La série Merteuil revisite le classique de Laclos en proposant une lecture résolument féministe et contemporaine. Son tournage au château de Fontainebleau révèle les ambitions d’une superproduction portée par un casting prestigieux.
Quand le château de Fontainebleau cède aux Liaisons dangereuses
Tricorne sur la tête, un figurant s’endort assis entre deux prises sous les lambris de bois sculpté de Fontainebleau : le château est un des décors de Merteuil, série avec Diane Kruger et Anamaria Vartolomei, adaptée du roman Les Liaisons dangereuses.
«Vous êtes des langues de pute et des habitués des coups bas»: une régisseuse briefe les figurants vêtus en courtisans du XVIIIe dans la galerie emblématique des lieux.
L’AFP a pu assister il y a un an au tournage d’une scène, au cours d’un reportage sous embargo. La série sera disponible à partir du 14 novembre sur la plateforme HBO Max.
Avant que la caméra ne s’allume, Anamaria Vartolomei (Le Comte de Monte-Cristo, Mickey 17) s’amuse et grimace en direction de son partenaire Lucas Bravo (Emily in Paris). Dans la minute suivante, ses regards se font inquiets pour une scène clé.
«Je suis terrorisé, car tout le monde se connaît depuis trois mois et moi je ne sais pas où me mettre», confie à l’équipe technique un acteur venu pour le dernier épisode, guest-star dont on doit encore taire le nom. Il n’en montre rien quand vient le moment de jouer.
Le budget n’est pas dévoilé, mais Merteuil a tout de la superproduction, avec, pour les scènes à Fontainebleau, 80 techniciens, une trentaine de maquilleurs-coiffeurs à l’œuvre dès 6 h du matin et jusqu’à 300 personnes sur le tournage, figurants compris.
«Se sentir libre»
Voilà l’envers du décor pour cette nouvelle libre adaptation du célèbre roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos. Soit, ici, la jeune Isabelle de Merteuil (Anamaria Vartolomei), humiliée par le vicomte de Valmont (Vincent Lacoste), qui vogue des milieux libertins jusqu’à la cour de Louis XV. Diane Kruger (Madame de Rosemonde) et Lucas Bravo (comte de Gercourt) complètent notamment le casting.
Pour se démarquer de la version sur grand écran de 1988 avec Glenn Close et John Malkovich, Merteuil mise sur un regard féministe porté par la réalisatrice Jessica Palud, qui avait déjà dirigé Anamaria Vartolomei dans Maria. Ce long-métrage montrait comment Le Dernier tango à Paris, film avec Marlon Brando, et sa fameuse scène de viol, ont détruit l’actrice Maria Schneider.
Dans Merteuil, il sera aussi question de patriarcat toxique. «À un moment, mon personnage dit à une autre: Vous, sainte, moi putain, on a juste choisi un masque et une armure pour se protéger des hommes», décortique pour l’AFP Anamaria Vartolomei.
Pour «se sentir libre» à l’époque, une femme se dirige «vers la foi, pour ne pas céder à un mariage forcé» ou «à l’inverse entre dans le libertinage pour sentir le pouvoir de son propre corps, la possibilité de se donner à qui elle souhaite, quand elle le souhaite», déroule l’actrice.
«Tellement moderne»
Diane Kruger (Inglourious Basterds) confie à l’AFP avoir «beaucoup aimé la version et le regard que porte Jessica (Palud) dans cette série-là». «On va comprendre avec les générations qui passent, entre mon personnage et celui d’Anamaria, que se servir de ce désir, du regard masculin, peut fabriquer quelque chose qui est presque comme une émancipation féminine», développe la comédienne.
Un regard post-#MeToo a-t-il été posé sur cette nouvelle transposition? Le scénariste Jean-Baptiste Delafon (D’argent et de sang) répond que «la matière du livre est tellement moderne, qu’elle n’a pas tellement vieilli». «Quand on voit sur TikTok ces cascades de vidéos de jeunes femmes défendant le modèle de la bad bitch (qu’on traduirait poliment par «dures à cuire», ndlr), on a l’impression que c’est un peu du mauvais Merteuil», sourit-il.
Le château de Fontainebleau peut en tout cas rajouter un tournage notable à son CV aux côtés, entre autres, du film L’Homme au masque de fer avec Leonardo DiCaprio ou encore du clip Pookie d’Aya Nakamura.
Par Philippe GRELARD / AFP



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