
Venu de la droite, discret au point d'être quasi inconnu du grand public, le ministre français des Armées Sébastien Lecornu, nommé Premier ministre à 39 ans, est un fin politique et fidèle compagnon de route du président Emmanuel Macron depuis 2017.
Membre de tous les gouvernements depuis la première élection d'Emmanuel Macron en 2017, il avait déjà failli devenir Premier ministre l'année dernière mais se retrouve finalement à succéder à François Bayrou, renversé lundi par les députés.
Malgré l'absence de majorité parlementaire et l'instabilité politique qui en découle depuis 2022, Sébastien Lecornu s'est maintenu au poste stratégique de ministre des Armées depuis trois ans, où il a connu pas moins de quatre chefs du gouvernement.
Publiquement peu loquace à son poste de gardien de l'institution militaire, Sébastien Lecornu est aussi un homme politique réservé, rarement dans la lumière. C'est en grande partie en coulisses qu'il a peu à peu étendu son influence.
«C'est un fidèle de Macron qui ne lui fera pas d'ombre. Son bilan à la défense est plutôt bon», relève auprès de l'AFP un diplomate sous couvert de l'anonymat.
«Lecornu, c'est le bon soldat qui par ailleurs n'a pas trop de charisme», abonde un conseiller ministériel.
«Manoeuvrier»
Proche de l'actuel ministre de la Justice Gérald Darmanin, issu comme lui de la droite, il s'est illustré politiquement par ses négociations pied à pied avec les parlementaires de tous bords pour faire adopter, à la quasi-unanimité, la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, en hausse de 40% par rapport à la précédente, malgré des coupes budgétaires généralisées.
«Il est apprécié sur tous les bancs de l'Assemblée», selon un ancien membre de la commission Défense de l'Assemblée qui décrit «un animal politique»: il maîtrise ses dossiers, répond sans regarder ses notes et distribue alternativement à ses adversaires flagorneries et tacles appuyés.
Reste à savoir si cet homme, jugé «habile» par un responsable de gauche, saura convaincre le Parti socialiste (PS) avec qui Emmanuel Macron a demandé de travailler pour conclure des compromis. «Il comprend vite les choses», mais «il est plus à droite que Bayrou», note le même.
Il a été épinglé dans la presse pour des dîners avec la leader de l'extrême droite Marine Le Pen, ce qui en fait «l'homme de la négociation avec le Rassemblement national (RN) dans la psyché socialiste», selon une ministre.
Sur le budget, alors que son prédécesseur a été accusé de dramatiser la question de la dette, Sébastien Lecornu affirmait récemment ne pas croire que le FMI soit «aux portes de Bercy» (le ministre de l'Économie, ndlr) mais se dit certain que «si nous ne faisons rien, le pays va s'étouffer à petit feu».
Réserviste
Il reste conscient qu'«accepter ce job (de Premier ministre), c'est accepter de mettre les deux doigts dans la prise et que ça continue de grésiller», glisse un proche.
Originaire de Normandie (nord-ouest), petit-fils de résistant, il a un temps pensé à une carrière d'officier mais s'est lancé très jeune en politique. Son parcours a débuté à droite, battant plusieurs records de précocité.
Assistant parlementaire à 19 ans, il devient en 2008 le plus jeune conseiller dans un cabinet ministériel, puis en 2015, le plus jeune président d'un département, l'Eure, après avoir été maire de sa ville, Vernon.
Propulsé au gouvernement à 31 ans, il passe par plusieurs ministères: l'Écologie, les Collectivités, l'Outre-mer, puis les Armées.
Réserviste de la gendarmerie, cet amateur d'histoire répétait jusqu'ici vouloir rester aux Armées.
S'il reste discret dans les médias, il est sorti de l'ombre avec la guerre en Ukraine, s'efforçant de mettre en musique le «réarmement» du pays ordonné par le chef de l'État ou les garanties de sécurité que les Européens seraient susceptibles d'apporter à Kiev. Il a été aussi en première ligne dans l'intensification de la coopération européenne en matière d'industrie de défense, notamment avec l'Allemagne.
Face à ce qu'il voit comme le «plus gros dérèglement géopolitique depuis la Seconde Guerre mondiale», il a bénéficié pour son ministère d'un budget en ascension constante ces dernières années, à l'inverse de la plupart de ses collègues.
AFP
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