
La Syrie a organisé ses premières élections législatives depuis la chute de Bachar el-Assad en décembre dernier. Un scrutin que beaucoup espèrent porteur de stabilité économique, de prospérité et de paix.
Dimanche 5 octobre, entre 6.000 et 7.000 délégués se sont rendus dans 62 bureaux de vote répartis sur onze gouvernorats pour élire la nouvelle Assemblée législative syrienne. La nouvelle Assemblée du peuple comptera 210 sièges: à ce jour, 119 ont été pourvus, soit 40 de moins que sous le régime d’Assad.
Les candidats doivent respecter certaines conditions: âge et nationalité conformes, absence d’appartenance au régime précédent (sauf défection pendant la guerre), non-affiliation aux forces de sécurité et casier judiciaire vierge. D’autre part, 20% du collège électoral doit être composé de femmes.
Le scrutin reste indirect: dans le système syrien actuel, les citoyens ne votent pas directement pour leurs représentants. À la place, un collège électoral (un groupe restreint de 6.000 à 7.000 personnes) est chargé de choisir les parlementaires. Ce collège est constitué par des sous-commissions de district, qui sélectionnent entre 30 et 50 électeurs par siège à pourvoir.
Outre les conditions de départ, ces sous-commissions tiennent compte de critères variés tels que les qualifications professionnelles ou universitaires, l’influence sociale, la diversité, et l’inclusion de personnes déplacées, handicapées ou anciennement détenues. Parmi les 210 sièges de l’Assemblée, 70 sont directement nommés par le président et 21 restent vacants, ce qui limite la participation populaire et accroît le contrôle du pouvoir exécutif sur la composition du Parlement.
À Damas, 490 candidats se disputent 11 sièges, avec un collège électoral restreint à 500 votants. Dans le reste du pays, les sièges sont répartis ainsi: Alep 20, Rif Dimachq 10, Hama 8, Idlib 7, Deir el-Zor 6, Hassaké 6, Lattaquié 6, Tartous 5, Deraa 4, Soueida 3 et Quneitra 2.
Le président par intérim, Ahmad el-Chareh, a qualifié ce scrutin de «nouvelle étape» dans le processus de reconstruction du pays.
Sièges vacants dans les zones de tension
À l’origine, 140 sièges devaient être soumis au vote, mais le scrutin a été reporté dans plusieurs régions: la province de Soueida, majoritairement druze, ainsi que certaines zones de Raqqa et Hassaké, sous contrôle de la minorité kurde. En pratique, cela laisse environ 19 sièges vacants.
Le gouvernement intérimaire justifie ces reports par des «raisons de sécurité», invoquant les violences intercommunautaires et sectaires récentes ayant fait plusieurs milliers de morts. En réalité, ces reports reflètent surtout le manque de contrôle effectif du gouvernement sur ces territoires, qui restent administrés par les communautés druze et kurde.
Un Parlement loin des extrémistes
Contrairement aux craintes initiales d’une forte présence de jihadistes radicaux proches d’Ahmad el-Chareh, la majorité des élus de la nouvelle Assemblée législative syrienne semble issue d’un courant conservateur modéré.
D’après la commission électorale, seuls 7% des parlementaires sont des religieux, tandis que médecins, ingénieurs, avocats, économistes et universitaires représentent chacun entre 10 et 17% des sièges.
Certains députés se distinguent par leur parcours économique ou leur engagement dans la société civile: on y trouve des profils «libéraux pro-business» ainsi que des élus politiquement neutres ou à orientation sociale. Selon les experts, l’Assemblée reflète un mélange varié des différentes composantes de la société syrienne, sans présence notable d’extrémistes.
Politiquement et religieusement, les parlementaires suivent un courant conservateur, mais non radical, ultra-religieux ou salafiste. Plusieurs s’inspirent des Frères musulmans, sans en être membres officiels, partageant certains aspects de leur vision de l’islam politique, tandis que le courant économique dominant demeure libéral.
Minorités sous-représentées
Les minorités religieuses en Syrie restent largement sous-représentées au sein de la nouvelle Assemblée législative. Alors que les chrétiens représentent près de 10% de la population et les druzes 3%, leur présence parlementaire reste marginale. La majorité sunnite, qui constitue 74% de la population, domine largement le paysage politique, tandis que les autres sectes musulmanes représentent 13%.
Les femmes ne représentent que 4% des sièges dans cette nouvelle Assemblée législative syrienne.
Un fait notable pourrait cependant marquer une exception: Henry Hamra, juif syro-américain, se présente pour un siège. Si sa candidature est validée par le scrutin indirect, Hamra, dont le père aurait été le dernier rabbin à quitter la Syrie, deviendrait le premier représentant juif au Parlement depuis les années 1940.
Un tournant historique pour la Syrie
Ces élections mettent un terme à plus de cinquante ans de domination autoritaire par la famille Assad, d’abord avec Hafez, puis avec Bachar, et constituent le premier test majeur pour le nouveau gouvernement.
Les citoyens syriens espèrent que ce scrutin inaugurera une série d’élections véritablement représentatives, qu’il ouvrira la voie à un futur démocratique et qu’il permettra la reconstruction d’une économie profondément affaiblie par la guerre.
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