louis Merle, propriétaire avec son frère Samuel de l'établissement, ainsi que de deux autres cinémas.

Espace «modulable»

«Nous avons décidé qu'il resterait un cinéma parce que nous sommes passionnés, mais il fallait trouver un nouveau modèle économique», poursuit-il.
Après s'être rendus dans plusieurs pays, ils ont décidé de créer un cinéma «modulable». L'une de ses salles peut ainsi se transformer en salle de réception «en une heure», pouvant accueillir jusqu'à 200 personnes.
Pour être en adéquation avec le quartier très huppé, les propriétaires ont réalisé des rénovations haut de gamme et créé un «cinéma de luxe» avec un mobilier très léché.
Le coût d'une telle transformation est élevé, près de 2,3 millions d'euros, mais plusieurs institutions publiques ont apporté leur soutien.
«Il était inimaginable de voir un autre cinéma fermer sur les Champs-Élysées», estiment les deux frères, pour qui maintenir la place de la culture sur la célèbre avenue est un acte «militant».
«Ils remplissent la mission d'animer leurs salles pour proposer une offre différente dans un quartier qui en a besoin», explique Sophie Cazes, déléguée de Mission Cinéma à la ville de Paris.
Le projet s'inscrit dans la tendance actuelle de transformation des cinémas en catégorie «premium», une gamme offrant un grand confort et une qualité visuelle et sonore élevée.
«Le public se fait de plus en plus rare. Il faut le séduire, lui offrir des conditions exemplaires d'accueil, de confort et de qualité de projection», affirme Richard Patry, président de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF).
En France, la fréquentation des cinémas a reculé d'environ 15% en 2025 par rapport à 2024, revenant au niveau des années 2000.
Paris tire cependant son épingle du jeu avec une moyenne de 8,03 entrées de cinéma par an et par habitant, contre 2,73 au niveau national, selon les chiffres du Centre national du cinéma (CNC).

«Résister»

D'autres cinémas indépendants ont fait le choix de réorganiser un espace déjà étroit pour ouvrir une nouvelle salle, afin d'augmenter le nombre de spectateurs.
Fabien Houi, gérant du Brady dans le 10ᵉ arrondissement, espère passer à 100.000 entrées par an (au lieu de 65.000 actuellement) grâce à l'ouverture d'une troisième salle de 34 places.
«Il faut, dans la mesure de ses moyens, de ses possibilités, même en termes de place, toujours inventer des choses pour essayer d'exister», explique-t-il à l'AFP, couvert de poussière de travaux, au milieu du chantier inachevé.
Ouvrir une nouvelle salle alors que la fréquentation est en baisse pourrait paraître incongru. Mais l'expérience du Grand Action, situé en plein Quartier latin, plaide pour l'initiative.
Avec sa nouvelle salle de 27 places (ouverte en 2022), la propriétaire Isabelle Gibbal-Hardy affirme avec satisfaction qu'elle a presque doublé le nombre de sorties par an et que «la fréquentation a augmenté bien plus qu'espéré», tout en continuant à défendre une offre de cinéma d'auteur.

Par Esther SANCHEZ / AFP

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