Le Hezbollah, entre reconstruction clandestine et redéfinition stratégique
Le Hezbollah, frappé au cœur par la mort de Nasrallah, tenterait de se relever sous contrôle iranien. ©Al-Markazia

Un an après la mort de son leader Hassan Nasrallah, tué par Israël à Beyrouth le 27 septembre 2024, le Hezbollah tente de se reconstituer dans l’ombre. Selon un récit bien documenté de Georges Malbrunot, envoyé spécial du Figaro à Beyrouth et au Liban-Sud, la milice chiite opère désormais dans une semi-clandestinité inédite, contrainte de revoir sa structure militaire et politique après une série d’humiliations qui ont ébranlé les fondements de son pouvoir.

Le choc d’une décapitation

Le récit du Figaro s’ouvre sur les heures de panique ayant suivi l’assassinat de Nasrallah. À Dahiyé, fief du Hezbollah à Beyrouth, les cadres militaires et sécuritaires vivaient cachés, dormant dans des voitures ou chez des proches de confiance.

«Pendant dix jours, tout le monde était perdu, comme un corps plongé dans le coma», confie un membre de la formation pro-iranienne au journaliste français. La direction du Hezbollah, décapitée par les frappes israéliennes, ne répondait plus à aucun appel. Seuls les combattants du sud, livrés à eux-mêmes, poursuivaient les hostilités selon des plans préétablis, avant d’être pour la plupart tués – environ 1.200 selon cette source, citée par le Figaro.

Deux semaines après la mort de l’ancien secrétaire général, des officiers iraniens dépêchés par Téhéran, dont Esmaïl Qaani, chef de la Force Al-Qods, auraient rétabli la chaîne de commandement militaire. Mais le vide politique, lui, persistait.

Les débats d’octobre: la guerre ou la prudence

Le récit de Georges Malbrunot pour le Figaro revient sur les divergences internes apparues après l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023. Deux camps s’étaient alors formés au sein du Hezbollah, souligne le journaliste. Celui de Hassan Nasrallah, partisan d’une implication «mesurée» par solidarité avec le Hamas et celui de Hachem Safieddine et de plusieurs officiers de la Force Radwan, favorables à une offensive directe dans le nord d’Israël.

Nasrallah avait tranché pour une «solidarité minimale», une posture qui s’est révélée catastrophique pour le Liban-Sud, largement détruit par la riposte israélienne. «Soit on fait la guerre, soit on ne la fait pas», regrette un combattant cité par Le Figaro.

Une direction infiltrée, un système exposé

Au-delà des choix stratégiques, l’article du Figaro met en lumière la vulnérabilité croissante du Hezbollah face à l’espionnage israélien. Plusieurs cadres de la milice, parfois piégés par leurs proches ou leurs liaisons, ont été éliminés.

L’un d’eux, Fouad al-Chokr, haut responsable militaire, a été tué après qu’Israël a surveillé sa maîtresse. Dans les rangs du parti, certains le surnomment cyniquement «le martyr de la luxure», relate Le Figaro.

«Nasrallah a été leurré», résume un technicien proche de la milice, cité par Georges Malbrunot. Selon lui, le chef du Hezbollah, isolé dans son bunker depuis des années, aurait pris des décisions fondées sur de fausses informations distillées par des agents israéliens infiltrés dans ses réseaux de renseignement.

Il n’en demeure pas moins qu’un an après, le Hezbollah tente de se relever sous supervision directe de Téhéran. Le député Ali Fayad, rencontré par Le Figaro à Beyrouth, admet la mise en place d’une nouvelle structure militaire «secrète, plus jeune et plus dynamique».

Le parti a renouvelé sa hiérarchie intermédiaire, écartant une génération vieillissante jugée corrompue ou trop exposée. Les échanges au sein de la chaîne de commandement se font désormais exclusivement en personne, sans recours aux réseaux de communication vulnérables aux interceptions israéliennes.

Le sud sous surveillance

Au Liban-Sud, la reconstruction est lente et la présence du Hezbollah moins visible. L’armée libanaise, selon Le Figaro, s’y déploie timidement, à raison de 2.000 soldats au lieu des 10.000 prévus dans le cadre du cessez-le-feu du 27 novembre 2024.

«L’armée est discrète pour ne pas exciter le Hezbollah, car l’avenir reste incertain», confie un haut gradé libanais au journal français.

Sur le terrain, les villages détruits témoignent de la violence du conflit. À Naqoura, Alma el-Chaab ou Tibnine, la population peine à revenir, harcelée par les drones israéliens et paralysée par la pauvreté. Les riches monarchies du Golfe conditionnent leur aide à un désarmement complet du Hezbollah, un scénario qui semble encore lointain.

Toutefois, malgré ses pertes militaires et l’effondrement de ses circuits logistiques depuis la chute du régime syrien de Bachar el-Assad, le Hezbollah conserve une base communautaire solide.

«Comme moi, la plupart des chiites pensent que le gouvernement libanais n’est pas capable de nous défendre. Alors entre deux maux, on choisit le moindre: le Hezbollah», témoigne un jeune du la région du sud, cité dans l’article.

Un diplomate, interrogé par Georges Malbrunot, résume la situation: «Le Hezbollah a accepté de désarmer au sud du Litani, mais il refuse toute ingérence au nord de la région. Israël continue de frapper ces zones, signe qu’il estime le plus gros du travail déjà fait».

Une bête blessée, pas encore vaincue

Politiquement, le Hezbollah reste influent, estime le journaliste français: 27 députés au Parlement, des relais au sein de l’armée et un appareil social toujours partiellement fonctionnel. Mais il n’a plus la même aura. «Ses députés ne font plus peur, ils sont ouvertement critiqués au Parlement», note un élu libanais interrogé par Le Figaro, sous couvert d’anonymat.

Le Premier ministre Nawaf Salam plaide aujourd’hui pour un désarmement progressif sur tout le territoire, soutenu par Riyad et Washington. Le président Joseph Aoun, lui, prône la prudence: «Mieux vaut ne pas affronter une bête blessée», précise Georges Malbrunot, dans son article.

Le Hezbollah n’est peut-être plus la force triomphante d’hier. Mais il reste, comme on peut le lire dans Le Figaro, «un acteur central du Liban, affaibli, contraint à la clandestinité, mais toujours debout – à la fois milice, parti et communauté en quête de survie».

 

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