Trisomie 21: la percée japonaise qui efface le chromosome de trop
Une équipe japonaise vient de réussir une prouesse: supprimer en laboratoire le chromosome responsable de la trisomie 21. ©Shutterstock

Des chercheurs japonais ont réussi à supprimer, en laboratoire, le chromosome supplémentaire responsable de la trisomie 21 grâce à la technologie CRISPR‑Cas9. Une première mondiale qui ouvre des perspectives inédites, mais qui reste, pour l’instant, une avancée expérimentale pleine de défis.

C’est une première dans l’histoire de la recherche sur la trisomie 21. Une équipe de l’université de Mie, au Japon, vient de démontrer qu’il est possible, grâce à l’édition génétique CRISPR‑Cas9, d’effacer le chromosome surnuméraire à l’origine du syndrome de Down, du moins sur des cellules cultivées en laboratoire. L’annonce, publiée dans la revue scientifique PNAS Nexus, fait sensation, car elle touche à la racine même de la maladie: la présence d’un troisième chromosome 21 au lieu des deux habituels.

Les chercheurs japonais ont utilisé la technique CRISPR‑Cas9 pour cibler spécifiquement ce troisième chromosome dans différents types de cellules provenant de patients avec trisomie 21: des cellules souches pluripotentes (qui peuvent donner de nombreux tissus différents) et des fibroblastes, c’est‑à‑dire des cellules de peau matures. L’idée: «casser» sélectivement l’ADN du chromosome en trop pour pousser la cellule à s’en débarrasser lors de sa division.

Pour y parvenir, ils ont dû affiner leur méthode et combiner CRISPR avec d’autres techniques, comme l’inhibition temporaire de certains gènes impliqués dans la réparation de l’ADN, pour augmenter les chances que la cellule supprime effectivement le chromosome visé.

Les résultats sont impressionnants: dans les meilleures conditions, environ 37,5% des cellules traitées perdent le chromosome excédentaire et redeviennent «disomiques», avec seulement deux chromosomes 21 comme chez une personne non trisomique. Ces cellules «corrigées» montrent alors des caractéristiques plus proches de la normale, que ce soit au niveau de la croissance, de l’expression des gènes ou de la résistance au stress oxydatif.

Des limites et des défis majeurs

Si cette prouesse technique ouvre de nouvelles perspectives, elle soulève aussi de nombreuses questions et limites. D’abord, l’expérience s’est déroulée uniquement «in vitro», c’est‑à‑dire dans des boîtes de laboratoire, sur des cellules isolées. On est encore très loin de pouvoir appliquer ce genre d’édition génétique dans un organisme entier, que ce soit chez l’animal ou chez l’humain.

Ensuite, le taux de suppression, s’il est inédit, reste incomplet: plus de 60% des cellules conservent leur troisième chromosome après traitement. Pour espérer une application thérapeutique, il faudra atteindre des niveaux d’efficacité bien plus élevés, tout en garantissant l’absence d’effets secondaires graves, comme la suppression accidentelle d’autres gènes essentiels.

D’autres enjeux de taille restent à explorer: la stabilité des modifications dans le temps, la capacité à cibler des cellules dans différents organes (cerveau, cœur, etc.), ou encore la possibilité de corriger la trisomie à un stade très précoce du développement embryonnaire, avant l’apparition des symptômes les plus marqués.

Enfin, cette avancée interroge sur le plan éthique: jusqu’où doit‑on aller dans la correction du génome humain? Faut‑il envisager d’éditer le génome d’embryons ou d’intervenir après la naissance? Quelles conséquences à long terme, pour les individus comme pour la société?

Autant de questions auxquelles la science devra répondre, en même temps qu’elle poursuit ses recherches.

Une étape clé, mais encore expérimentale

L’étude japonaise marque une avancée scientifique majeure dans la compréhension et la manipulation de la trisomie 21. Elle démontre qu’il est théoriquement possible de cibler et de supprimer un chromosome entier dans des cellules humaines, grâce à CRISPR. Ce résultat, impensable il y a encore quelques années, offre de nouvelles pistes pour la recherche sur les maladies génétiques, au‑delà même de la trisomie.

Pour autant, la route est longue avant d’envisager une application clinique. Les essais devront démontrer la faisabilité, l’efficacité et la sécurité de cette approche sur l’ensemble des cellules d’un organisme, sans effets indésirables ni risque de dérive génétique. Les obstacles techniques, biologiques et éthiques sont immenses, mais l’exploit japonais donne un nouvel élan à la recherche, et nourrit l’espoir de futurs traitements capables de s’attaquer à la racine même de certaines maladies chromosomiques.

D’ici là, cette avancée rappelle la puissance de l’édition génétique moderne, tout en soulignant la nécessité d’avancer avec prudence et responsabilité. L’histoire de la trisomie 21 entre peut‑être dans une nouvelle ère, mais l’aventure ne fait que commencer.

 

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