
Après le sacre historique de la Sud-Coréenne Han Kang en 2024, l’Académie suédoise pourrait revenir vers un auteur occidental pour le Nobel de littérature 2025. Parmi les favoris, le Suisse Christian Kracht et l’Australien Gerald Murnane se détachent dans les pronostics.
Après avoir couronné la Sud-Coréenne Han Kang, première femme asiatique à recevoir le Nobel de littérature en 2024, l'Académie suédoise pourrait opter jeudi pour un auteur occidental, selon les critiques littéraires.
Le Suisse Christian Kracht, considéré comme l'un des plus grands auteurs germanophones, mais également l'Australien Gerald Murnane, figurent parmi les plus cités.
Au Salon du livre de Göteborg, qui se déroule quelques semaines avant la saison des Nobel, «l'Académie suédoise était là au grand complet, assise au premier rang» du colloque de Christian Kracht, relève Björn Wiman, rédacteur en chef culturel du quotidien Dagens Nyheter.
«Et ça, en général, c'est un signe qui ne trompe pas», poursuit-il, dans un entretien avec l'AFP. La même chose s'était produite lorsque la dramaturge autrichienne Elfriede Jelinek avait décroché le prix en 2004.
Le dernier roman de l'écrivain de 58 ans, Air (non traduit en français), oscille entre réel et fantastique, mêlant critique du consumérisme et quête existentielle.
De l'avis de Björn Wiman, après Han Kang, «c'est au tour d'un homme blanc issu de la sphère linguistique anglo-saxonne, allemande ou francophone» d'être récompensé.
Le nom de l'Australien Gerald Murnane et de sa compatriote aborigène Alexis Wright revient parmi les favoris. Né en 1939 dans une banlieue de Melbourne d'un père passionné de courses de chevaux, Murnane a grandi dans un foyer catholique.
Son livre Les Plaines (1982), qui plonge le lecteur dans le monde des propriétaires terriens australiens, a été décrit par The New Yorker comme un «chef-d'œuvre bizarre», ressemblant plus à un rêve qu'à un livre.
«La question est de savoir s'il répondra au téléphone, je ne sais même pas s'il en a un», s'amuse Josefin de Gregorio, critique littéraire au journal SvD. «Il n'a jamais quitté l'Australie. Il vit à la campagne, il ne se rend pas particulièrement accessible», ajoute celle dont c'est l'auteur préféré.
«J'espère qu'il gagnera, je veux que davantage de gens découvrent son œuvre merveilleuse», dit-elle. La critique parie aussi sur l'Américain George Saunders.
D'autres noms régulièrement cités sont de nouveau considérés comme «nobélisables» et figurent sur les sites de paris: le Roumain Mircea Cărtărescu, le Hongrois László Krasznahorkai, la Canadienne Anne Carson, le Chilien Raúl Zurita, l'Indien Amitav Ghosh ou encore l'Argentin César Aira.
Le choix pourrait ainsi se porter vers l’Amérique du Sud, qui n’a pas eu de lauréat depuis 2010 avec le sacre du Péruvien Mario Vargas Llosa, spécule Lina Kalmteg, journaliste culture à la radio publique suédoise SR. Elle cite l’écrivaine mexicaine Cristina Rivera Garza.
Depuis sa création, le Nobel de littérature est dominé par les hommes et les lettres occidentales. Parmi les 121 lauréats, seules 18 femmes ont obtenu le prix et une minorité des auteurs récompensés sont de langues asiatiques ou moyen-orientales. Aucune langue africaine n’est représentée.
Difficile de connaître les ressorts des sélections: les délibérations du jury sont gardées secrètes pendant 50 ans.
Faute de mieux, la composition de l’Académie suédoise, qui décerne le prix après avoir passé en revue les propositions d’un collège de lettrés et d’universitaires grâce à son comité Nobel, est disséquée.
Bouleversée par un scandale #MeToo en 2018, elle a fait peau neuve et plus de la moitié de ses membres ont changé.
Depuis, un rééquilibrage entre les femmes et les hommes sacrés est en cours, veulent croire les journalistes interrogés par l’AFP.
«Des auteurs comme Han Kang auraient été tout à fait impensables il y a cinq ou six ans», analyse le rédacteur en chef culturel de DN, qui note que le cénacle a longtemps privilégié des auteurs pointus et plus âgés.
Reflet d’une «nouvelle» Académie moins «élitiste» dans ses goûts ?
Tout n’est, à ce stade, que spéculations.
Le suspense sera levé le 9 octobre à 13 h locales (11 h GMT) avec, à la clef, 11 millions de couronnes suédoises (près d’un million d’euros).
Par Nioucha ZAKAVATI / AFP
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