Les chrétiens de Turquie, une communauté fragmentée
Environ 100 000 chrétiens en Turquie, répartis entre cinq communautés, accueilleront le pape à Istanbul le 29 novembre. ©Pexels

La communauté chrétienne à laquelle le pape Léon XIV s'apprête à rendre visite, déjà minoritaire dans l'Empire ottoman, a fondu au fil de l'histoire, entre exils parfois forcés et massacres.

Elle est aujourd'hui réduite à 100 000 chrétiens environ, de cinq obédiences principales, sur 86 millions d'habitants majoritairement musulmans sunnites.

La plupart résident à Istanbul et dans l'ouest du pays.

Depuis 2016, les cartes d'identité turques ne mentionnent plus l'appartenance religieuse. Aussi, les chiffres avancés proviennent des communautés elles-mêmes, rappelle Samim Akgönul, historien spécialiste des minorités religieuses et directeur des études turques à l'université de Strasbourg.

Voici les principales communautés:

Arméniens
La plus importante avec environ 50 000 Arméniens de nationalité turque et «sans doute autant» de migrants illégaux venus d'Arménie pour travailler ou sur la route d'un exil plus lointain, selon M. Akgönul.

Cette communauté, qui réside essentiellement à Istanbul, a été la cible en 1915 de massacres organisés, reconnus comme génocide par les gouvernements ou parlements d'une trentaine de pays dont les États-Unis, la France ou l'Allemagne.

Selon les estimations, entre 1,2 million et 1,5 million d'Arméniens ont été tués par les troupes de l'Empire ottoman, alors allié à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie.

La Turquie, issue du démantèlement de l'Empire en 1918, reconnaît des «massacres» mais récuse le terme de génocide, évoquant une guerre civile en Anatolie, doublée d'une famine, dans laquelle 300 000 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort.

Grecs Orthodoxes
Environ 8 000 personnes, dont 3 000 « Rums» (le nom donné en Turquie aux Grecs orthodoxes du pays) et 5 000 orthodoxes arabophones originaires d'Hatay et de l'antique Antioche (sud-est) désormais installés, eux aussi, pour la plupart dans la mégapole de l'ouest.

La communauté de Grecs orthodoxes qui résidait principalement en Thrace (nord-ouest), autour d'Izmir (ouest) et d'Adana (sud), a surtout fondu entre 1923, date de la fondation de la République, et 1930.

En janvier 1923, la «Convention sur l'échange obligatoire des populations», signée entre la Grèce et la Turquie, pousse deux millions de personnes à se croiser au-dessus de leurs frontières respectives.

Cette «première mondiale» - avant même la proclamation de la république neuf mois plus tard - est promue par la Société des Nations, ancêtre de l'Onu, comme «un gage de stabilité», insiste M. Akgönul.

Deux vagues de pogroms anti-grecs liés à la question chypriote, en 1955 et 1964, poussent de nouveau les Grecs orthodoxes au départ.

Catholiques
Environ 25 000 personnes de différents rites entre Istanbul et Izmir principalement: les Levantins installés dans l'Empire au 17ᵉ siècle et les Arméniens catholiques, convertis au 19ᵉ siècle pour rechercher la protection de la France.

Protestants
Environ 15 000 fidèles, éparpillés dans le pays jusqu'au Caucase (est) et dans le sud-est: en partie arméniens, mais également musulmans convertis.

Assyro-chaldéens
Environ 25 000 chrétiens assyriens ou syriaques en Turquie revendiquent leur appartenance à l'Église syriaque orthodoxe d'Antioche, dont le patriarcat se trouvait à Mardin, dans le sud-est du pays, avant de déménager d'abord à Homs en 1933, ensuite en 1959 à Damas, en Syrie.

Comptant une population réduite à une cinquantaine de familles en Turquie, les Chaldéens appartiennent à l'Église catholique orientale, mais résident pour la plupart à Istanbul où siège leur métropolite.

La communauté, où les Syriaques sont majoritaires, réclame la reconnaissance du génocide de 250 000 des leurs en 1915 au même titre que les Arméniens.

Le 15 octobre 2023, des centaines de personnes ont assisté à la bénédiction de l'Église assyrienne orthodoxe Mor Ephrem, dans le quartier de Yesilkoy à Istanbul: l'édifice (financé par la communauté, sur un terrain accordé par la municipalité) est la seule nouvelle église construite en Turquie depuis l'avènement de la république il y a 102 ans.

Elle accueillera le pape le 29 novembre pour une rencontre avec les responsables des églises locales.

AFP

Commentaires
  • Aucun commentaire