
Israël a mené mardi une opération d’une ampleur exceptionnelle: une frappe aérienne ciblant des responsables du Hamas dans la capitale qatarie, Doha.
Cette attaque, dans laquelle six personnes ont été tuées, a immédiatement suscité des réactions internationales, y compris une rare critique publique du président américain, Donald Trump, à l’égard de son allié Benjamin Netanyahou.
Une cible hautement symbolique
Selon les premières informations, l’opération israélienne visait un appartement où s’étaient réunis des membres du bureau politique du Hamas, notamment son négociateur en chef, Khalil al-Hayya, et d’autres responsables. Israël affirme avoir agi en représailles à l’attentat de Jérusalem, la veille, qui a coûté la vie à six personnes.
Le Hamas a confirmé la mort de six personnes, dont le fils de Khalil al-Hayya, plusieurs gardes du corps et un officier qatari, tout en assurant qu’aucun de ses principaux négociateurs n’avait été tué.
Des sources israéliennes citées par le Jerusalem Post estiment toutefois que l’opération a porté un coup majeur à la direction du mouvement islamiste, même si Khaled Mechaal, un dirigeant politique du Hamas, aurait survécu.
En ciblant le Hamas à #Doha, Israël bouleverse la donne diplomatique pic.twitter.com/YvmgsOVjHa
— Ici Beyrouth (@Icibeyrouthnews) September 10, 2025
Un allié américain frappé
Le choix du lieu a provoqué un séisme diplomatique. Doha, qui abrite la plus grande base militaire américaine de la région et joue depuis des années un rôle central de médiateur entre Israël et le Hamas, n’avait jamais été visée par une frappe israélienne.
«Ce n’était pas une attaque contre le Qatar, mais contre le Hamas», a tenté de justifier Danny Danon, ambassadeur israélien à l’ONU.
«Nous n'agissons pas toujours selon les intérêts des États-Unis. Nous sommes coordonnés [avec Washington], ils nous apportent un soutien incroyable, nous l'apprécions, mais parfois, nous prenons des décisions et nous en informons les États-Unis», a déclaré M. Danon à la radio israélienne 103 FM.
Mais le gouvernement qatari a dénoncé une violation flagrante de sa souveraineté et averti qu’il «se réservait le droit de répondre».
La colère de Donald Trump
La frappe a aussi provoqué une réaction inhabituelle de la Maison Blanche. Donald Trump, jusque-là soutien indéfectible de l’action israélienne contre le Hamas, a fait part de son «grand mécontentement» et de son malaise. «Je ne suis pas ravi de la situation», a-t-il déclaré à la presse, affirmant ne pas avoir été prévenu en amont.
Le président américain a assuré avoir prévenu l’émir du Qatar, mais trop tard: l’appel officiel a eu lieu alors que les explosions retentissaient déjà à Doha. Donald Trump a promis au cheikh Tamim ben Hamad al-Thani «qu’une telle chose ne se reproduirait pas» .
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a revendiqué l’opération, estimant qu’il n’était plus possible de laisser les dirigeants du Hamas «jouir d’une immunité où qu’ils se trouvent».
Selon lui, la frappe pourrait ouvrir la voie à un accord sur les otages et à une relance du processus de normalisation régionale.
La presse israélienne divisée
Des divergences existent néanmoins au sein même de l’establishment israélien.
Haaretz souligne que l’opération, menée loin de Gaza, brise un tabou diplomatique en frappant sur le sol qatari. Le journal insiste sur le risque immédiat pour les otages toujours détenus à Gaza et sur l’incertitude quant à la poursuite des négociations, Doha ayant déjà menacé d’abandonner son rôle de médiateur.
Le Jerusalem Post met en avant une autre lecture: selon des sources israéliennes, l’élimination de figures du Hamas à l’étranger pourrait paradoxalement faciliter les discussions, en affaiblissant le camp des durs opposés à tout accord. Le journal révèle aussi que le chef du Mossad, David Barnea, avait mis en garde contre le timing de l’opération.
Le Times of Israel, enfin, qualifie la frappe de «méga-événement» et souligne que les leaders du Hamas installés à Doha pensaient jusque là être à l’abri. Le site s’interroge toutefois sur les conséquences pour les otages et sur la capacité du Qatar à continuer à jouer son rôle de médiateur après un tel coup.
Au-delà de la frappe, c’est un message: Israël ne reconnaît plus aucune zone refuge pour le Hamas, même au prix de fissures au niveau de ses alliances stratégiques.
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