Que sait-on sur le comité technocratique à Gaza ?
Le président américain Donald Trump (à droite) et le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi montrent les documents signés lors d'un sommet sur Gaza à Charm el-Cheikh, le 13 octobre 2025. ©Saul Loeb / AFP

Les principales factions palestiniennes, dont le Hamas, ont annoncé ce vendredi à l’issue d’une réunion au Caire qu’elles s’étaient entendues pour confier la gestion de la bande de Gaza à un « comité palestinien temporaire composé de technocrates indépendants ». 

Selon le communiqué publié sur le site du Hamas, ce comité devra  gérer les affaires de la vie et des services de base en coopération « avec les frères arabes et les institutions internationales ».

Cette initiative s’inscrit dans le cadre plus large du plan de paix en 20 points présenté par Donald Trump, censé structurer la période post-guerre : cessez-le-feu, déploiement d’une force internationale, puis formation d’une administration civile provisoire. Washington considère ce dispositif comme la seule feuille de route possible : le secrétaire d’État Marco Rubio l’a martelé lors de sa tournée en Israël, affirmant qu’il n’existait « aucun plan B ».

Le Caire, centre névralgique des tractations palestiniennes

La réunion du Caire a réuni les représentants du Hamas et du Fatah, mais aussi d’autres groupes comme le Jihad islamique, le Front populaire et le Front démocratique pour la libération de la Palestine. Tous ont accepté de poursuivre leurs discussions sous la médiation du chef du renseignement égyptien Hassan Rashad, pour « organiser le front intérieur palestinien » face aux défis du moment.

Ce n’est pas la première fois que les factions palestiniennes s’engagent sur la voie de l’unité. Déjà en décembre 2024, un accord prévoyait la création d’une instance commune pour administrer Gaza, sans jamais voir le jour. Les rivalités entre le Hamas et le Fatah, exacerbées depuis 2007, demeurent un obstacle majeur.

Une structure encore floue, entre espoirs et méfiance

Si le communiqué du Hamas parle de technocrates « indépendants », aucune liste officielle n’a encore été publiée. Le Times of Israel relève que le texte ne mentionne pas le Fatah, et que Mahmoud Abbas aurait ordonné à ses émissaires de boycotter la rencontre, estimant que la présence du Hamas la rendait illégitime.

Selon le Jerusalem Post, un nom aurait néanmoins émergé : celui d’Amjad Shawa, figure de la société civile gazaouie, approuvé par les représentants du Hamas et de l’Autorité palestinienne, mais dont la nomination dépend encore de l’aval américain.

«Shawa est pro-Hamas sans être un homme du Hamas», confie une source palestinienne citée par la télévision publique israélienne Kan. Le comité, d’après les mêmes informations, serait composé à parité de membres désignés par le Hamas et par l’Autorité palestinienne, une formule censée ménager les deux camps tout en préservant l’équilibre voulu par Le Caire.

Le plan Trump et la pression internationale

Pour Washington, ce comité technocratique représente la clef de voûte du plan de stabilisation. Le vice-président J.D. Vance et l’émissaire Jared Kushner, chargés du dossier, affirment que la mise en place de cette structure permettra d’assurer la transition avant le déploiement d’une force internationale de stabilisation.

Commandée par un général américain, elle regrouperait des militaires britanniques, jordaniens, canadiens et allemands. Cette force devra maintenir l’ordre pendant que la reconstruction s’organise.

Mais la réussite du plan repose sur deux conditions majeures : le retrait total des troupes israéliennes et la démilitarisation du Hamas. Or, comme le rappelle le Washington Institute, «sans désarmement effectif du Hamas, tout processus politique est condamné».

Le mouvement islamiste, lui, a clairement fait savoir qu’il ne rendrait pas les armes : Mohammed Nazzal, un de ses dirigeants basé à Doha, a déclaré à Reuters que le Hamas «entend maintenir le contrôle sécuritaire du territoire» pendant la période intérimaire.

Un équilibre instable entre contrôle et reconstruction

Sur le terrain, la situation reste chaotique. D’après le Washington Institute, le Hamas a déjà redéployé une partie de son appareil sécuritaire et mené des purges violentes contre des clans rivaux accusés de collaboration avec Israël. Ces affrontements internes pourraient compromettre tout effort de stabilisation, alors même que des millions de Gazaouis dépendent de l’aide humanitaire.

Le Soufan Center souligne que la mise en place du comité intervient dans un contexte de forte méfiance entre Israël et les États-Unis. Benjamin Netanyahou redoute que la nouvelle structure ne serve de façade à un maintien déguisé du Hamas, tandis que Washington tente de convaincre Jérusalem de ne pas relancer la guerre.

La création d’un centre de coordination civilo-militaire dirigé par les États-Unis, inauguré à Tel-Aviv, vise précisément à superviser cette transition délicate et à garantir que l’aide ne soit «ni détournée ni volée».

Entre pari politique et mirage diplomatique

En théorie, un comité technocratique palestinien permettrait de relancer la vie civile à Gaza et de reconstruire les institutions locales sur des bases non partisanes. Mais selon le Washington Institute et le Soufan Center, sa viabilité dépend d’un faisceau de conditions politiques, militaires et humanitaires encore très incertaines.

Le premier souligne que la réussite d’une telle structure suppose à la fois la réforme de l’Autorité palestinienne et le désarmement complet du Hamas. Le second note que, sans progrès tangible sur ces deux fronts, le comité risque de rester un simple cadre administratif sans pouvoir réel.

Ni la composition du comité, ni son calendrier d’entrée en fonction, ni son mandat exact n’ont été définis. Les États-Unis et Israël insistent pour que le Hamas n’y ait aucun rôle, direct ou indirect, alors même que ses cadres contrôlent toujours la majeure partie du territoire. Quant au Fatah, il hésite à s’engager dans un dispositif dont il ne maîtrise pas les contours.

En l’état, le comité technocratique n’incarne pas encore un tournant politique, mais plutôt une expérience suspendue entre espoir et défiance. La réussite dépendra autant de la bonne volonté des factions palestiniennes que de la capacité de la communauté internationale à imposer un cadre clair.

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