
L’auditorium est plein, la lumière baisse, les souffles se calment. Sur l’écran, un titre simple: “Let’s Talk About It”. La voix de la journaliste Rima Karaki installe d’emblée le ton: direct, sans détour, sans pathos inutile. À l’occasion d’Octobre Rose, le LAU Medical Center–Rizk Hospital a choisi un format court, sensible et rigoureux pour ramener le cancer du sein au cœur du réel: celui des corps qui changent, des peurs qu’on n’ose pas dire, des décisions médicales qu’il faut prendre à temps.
Le film évite les slogans et l’esthétique «campagne» pour privilégier une narration au ras du quotidien. On y perçoit ce que la maladie bouscule – la confiance, l’image de soi, l’intimité – et ce que la parole peut réparer. La salle réagit peu, mais intensément: quelques rires nerveux quand l’autodérision désamorce la gêne, des silences plus longs sur les métamorphoses du corps et la crainte du diagnostic. Le message, lui, s’impose sans forcer: oser dire, consulter tôt, ne pas remettre à demain un examen d’imagerie quand quelque chose inquiète. Ici, la sensibilisation n’est pas une injonction, c’est une invitation concrète à l’action.
Du récit à la clinique: un échange structuré
À la lumière revenue, le Dr Hadi Ghanem, Clinical Associate Professor, chef de la division d’hémato-oncologie et directeur, modère une discussion qui ancre le film dans la pratique. Autour de lui: Rima Karaki, la Dre Christina Khater (Clinical Assistant Professor, directrice du fellowship en hémato-oncologie), la Dre Tamina Rizk (Clinical Assistant Professor, cheffe de section d’imagerie mammaire), le Dr Tomy Sawma (Assistant Professor of Practice en psychologie clinique), ainsi que deux patientes en rémission, Carla Abdo et Nadia. L’échange va à l’essentiel: ce que la détection précoce change réellement en termes de pronostic et de lourdeur thérapeutique; comment l’imagerie mammaire – échographie, mammographie, IRM selon les profils – permet d’objectiver une inquiétude et d’orienter vite; pourquoi les décisions thérapeutiques gagnent à être collégiales pour articuler chirurgie, oncologie médicale et radiothérapie; et comment l’accompagnement psychologique, dès l’annonce, prévient l’isolement, améliore l’observance et facilite le “retour à soi” après les traitements. Dans la salle, les questions sont pragmatiques: quand consulter, à quel rythme dépister, que faire face à un antécédent familial, comment gérer la peur des résultats. Les réponses sont précises, sans jargon superflu. On insiste sur l’idée d’un parcours coordonné, lisible, où chaque étape est expliquée. L’impression, en sortant, est celle d’une médecine qui ne se contente pas de soigner, mais qui guide.
Repères scientifiques
À l’échelle mondiale, le cancer du sein est le cancer le plus diagnostiqué chez la femme. En mortalité, il reste derrière le poumon, qui demeure la première cause de décès par cancer. Le côlon-rectum figure parmi les localisations majeures, à la fois fréquentes et lourdes, surtout quand les programmes de dépistage peinent. Le pancréas, moins fréquent, est redouté pour sa létalité élevée et ses diagnostics tardifs. À l’inverse, les cancers cutanés non mélanome sont très fréquents, mais rarement mortels, même s’ils peuvent être mutilants. Au Liban, les séries disponibles placent le sein au premier rang des cancers chez la femme, ce qui renforce la pertinence d’actions combinant information, dépistage et accès fluide aux traitements.
Dépistage et pronostic: ce que change le «plus tôt»
Plus le diagnostic est précoce, plus les traitements sont efficaces et souvent moins lourds. La mammographie reste l’examen de référence du dépistage organisé, l’échographie éclaire les seins denses, l’IRM s’adresse à des profils à risque ou à des situations ciblées. Un parcours lisible et rapide raccourcit le délai entre l’inquiétude et la réponse, améliore la survie et facilite la reconstruction de soi.
Science et empathie, même combat
En associant un film court à une table ronde clinique, l’hôpital académique revendique une méthode: relier l’émotion à l’action, l’écoute à la décision. L’objectif n’est pas d’ajouter une couche de communication, mais de créer un passage vers la consultation, l’imagerie quand elle s’impose, et l’orientation rapide en oncologie. La force de la soirée tient à cette continuité: un récit qui libère la parole, un cadre médical qui transforme cette parole en actes concrets, un soutien psychologique qui accompagne le temps long de la maladie, de l’après.
«Let’s Talk About It» n’est pas un slogan de plus accroché à Octobre Rose. C’est une manière d’habiter la prévention: dans une salle comble qui retient son souffle, sur un écran qui nomme les choses simplement, puis autour d’une table où les spécialistes répondent sans détour. On quitte l’auditorium avec une idée claire – parler plus tôt, consulter sans tarder, s’appuyer sur une équipe – et cette sensation rare d’avoir assisté à un moment utile, où la médecine universitaire met l’empathie au service de l’efficacité.
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