Le Liban connaît une vague de visites diplomatiques de haut niveau alors que les frappes israéliennes s’intensifient dans le Sud et la Békaa. Cela pose la question de savoir si ces efforts visent à apaiser les tensions ou à accroître la pression pour le désarmement du Hezbollah.
Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, et l’envoyée spéciale des États-Unis, Morgan Ortagus, sont arrivés à Beyrouth lundi. L’envoyé américain Thomas Barrack et le chef des services de renseignement égyptien, Hassan Rachad, sont également attendus dans la capitale.
La visite de M. Aboul Gheit coïncide avec le Forum des médias arabes et la Conférence régionale sur la coopération judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme. Il devrait rencontrer les dirigeants libanais pour réaffirmer le soutien de la Ligue arabe à la souveraineté du Liban suite aux frappes israéliennes en cours.
Avertissements concernant une nouvelle confrontation
Selon le journaliste et analyste politique Ali Hamadé, la multiplication des visites diplomatiques reflète une inquiétude croissante quant à la stabilité du Liban.
«L’activité diplomatique a fortement augmenté, ce qui est compréhensible face aux dangers grandissants au Liban, notamment le risque d’une nouvelle guerre entre Israël et le Hezbollah», a-t-il déclaré à Ici Beyrouth. «Les menaces israéliennes sont claires et les avertissements américains tout aussi explicites.»
M. Hamadé a par ailleurs souligné la récente mise en garde de Barrack: si le gouvernement libanais ne parvient pas à désarmer le Hezbollah, le groupe pourrait se retrouver exposé à une «confrontation majeure» avec Israël.
Pression américaine et risque d’escalade
L’arrivée de Morgan Ortagus intervient alors que les craintes grandissent qu’Israël ne lance une nouvelle campagne contre le Hezbollah. Selon des sources sécuritaires citées par Sky News Arabia, sa mission vise à prévenir toute aggravation ou extension du conflit.
Ces derniers jours, Israël a intensifié ses bombardements dans le Sud et l’Est du Liban, faisant plus de dix morts, pour la plupart des membres du Hezbollah, selon des responsables libanais cités par Reuters.
Comme l’a souligné M. Hamadé, les rencontres de Mme Ortagus à Beyrouth devraient se focaliser sur le fait que «tout retard ou inaction concernant les armes du Hezbollah ne peut être toléré». Sa visite s’inscrit également dans le cadre de son rôle au sein du Comité de surveillance supervisant le cessez-le-feu entre Israël et le Liban.
Coordination régionale et message égyptien
En parallèle avec l’engagement américain, Le Caire s’implique aussi. Le chef des services de renseignement égyptien, Hassan Rachad, doit rencontrer des responsables libanais pour transmettre un message reflétant l’inquiétude régionale face à l’intensification des opérations militaires israéliennes.
L’ambassadeur d’Égypte au Liban, Alaa Moussa, a déclaré lundi que la visite de M. Rachad «s’inscrit dans le cadre de la coordination politique et sécuritaire avec le Liban», soulignant que «l’Égypte soutient la position du président Joseph Aoun sur le contrôle exclusif des armes par l’État».
«L’ampleur et la rapidité croissantes des attaques israéliennes appellent à la plus grande prudence», a ajouté M. Moussa, réaffirmant que Le Caire «appuie la position du président libanais et sa volonté d’entamer des négociations».
Inquiétude régionale croissante
M. Hamadé a souligné que la vague diplomatique actuelle est liée à la fois à l’escalade israélienne et à la question plus large de l’arsenal du Hezbollah.
«La récente intensification des attaques israéliennes reflète une conviction croissante, renforcée par les responsables du Hezbollah eux-mêmes, selon laquelle le groupe a reconstitué une partie de ses capacités militaires et continue de les renforcer malgré la décision de l’État de procéder à son désarmement», a-t-il expliqué.
Parallèlement, selon des sources européennes citées par Sky News Arabia, une frappe israélienne d’envergure contre le Liban «pourrait n’être qu’une question de temps», des discussions étant en cours au sein des instances sécuritaires israéliennes sur la «nécessité stratégique d’une opération préventive» contre le Hezbollah.
Ces sources ont précisé que l’on ne sait pas vraiment si Israël considérerait le Liban comme un État complice ou comme un État défaillant concernant les armes du Hezbollah.
Un chemin incertain vers la désescalade
Quant à la question de savoir si cette poussée diplomatique pourrait réellement calmer la situation, M. Hamadé se montre prudent. «La désescalade dépend de deux facteurs principaux, a-t-il expliqué. Le Hezbollah doit coopérer avec l’État et commencer à remettre sérieusement ses armes au nord du fleuve Litani, et le gouvernement libanais doit agir de manière décisive et sans hésitation. Sinon, les tensions persisteront et pourraient progressivement déboucher sur une confrontation majeure», comme a averti Tom Barrack.
Dans une récente publication sur X intitulée «A Personal Perspective: Syria and Lebanon Are the Next Pieces for Levant Peace» (Une perspective personnelle: la Syrie et le Liban constituent les prochaines étapes vers la paix au Levant), M. Barrack a insisté sur le fait que le désarmement du Hezbollah est central pour préserver la souveraineté du Liban et que l’inaction pourrait pousser Israël à agir unilatéralement.
«Si Beyrouth continue d’hésiter, a-t-il écrit, Israël pourrait intervenir seul, et cela aurait des conséquences graves».
Pour l’heure, l’afflux de diplomates vers Beyrouth souligne l’inquiétude croissante au niveau international et régional. Cela laisse craindre que le Liban atteigne un point critique où la diplomatie ne suffirait plus à contenir les retombées de la campagne militaire israélienne en perspective.




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