Alors que les États-Unis entament leur sixième semaine sans budget, la paralysie du gouvernement fédéral n’est plus cantonnée aux couloirs du pouvoir à Washington. Vols annulés, services publics fermés, fonctionnaires impayés... la crise met à l’épreuve la résilience de la première économie mondiale et soulève des questions pressantes: comment, et surtout quand, ce blocage sera-t-il levé?
Nouvelle phase de la crise: le trafic aérien frappé de plein fouet
Plus de 800 vols ont été annulés, vendredi, à travers le pays, selon la plateforme de suivi FlightAware. Pour cause, l’administration Trump a ordonné une réduction nationale du trafic aérien pour alléger la charge des contrôleurs, contraints de travailler sans salaire.
Cette mesure, annoncée par l’Administration fédérale de l'aviation (Federal Aviation Administration, FAA), concerne quarante aéroports, dont les grands hubs d’Atlanta, Chicago, Newark et Los Angeles. Elle porte un coup dur aux voyageurs à l’approche de la fête de Thanksgiving, la période de déplacement la plus intense de l’année aux États-Unis.
Les réductions, actuellement de 4% du trafic domestique, devraient atteindre 10% la semaine prochaine si aucun accord n’est trouvé.
Le secrétaire aux Transports, Sean Duffy, a indiqué que la décision visait à «réduire les risques croissants dans le système» alors que le shutdown entrait dans son 37e jour, qualifiant la mesure de «préventive en matière de sécurité». Pour sa part, le directeur de la FAA, Bryan Bedford, a ajouté que les autorités «n’attendront pas qu’un problème de sécurité se manifeste», soulignant que l’agence agit «pour éviter une dégradation des conditions».
Institutions publiques: des services à bout de souffle
Le shutdown, déclenché le 1er octobre, est désormais le plus long de l’histoire des États-Unis. Ce qui n’était au départ qu’un désaccord budgétaire sur les dépenses de santé et les programmes sociaux s’est transformé en une paralysie institutionnelle totale. Environ 1,4 million de fonctionnaires fédéraux sont en congé forcé ou travaillent sans rémunération, tandis qu’une partie des services publics reste à l’arrêt.
Les approbations de prêts et de permis fédéraux – représentant environ 800 millions de dollars par jour – ont été suspendues, retardant des projets dans les secteurs du logement, de l’énergie et des infrastructures.
Les militaires ont bien reçu leur solde de la mi-octobre, après que l’administration a puisé dans des fonds d’urgence – une solution provisoire que certains membres du Congrès jugent non viable à long terme. Pour les employés civils, notamment les sous-traitants (contractors) non éligibles à un paiement rétroactif, l’incertitude demeure totale.
Dans le domaine de l’éducation, l’impact reste limité: la plupart des écoles américaines dépendent des États, et les subventions fédérales sont généralement attribuées durant l’été. Mais le gel des nouveaux prêts étudiants et des bourses de recherche a paralysé de nombreuses universités, tandis que plusieurs écoles maternelles financées par l’État fédéral ont dû fermer.
De grands parcs nationaux et monuments historiques, ont, eux aussi, fermé leurs portes.
Le programme d’aide alimentaire Snap (Supplemental Nutrition Assistance Program) a, quant à lui, échappé de justesse à la suspension cette semaine, après qu’un juge fédéral a ordonné à l’administration de débloquer des fonds d’urgence.
D’autres fonctions de l’État continuent toutefois à tourner. Les agents de la protection des frontières, le personnel de sécurité aéroportuaire et les soignants des hôpitaux publics demeurent à leur poste, malgré plus d’un mois sans salaire. Le Service postal américain (U.S. Postal Service), autonome sur le plan budgétaire, poursuit la distribution du courrier, et les chèques de la Sécurité sociale ainsi que les prestations de soins médicaux (Medicare) continuent d’être versés.
Signaux d’alarme économiques
Selon les économistes, la fermeture du gouvernement retire environ 15 milliards de dollars à la production nationale chaque semaine, soit une perte de 0,1 à 0,2 point de PIB hebdomadaire.
La suspension de la publication de plusieurs indicateurs économiques clés, dont le rapport mensuel sur l’emploi d’octobre, laisse les analystes et les décideurs dans le brouillard, augmentant le risque d’erreurs de politique économique.
Bien que la Maison-Blanche ait autorisé des fonds d’urgence pour maintenir la paie des militaires et financer l’aide alimentaire, les petites entreprises tributaires des contrats ou prêts fédéraux – représentant quelque 800 millions de dollars d’autorisations gelées par jour – figurent parmi les plus durement touchées.
À l’approche de Thanksgiving, la consommation des ménages, moteur essentiel de la croissance américaine, montre déjà des signes de ralentissement. Les établissements financiers tels que Wells Fargo et S&P Global Market Intelligence avertissent qu’un prolongement du shutdown pourrait faire grimper le taux de chômage à près de 5 % et peser sur les ventes de fin d’année.
Blocage politique: peu d’options sur la table
Jeudi, le président Donald Trump a écarté les appels croissants à un accord budgétaire provisoire, déclarant qu’il ne signerait pas «un budget gonflé pour récompenser l’inefficacité». Il a affirmé que la confrontation actuelle représentait «une occasion de rationaliser définitivement l’administration fédérale».
Des déclarations antérieures de la Maison-Blanche avaient déjà laissé entendre que certains employés jugés «non essentiels» pourraient ne pas percevoir de salaire rétroactif, rompant avec la pratique habituelle et déclenchant une série de recours judiciaires.
Le Congrès, toujours profondément divisé, peine à trouver une issue. Les républicains, majoritaires dans les deux chambres, n’ont pas réussi à réunir les 60 voix nécessaires au Sénat pour faire adopter un texte de financement. Les démocrates, eux, continuent d’exiger le maintien des subventions à l’assurance santé et l’annulation des coupes dans le programme Medicaid, à quoi la Maison-Blanche s’oppose fermement.
Plusieurs votes de procédure ont déjà échoué. Un petit groupe bipartite a bien évoqué l’idée d’une résolution temporaire permettant de rouvrir le gouvernement avant Thanksgiving (27 novembre), mais rien n’indique que le président serait disposé à l’approuver.
En attendant, les deux camps semblent tester à la fois la patience du public et la résistance du personnel fédéral, épuisé après plus d’un mois d’impasse politique.




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