Extradition d'Igor Grechushkin: Beyrouth et Sofia coordonnent leurs efforts
Le ministre de la Justice, Adel Nassar, reçoit l'ambassadeur de Bulgarie à Beyrouth. Au coeur des discussions, l'extradition de l'armateur du Rhosus, Igor Grechushkin. ©Al-Markazia

Les démarches judiciaires et diplomatiques entourant la demande d’extradition d’Igor Grechuskhin, armateur russo-chypriote du Rhosus, ont fait l’objet, jeudi matin, d’un entretien entre le ministre libanais de la Justice, Adel Nassar, et l’ambassadeur de Bulgarie à Beyrouth, Iassen Tomov.

Saluant la coopération et la coordination exemplaires des autorités bulgares, M. Nassar a convenu avec l’ambassadeur de maintenir un contact étroit pour accélérer la procédure, d’autant plus que le traité d’extradition entre le Liban et la Bulgarie devrait faciliter le transfert de la personne arrêtée vers Beyrouth dans les plus brefs délais. Pour la justice libanaise, l’audition de Grechushkin est cruciale, souligne-t-on de source judiciaire bien informée. Il pourrait apporter des éclairages sur les conditions d’achat du Rhosus, l’identité des commanditaires et les liens avec la société Savaro, officiellement propriétaire du nitrate d’ammonium.

Pour rappel, le Liban et la Bulgarie sont liés par un traité d’extradition approuvé par la loi n° 468 du 12 décembre 2002. Un second accord, adopté le même jour sous la loi n° 469, encadre la coopération judiciaire entre les deux pays en matière pénale. Ces deux textes forment la base légale sur laquelle Beyrouth s’appuie aujourd’hui pour obtenir la remise d’Igor Grechushkin.

Le Liban (le parquet, en coordination avec le ministère de la Justice) dispose désormais de 40 jours pour préparer le dossier justifiant une telle requête et requérir la présence physique de M. Grechushkin au Liban. Toutefois, et selon la source judiciaire précitée, Beyrouth prévoit remettre le dossier en question dans un délai qui ne dépasse pas les deux semaines, tout au plus.

Une fois transféré, l’homme sera présenté au juge d’instruction, Tarek Bitar, qui décidera de sa détention ou de sa remise en liberté à l’issue des interrogatoires. À la question de savoir si la Russie pourrait intervenir (M. Grechushkin ayant la double nationalité, russe et chypriote), la réponse est non, affirme-t-on de même source. Pourquoi ? Parce que le traité conclu entre le Liban et la Bulgarie ne concerne que ces deux pays et pour que la Russie puisse agir, elle devrait faire partie du traité en question.

On rappelle, dans ce contexte, que M. Grechushkin, avait affrété le navire Rhosus qui transportait le nitrate d'ammonium à l’origine de l’explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020, laquelle avait fait plus de 200 morts, des milliers de blessés et provoqué des dégâts considérables.

Il a été arrêté le 5 septembre dernier à l’aéroport de Sofia, en Bulgarie, après avoir été interpellé à son arrivée en provenance de Paphos (Chypre), sur la base d'une notice rouge d'Interpol émise à la suite d’un mandat d’arrêt par contumace délivré par la justice libanaise dans le cadre de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth.

Or, ce mandat d’arrêt n’est pas récent. Il date de décembre 2020, à l’époque où l’ancien juge d’instruction, Fadi Sawan, était chargé d’instruire l’enquête sur l’explosion.

Pour revenir sur les faits, il s’agit de rappeler que le 13 août 2020, un décret publié au Journal officiel transfère l’affaire de l’explosion à la Cour de justice. En ce temps-là, aucun juge d’instruction n’avait encore été désigné. Trois jours plus tard, une commission rogatoire se rend à Chypre pour entendre Igor Grechushkin, en sa qualité de simple témoin, n’ayant pas encore été désigné comme suspect. Ce n’est donc qu’après la nomination du juge Fadi Sawan, qu’un mandat d’arrêt par contumace est émis, en décembre 2020, contre Grechushkin et transmis à Interpol par les canaux diplomatiques. L’affaire s’enlise ensuite: la destitution du juge Sawan, puis l’arrivée du juge Tarek Bitar et le gel de l’enquête laissent le dossier en suspens pendant plusieurs années.

 

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