
Dans un scénario que n’aurait pas renié Hitchcock, Roger Feghali a remporté le 47e Rallye du Liban, organisé par l’Autorité nationale sportive relevant de l’Automobile et Touring Club du Liban (ATCL), au terme d’un duel irrespirable avec le Qatari Nasser al-Attiyah. Une 18e couronne arrachée au courage, à l’orgueil et à la précision chirurgicale.
Kaslik, dimanche, 17h. Le soleil tape encore, mais les visages sont blêmes. Après 624,41 km de lutte, dont 192,44 km sur les 11 spéciales, tout allait se jouer sur les derniers virages de Zabbougha. Dans l’air, l’odeur de gomme brûlée, la tension palpable, et un murmure qui court parmi les spectateurs: «Ça va se jouer à rien…»
Et c’est exactement ce qui s’est produit. Roger Feghali et son copilote Joseph Matar (Toyota GR Yaris) décrochent la victoire avec un chrono de 1h49’36’’, soit 9,2 secondes seulement devant Nasser al-Attiyah et Candido Carrera (Skoda Fabia RS). Une marge infime, presque insolente, dans un Rallye du Liban qui restera dans les annales.
Rallye du Liban, acte XVIII
L’histoire retiendra cette date: le Libanais décroche son 18e sacre national. Un exploit d’autant plus retentissant qu’il a été conquis au mental. Après avoir dominé la super spéciale du vendredi à Kaslik, Feghali pensait avoir pris l’ascendant… jusqu’à ce que la Skoda d’Al-Attiyah ne vienne tout renverser samedi, s’emparant de la tête pour 7 secondes d’avance.
Dimanche matin, la tension monte encore d’un cran. Quatre spéciales, aucune erreur possible, et une «guerre des dixièmes» qui pousse les deux hommes à la limite de la mécanique et de leurs nerfs. Feghali attaque comme un forcené, comble son retard, puis reprend la tête après la 10e spéciale… avec seulement 1,5 seconde d’avance!
La dernière étape devient un face-à-face irrespirable. Deux légendes, deux styles, deux écoles… et un Libanais porté par son public. Zabbougha se transforme en arène: la Toyota rugit, la Skoda hurle… mais c’est bien Feghali qui franchit la ligne, exténué, les bras levés.
Le mot du champion
Sous les applaudissements, Roger Feghali lâche, sourire crispé:
«C’était un duel d’hommes. Une bataille de nerfs, une guerre de dixièmes. Nasser a été incroyable, mais je voulais cette victoire plus que tout. La gagner à la maison, devant mon public, c’est indescriptible.»
Dans son regard, la fierté de celui qui, à 51 ans, continue d’écrire l’histoire du rallye libanais… et de repousser les limites.
Al-Attiyah: «Je reviendrai»
Toujours aussi combatif, Nasser al-Attiyah accepte la défaite avec sportivité, mais prévient:
«Roger a été énorme aujourd’hui, mais cette histoire n’est pas terminée. Je reviendrai chercher ce titre.»
Elias Dehni, la révélation libanaise
Derrière le duel des géants, Elias Dehni (Skoda Fabia) s’offre une 3e place monumentale, à plus de trois minutes du vainqueur, mais surtout, une performance XXL qui le propulse parmi les grands noms du rallye libanais. «C’est une sensation incroyable, avoue-t-il. Finir derrière deux légendes, c’est déjà une victoire.»
Classement général (Top 5)
1. Roger Feghali/Joseph Matar (Liban) – Toyota GR Yaris – 1h49’36’’
2. Nasser Al-Attiyah/Candido Carrera (Qatar/Espagne) – Skoda Fabia RS – +9,2 sec
3. Elias Dehni/Nicola Arena (Liban) – Skoda Fabia – +3’29’’
4. Bassel Abou Hamdan/Firas Elias (Arabie saoudite/Liban) – Volkswagen Polo – +3’57’’
5. Abdelaziz al-Kuwari/Giovanni Bernacchini (Qatar/Italie) – Skoda Fabia – +6’43’’
Une édition sous haute tension
Plus de 1.200 bénévoles, le soutien de la Croix-Rouge libanaise, de la Défense civile et des forces de sécurité: le Rallye du Liban est plus qu’une course, c’est un rendez-vous national. Sur les routes de Byblos, Batroun, Metn et Baabda, des milliers de fans ont vibré au rythme des chronos, banderoles déployées et téléphones rivés sur les écrans.
Quand la légende refuse de mourir
Dans un Liban où les victoires se font rares, Roger Feghali offre plus qu’un titre: il offre une parenthèse de fierté et d’émotion. Un souffle, une revanche, un cri.
Le rideau tombe sur le 47e Rallye du Liban… mais la légende, elle, ne s’arrête jamais.
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