Sahara occidental: une semaine après le vote de l'ONU, la bataille diplomatique continue
Un drapeau du Sahara occidental, également appelé République arabe sahraouie démocratique, flotte à un poste de contrôle tenu par des membres des forces de sécurité sahraouies, à l’extérieur du camp de réfugiés de Dakhla, à environ 170 kilomètres au sud-est de la ville algérienne de Tindouf, le 14 janvier 2023. ©Ryad Kramdi / AFP

Une semaine après l’adoption de la résolution 2797, le Maroc célèbre ce qu’il considère comme une victoire diplomatique, tandis que l’Algérie y voit une lecture biaisée du texte. Entre célébrations, abstentions et tensions, retour sur une décision qui prolonge le mandat de la MINURSO sans trancher sur le statut du Sahara occidental.

C’est une résolution qui prolonge, mais ne tranche pas. Le 31 octobre dernier, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2797, prolongeant pour un an le mandat de la MINURSO, la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, créée le 29 avril 1991. Le texte a été voté par onze voix pour, aucune contre et trois abstentions: la Russie, la Chine et le Pakistan. 

L’Algérie, soutien historique du Front Polisario, a refusé de participer au vote, dénonçant un projet «déséquilibré» en faveur du Maroc. 

Contrairement à certaines interprétations relayées après le vote, la résolution ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le territoire, mais remet en avant le plan d’autonomie marocain du 11 avril 2007 comme une «solution réaliste et crédible».

Autonomie ou autodétermination: deux lectures inconciliables

Pour Rabat, l’autonomie du Sahara occidental signifie une gestion locale sous souveraineté marocaine, avec des institutions propres (exécutif, parlement et système judiciaire). La «région autonome du Sahara» serait alors dotée d’un gouvernement et de son chef, de représentants parlementaires des différentes tribus sahraouies et de membres élus au suffrage universel direct. Les juridictions seraient chapeautées par un Tribunal supérieur, tandis que la diplomatie et la religion resteraient du ressort du royaume. 

Pour le Front Polisario et Alger, seule une consultation populaire (un référendum d’autodétermination) permettrait aux Sahraouis de décider librement de leur avenir. C’est cette fracture, entre autonomie interne et autodétermination externe, qui empêche depuis plus de trente ans toute solution durable. 

Une prolongation d’un an et un débat juridique

La résolution ne mentionne plus le référendum d’autodétermination, pourtant au cœur du mandat de la MINURSO depuis sa création. Ce glissement s’inscrit dans une évolution progressive du cadre onusien. D’une mission censée organiser un vote d’autodétermination, la MINURSO est devenue un mécanisme d’observation et de maintien du statu quo. 

Sur le plan du droit international, la Cour internationale de justice (CIJ) avait rendu en 1975 un avis consultatif reconnaissant l’existence de liens historiques entre le Maroc et le Sahara, mais sans établir de souveraineté territoriale. La CIJ avait surtout rappelé que le principe d’autodétermination s’appliquait pleinement au peuple sahraoui. Cet avis reste à ce jour la base juridique sur laquelle s’appuient les Nations unies. 

Par ailleurs, le Sahara occidental figure toujours sur la liste onusienne des «territoires non autonomes», au même titre que Gibraltar ou les Îles Vierges britanniques. En pratique, aucun État membre de l’ONU ne peut encore officiellement reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, même si plus de quatre-vingts pays soutiennent le plan d’autonomie de Rabat. 

Quels pays soutiennent le plan marocain?

Plusieurs pays ont renouvelé ou officialisé, ces dernières années, leur soutien au plan d’autonomie marocain, dont la France, les États-Unis et l’Espagne, pour ne citer que ces derniers.

En visite d’État de trois jours au Maroc, en octobre 2024, le président français Emmanuel Macron avait déclaré soutenir la souveraineté du royaume au Sahara occidental. Washington, malgré un ton plus mesuré depuis la présidence Biden, n’a pas retiré la reconnaissance du Sahara occidental comme territoire marocain, décidée par le président américain Donald Trump en 2020.

Madrid, ancienne puissance coloniale, a aussi rallié la position marocaine en 2022, créant une rupture diplomatique profonde avec Alger. Quant aux Émirats arabes unis, ils ont ouvert un consulat à Laâyoune, symbole de soutien du Golfe à la vision du roi Mohammed VI.

Google Maps efface les pointillés

Sur Google Maps au Maroc, les pointillés séparant traditionnellement le Sahara occidental du royaume ont disparu, c’est ce qu’ont constaté des journalistes de l’AFP le 1ᵉʳ novembre, au lendemain du vote onusien. D’après ces premières observations, la disparition semblerait ne concerner que la carte consultée depuis le Maroc. Ailleurs, notamment depuis les États-Unis, Chypre, la France ou l’Algérie, les pointillés demeurent visibles. Google n’a pas encore commenté ce changement, mais seule l’entreprise américaine peut modifier la représentation de ses cartes. 

Réactions à Rabat et Alger

Au Maroc, le vote du 31 octobre a été vécu comme une victoire diplomatique. Des célébrations spontanées ont eu lieu dans plusieurs villes du pays, parfois sans réelle compréhension du contenu de la résolution, selon des témoignages de citoyens marocains, recueillis sur place par des agences de presse. Dans un communiqué solennel, le roi Mohammed VI a salué la décision du Conseil de sécurité et appelé à «bâtir des ponts de fraternité avec l’Algérie». Quelques jours plus tard, il a annoncé la création d’une nouvelle fête nationale, baptisée «Aïd Al Wihda», la Fête de l’Unité en français, célébrée chaque 31 octobre, en hommage à la résolution.

À Alger, le ton est resté ferme. Dans une longue interview à la chaîne algérienne AL24 News, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a dénoncé un texte «initialement biaisé», affirmant que le Maroc cherchait à «imposer par la force le plan d’autonomie et à effacer le principe d’autodétermination». Il s’est félicité que plusieurs États aient proposé des amendements pour préserver le rôle de la MINURSO et maintenir le droit à l’autodétermination au cœur du texte final.

Les États-Unis nuancent leur position

Le conseiller principal de Donald Trump pour l’Afrique, Massad Boulos, a rappelé dans deux interviews, qu’il a accordées aux chaînes Al Hadath et France 24, cette semaine, que la résolution 2797 «réaffirme clairement le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination», tout en soulignant que les modalités de mise en œuvre, référendum ou autre, «restent à définir par les parties sous supervision onusienne».

Abstentions, prudence et tensions diplomatiques

Les abstentions de la Russie, de la Chine et du Pakistan reflètent une volonté de neutralité dans un dossier jugé trop polarisé. Moscou a dénoncé un manque de transparence dans la préparation du texte, tandis que Pékin a rappelé la nécessité d’un règlement conforme à la Charte des Nations unies. Ces positions ont été décrites comme une prise de distance vis-à-vis de l’Algérie, bien que la diplomatie algérienne y voie au contraire une preuve de cohérence dans le cadre onusien.

L’épisode du représentant marocain Omar Hilale, filmé en train de masquer le drapeau algérien lors d’une prise de photo à l’ONU, a lui aussi ravivé les tensions. Un geste perçu à Alger comme une provocation inutile et qualifié par plusieurs Algériens d’indigne d’un diplomate. 

La Marche verte

Le Maroc a commémoré, le 6 novembre, le cinquantenaire de la Marche verte. En 1975, 350 000 volontaires marocains avaient marché pacifiquement vers le Sahara occidental pour réclamer le territoire, après la fin du protectorat espagnol. Cinquante ans plus tard, la symbolique reste forte: le royaume continue de revendiquer son intégrité territoriale, tandis que les Sahraouis réclament toujours leur droit à choisir.

Le Sahara occidental n’a pas encore été formellement reconnu par les Nations unies comme territoire marocain souverain. La MINURSO reste en place pour surveiller le cessez-le-feu et appuyer un règlement politique. Le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination est toujours mentionné dans la résolution 2797, mais le cadre a évolué. Désormais, l’option d’autonomie sous souveraineté marocaine est mise en avant comme base «la plus réalisable».

Autrement dit, le Sahara occidental reste un territoire disputé, l’autodétermination demeure dans les textes, mais la dynamique internationale penche de plus en plus vers une solution d’autonomie négociée plutôt qu’un référendum d’indépendance. Affaire à suivre. 

 

 

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