
En appuyant les négociations indirectes en cours en Égypte entre Israël et le Hamas, la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan tire partie de ses relations de longue date avec le mouvement islamiste palestinien.
M. Erdogan a affirmé mercredi avoir été sollicité «expressément» par Donald Trump pour convaincre le Hamas de négocier la paix avec Israël.
Un rôle dont le président islamo-conservateur, depuis 22 ans à la tête de la Turquie, pays majoritairement sunnite de 86 millions d'habitants, s'acquitte d'autant plus volontiers que la population unanime condamne un «génocide» en cours à Gaza.
Une délégation turque, emmenée par le chef des services de renseignement (MIT) Ibrahim Kalin, est en Égypte, à Charm-el-Cheikh, pour participer aux négociations.
M. Kalin avait déjà participé aux discussions à Doha la semaine dernière et a mené une série d'entretiens avec des responsables américains, égyptiens, qataris et du Hamas, selon des sources sécuritaires citées par l'agence étatique Anadolu.
La Turquie entretient des relations étroites avec le mouvement palestinien, dont elle accueille des représentants sur son sol, rappellent les analystes joints par l'AFP.
«Résistance»
«Erdogan a toujours considéré le Hamas comme un mouvement de résistance, comparable à celle de la Turquie» face aux puissances européennes à l'issue de la Première Guerre mondiale, note Özgür Unluhisarcikli, responsable du German Marshall Fund à Ankara.
«Il n'y a qu'une seule position qui vaille en Turquie: Israël commet un génocide qui doit être arrêté», ajoute M. Unluhisarcikli.
Selon des informations de presse, le chef de l'État avait discrètement prié des responsables du Hamas, dont son ancien chef politique Ismaïl Haniyeh, tué en juillet 2024 à Téhéran par une frappe israélienne, présents à Istanbul le 7 octobre 2023, de quitter le pays alors qu'un rapprochement s'opérait entre Ankara et le gouvernement de Benjamin Netanyahu.
Le massacre ce jour là de 1.219 personnes, en majorité des civils, dans le sud d'Israël, et l'enlèvement de 251 otages ont déclenché une offensive israélienne sur Gaza qui a fait au moins 67.100 morts, selon les chiffres du ministère de la Santé du Hamas.
«Plutôt que la nature (du Hamas), le critère fondamental pour la Turquie est sa résistance à l'occupation israélienne et la légitimité que lui accorde le peuple palestinien», indique Mustafa Yetim, professeur en relations internationales à l'université Osmangazi d'Eskisehir.
«Positions alignées»
Outre Ismaïl Haniyeh, de nombreux cadres du Hamas ont trouvé en Turquie une base arrière accueillante depuis le début des années 2000, relève Talha Ismail Duman, chercheur spécialisé sur le Moyen-Orient à l'université de Sakarya.
«Certains membres du Hamas y vivent et des délégations du mouvement rendent de fréquentes visites à ses responsables politiques et sécuritaires», résume-t-il.
L'AFP a ainsi pu rencontrer, au cours des dix-huit derniers mois à Istanbul, Bassem Naïm, membre du bureau politique du Hamas et ancien ministre de la Santé à Gaza, ou encore un cadre du mouvement, Osama Hamdan.
Selon M. Duman, les relations avec la Turquie étaient «particulièrement bonnes avec Khaled Mechaal (ex-patron du bureau politique du Hamas jusqu'en 2017, ndlr), dont les positions s'alignaient sur le Printemps arabe et la guerre en Syrie», quand une partie du mouvement se rapprochait davantage de l'Iran et du Hezbollah.
Puis «l'ascension d'Ismaïl Haniyeh en 2017 et celle de Yahya Sinouar (tué par l'armée israélienne en octobre 2024 à Gaza) ont progressivement amoindri l'influence turque», poursuit-il.
«Aujourd'hui, le Hamas maintient une politique d'équilibre de ses relations avec l'Iran et la Turquie», ce qui permet à Ankara de faire valoir son influence sur le mouvement auprès de la Maison Blanche, constate M. Duman.
En se joignant le 29 juillet à l'ONU à la résolution proposée par la France et l'Arabie saoudite, la Turquie avait pris soin, dans ses explications de vote, de lier le désarmement du Hamas à la création d'un État palestinien.
«Et nous n'avons rien dit de différent lors de nos échanges avec le Hamas», a assuré à l'AFP un responsable du ministère turc des Affaires étrangères.
AFP
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