La médiation américaine survit à force de ténacité et de volonté de mettre un terme à un conflit aux répercussions multiples. Sans la détermination du président Trump, nous en serions encore à négocier la question des otages et la fin des hostilités à Gaza. Néanmoins, la situation n’a, depuis, pas évolué d’un cran. La question lancinante demeure : jusqu’à quand ? Comment envisager des scénarios de paix en l’absence de progrès concrets sur le terrain susceptibles de briser l’état de blocage hermétique qui prévaut sur l’ensemble des fronts concernés ?
Le Hamas agit comme si de rien n’était et entend réinvestir la scène politique à travers une politique de terreur éprouvée, soutenue par des complicités régionales qui l’aident à perpétuer l’état de verrouillage. Le Hezbollah, à son tour, reprend le même récit, alors que la donne géostratégique a profondément changé et laisse peu de place à une politique de louvoiements sans fin. L’accord de paix négocié par les États-Unis prévoit le désarmement des deux formations militaires, leur retrait de la vie politique au profit d’une gouvernance internationale à Gaza, ainsi que la réaffirmation de la souveraineté nationale libanaise. Autant d’enjeux incompris et inabordables tant que l’Iran maintient son emprise sur la région.
Ce scénario repose de nouveau la question des imbrications conflictuelles, de la dissociation des enjeux et de la solidité des engagements pris par des acteurs-relais incapables de décider par eux-mêmes, et dont l’idéologie et les intérêts ne favorisent en rien une solution négociée. Cela étant, la reprise de la guerre demeure envisageable à tout moment. La démarche discrétionnaire du Hamas envers la gouvernance internationale, et la volonté réaffirmée de domination du Hezbollah, reviennent au premier plan, malgré les défaites accumulées de part et d’autre et le coût exorbitant supporté par des populations civiles saignées à blanc.
Les deux formations islamistes se retrouvent doublement verrouillées au croisement de la stratégie et de l’idéologie. Faudrait-il une nouvelle guerre pour mettre fin à leur récit et casser l’équation stratégique qui le soutient ? Tout porte à croire qu’il n’y aura pas de dénouement en l’absence de mutations stratégiques devenues incontournables. L’administration Trump fait de son mieux pour mettre fin aux enchaînements conflictuels et amener les acteurs concernés à se repositionner sur de nouveaux axes politiques et stratégiques. Les échéances sont reportées sine die et les manœuvres dilatoires dictent la règle du jeu. Nous ne sommes pas dans une logique de résolution des conflits, mais plutôt dans une approche de conflits différés.
Le Hamas s’inscrit dans une continuité qui fait totalement l’impasse sur sa défaite, illustrant une indifférence totale face aux effets dévastateurs d’un nihilisme sans limites et hautement affirmé. De son côté, le Hezbollah tente par tous les moyens de bloquer le processus étatique, à défaut de pouvoir le contrôler, et de maintenir un contexte d’instabilité, au prix d’une paix civile indéfiniment remise en question. Les deux formations conservent leurs capacités de sabotage au point d’intersection d’une stratégie où l’articulation entre guerres régionales et guerres civiles constitue la trame du nouveau contexte local.
La gouvernance hypothétique, unilatéralement proposée par le Hamas, contrevient aux stipulations de la trêve et remet en cause le désarmement et la déradicalisation de Gaza. Il s’agit d’une réhabilitation du statu quo ante, d’un refus sans vergogne d’une solution négociée et de la réaffirmation d’une constante des politiques palestiniennes : la non-reconnaissance de l’État d’Israël. Cette équation réédite des scénarios ayant jalonné les différentes péripéties d’un conflit ouvert, et susceptibles de réactiver le messianisme politique au sein de la société israélienne.
La diplomatie américaine est mise en demeure de contourner cet obstacle majeur, qui risque inévitablement de relancer la dynamique guerrière. Le défi posé par le Hamas laisse peu de marge à la diplomatie, dans la mesure où il cherche à imposer son diktat au sein du paysage palestinien et au-delà. Les mouvances politiques palestiniennes se retrouvent contraintes de contenir la dynamique autodestructrice du Hamas ou de se préparer à en payer le prix. Toute violation en la matière compromettrait les médiations internationales et renverrait, une fois de plus, les Palestiniens aux instrumentalisations des politiques de puissance arabes et islamiques, ainsi qu’aux idéologies concurrentes de gauche.
Le Liban en constitue un exemple éloquent, dans la mesure où sa structure étatique a toujours été contestée par des politiques de domination s’étendant à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, au point d’en faire l’illustration d’un ordre régional ayant échoué à instaurer les règles de l’État westphalien et les normes de la diplomatie internationale. Après avoir phagocyté l’État libanais pendant plus de deux décennies, le Hezbollah et ses alliés tentent de reprendre la main et de transformer les plateformes opérationnelles libanaises en tremplin pour une politique de conquête enrayée par la contre-offensive israélienne.
Il est difficile d’entrevoir une possibilité de réconciliation entre des politiques qui ont échoué et qui tentent de se remobiliser à partir des mêmes prémisses. Comment surmonter les impasses alors que les politiques ayant conduit aux désastres successifs sont reconduites sans hésitation ? Le pari sur des scénarios ressuscités de guerre civile et de chaos institutionnalisé s’inscrit dans un continuum où la crise endémique des États territoriaux, la prégnance des idéologies islamistes et le recours banalisé à la violence servent de toile de fond à des dynamiques conflictuelles pérennisées.




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