Eau embouteillée: Pseudomonas aeruginosa s’invite au robinet des peurs
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Aujourd’hui, vers 16h, un communiqué du ministère de la Santé publique annonçant la non-conformité microbiologique de lots d’une eau minérale libanaise a déclenché un vent de panique. D’abord démenti, il a été confirmé quelques minutes plus tard. Il n’en fallait pas plus pour faire sonner les téléphones à tout-va – médecins, pharmaciens, employés du ministère  et mettre en émoi la population. Voici l’essentiel médical pour comprendre, évaluer le risque réel et adopter les bons réflexes.

Pseudomonas aeruginosa est omniprésente (eaux, sols). Bactérie dite opportuniste, elle infecte surtout les personnes fragiles ou hospitalisées et se distingue par des résistances fréquentes aux antibiotiques.

Pourquoi c’est problématique dans l’eau embouteillée 

Les normes exigent l’absence totale de P. aeruginosa à la mise en bouteille. Sa détection révèle une faille d’hygiène (chaîne de remplissage, circuits, filtres) et impose retrait des lots, assainissement et contrôles renforcés.

Les risques réels

Pour la majorité des consommateurs en bonne santé, boire ponctuellement une eau contenant cette bactérie entraîne rarement une maladie. Le risque est plus élevé chez les immunodéprimés (chimiothérapie, greffe, corticothérapie prolongée), les grands brûlés, les prématurés et en contexte hospitalier. Les porteurs de lentilles s’exposent à une kératite s’ils manipulent leurs lentilles avec une eau contaminée.

Manifestations possibles

Chez le sujet sain, on observe notamment l’otite externe après une exposition à une eau souillée (douleur, démangeaisons, écoulement), la folliculite des jacuzzis avec des boutons prurigineux après des bains ou un passage en spa, ainsi que des irritations oculaires si les lentilles ont été rincées avec une eau non stérile. Les formes graves (atteintes respiratoires, septicémies, infections urinaires ou de plaies) concernent surtout les patients à haut risque.

Que faire si vous avez consommé cette eau

Si vous êtes en bonne santé et asymptomatique, pas de geste spécifique à prévoir. Par précaution, changez de marque en attendant les précisions officielles et conservez la bouteille ainsi que la référence de lot pour un éventuel échange ou rappel.

Si vous appartenez à un groupe à risque, évitez tout lot potentiellement concerné pour boire et pour préparer les biberons. N’utilisez jamais l’eau, qu’elle soit du robinet ou en bouteille, pour rincer ou conserver des lentilles de contact: privilégiez des solutions stériles dédiées.

Quand consulter

• Si vous avez consommé récemment une eau embouteillée de la marque en question et que vous présentez fièvre persistante, diarrhée prolongée, vomissements répétés, douleurs abdominales marquées, signes de déshydratation ou toute aggravation d’un terrain fragile (immunodépression, maladie chronique), contactez votre médecin.

• Chez le nourrisson, la personne âgée ou immunodéprimée, consultez sans tarder en cas de troubles digestifs, de fièvre, d’apathie inhabituelle ou de refus d’alimentation et/ou d’hydratation.

• En l’absence de symptômes, une simple surveillance suffit généralement; les examens ne sont pas systématiques.

Questions fréquentes

L’eau peut-elle être «désinfectée» à la maison?

• L’ébullition réduit beaucoup de risques microbiologiques, mais elle n’est pas le mode d’usage normal de l’eau en bouteille. Il vaut mieux ne pas consommer un lot suspect et le remplacer.

Faut-il jeter toutes les bouteilles?

• Non. Seuls les lots mentionnés par un avis officiel ou par le producteur sont concernés. Conservez vos preuves d’achat en cas de rappel.

Y a-t-il un danger à court terme pour la population générale?

• Le risque reste faible chez les personnes en bonne santé. La vigilance vise surtout les publics vulnérables et la nécessaire conformité sanitaire de la filière.

On attend la liste précise des lots et des dates de production, le retrait effectif sur les points de vente, l’audit, la désinfection et la validation microbiologique de la chaîne d’embouteillage, puis la publication de contrôles attestant le retour à la conformité.

Alors que l’économie étouffe, que la sécurité tremble et que les crises s’enchaînent, l’eau s’invite à son tour au chapitre des peurs. Entre vaches maigres, alertes tièdes et urgences brûlantes, le Libanais se serait bien passé d’un motif d’angoisse supplémentaire au rayon eau.

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