
L’Événement d’Annie Ernaux, récit autobiographique portant sur l’avortement clandestin en 1963, reprend vie sur les planches du Théâtre de l’atelier à Paris, incarné par Marianne Basler. La pièce offre un monologue poignant, sobre et bouleversant à la fois, qui résonne avec l’actualité des droits des femmes.
En 1963, Annie Ernaux expérimente un «événement» crucial, l’un des moments les plus douloureux et les plus secrets de son existence. En ce temps-là, l’avortement est encore interdit en France et la jeune écrivaine étudiante est obligée de cacher sa grossesse tout en bravant le monstre terrifiant de la peur dans la solitude la plus totale. Quarante ans plus tard, dans L’Événement, elle raconte avec une précision clinique et une intensité bouleversante ces trois mois qui ont marqué sa vie.
Le texte prend plus d’ampleur avec le temps, vu qu’il permet un retour rétrospectif et documenté sur le vécu d’une jeune femme en France à une période donnée. Ce récit autobiographique, publié en 2000 et salué pour son écriture brute, vraie et intime, est porté sur scène par Marianne Basler dans un seul en scène au Théâtre de l’atelier.
Marianne Basler incarne ainsi la douleur et la solitude avec une émotion contenue, bouleversant le spectateur avec des mots crus, forts et ressentis. Son phrasé clair et précis, presque clinique, fait écho à l’écriture d’Annie Ernaux tout en ajoutant une tension dramatique palpable.
Minimaliste, le décor se réduit à une simple chaise et une table, misant sur l’impact émotionnel de l’œuvre qui s’en trouve amplifié. Les mouvements, suspensions, silences et émotions de l’actrice touchent le spectateur au fin fond de l’âme. En effet, la sobriété de la mise en scène renforce l’intensité du récit: la peur, l’angoisse et la résilience de la femme deviennent presque tangibles, créant empathie et bouleversement.
Une femme seule, se livrant sur scène dans un monologue pur, donne libre accès à une immersion totale au sein d’une expérience intime et universelle, celle de l’avortement clandestin. Dans la force de la vulnérabilité transmise par l’actrice, on ressent le poids des contraintes légales et sociales imposées aux femmes de l’époque... et dans certains lieux, cas, celles d’aujourd’hui.
Par ailleurs, le texte prend une résonance particulière de nos jours. Alors que le droit à l’IVG est inscrit dans la Constitution française depuis 2024 et que la France réhabilite les femmes condamnées pour avortement, cette adaptation rappelle la fragilité des droits acquis, celle des droits de la femme, en France ou ailleurs. La pièce mise aussi sur l’importance de la mémoire historique. De la petite histoire d’Annie Ernaux, naît un questionnement universel sur la condition féminine et la liberté – ou non – des choix.
La pièce est en cours jusqu’au 19 octobre au Théâtre de L’atelier à Paris.
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