
Les Libanais ne sont pas satisfaits de la réunion du Conseil des ministres d'aujourd'hui. En voici les raisons:
Très attendue, la session du cabinet libanais d’aujourd’hui a fait la une de l’actualité – mais pas pour des décisions courageuses. Bien que l’armée ait présenté son plan de désarmement du Hezbollah afin de restaurer le monopole des armes par l’État, la réunion s’est conclue sans aucun calendrier clair de mise en œuvre, suscitant frustration et scepticisme. Fait marquant : le président du Parlement Nabih Berri ne semblait nullement préoccupé – voire satisfait – par cette absence d’engagement.
Un plan de désarmement… sans calendrier
Le commandant en chef de l’armée, le général Rodolphe Haykal, a présenté un plan visant à désarmer toutes les factions armées, y compris le Hezbollah, et à transférer toutes les armes sous le contrôle exclusif de l’État libanais. Mais aucun délai précis n’a été fixé pour la mise en œuvre. L’armée a évoqué des « capacités logistiques, matérielles et humaines limitées » pour expliquer le flou, tout en conditionnant toute avancée à une désescalade militaire avec Israël.
Les ministres chiites claquent la porte
Au moment même où le général Haykal a pris la parole, les cinq ministres chiites du gouvernement – affiliés au Hezbollah et au mouvement Amal – ont quitté la réunion. Le ministre du Travail Mohammad Haidar a ensuite déclaré que toute décision prise en leur absence serait considérée comme nulle, invoquant les équilibres confessionnels du système politique libanais.
La satisfaction de Berri : un coup dur à toute avancée
Fidèle à sa ligne habituelle, Nabih Berri a accueilli sans résistance l’absence de tout calendrier contraignant. Pour lui, le désarmement du Hezbollah ne peut passer que par un « dialogue calme et consensuel ». Cette approche prudente – voire complaisante – est perçue par beaucoup comme un frein volontaire aux réformes.
Ce confort affiché face à l’immobilisme montre une volonté de préserver l’équilibre politique actuel, même au prix de l’inaction de l’État.
Une victoire silencieuse pour le Hezbollah et Naïm Qassem
Mais celui qui sort réellement gagnant de cette session, c’est bien le Hezbollah. Loin d’être une menace pour le groupe armé, ce plan sans échéance ferme lui laisse tout le loisir de continuer à opérer, sans pression immédiate.
Le numéro un du Hezbollah, Naïm Qassem, peut difficilement être autre chose qu’heureux. Loin d’être inquiété, le Hezbollah voit son discours validé : pas de désarmement sans consensus national, et surtout, pas de confrontation ouverte. En clair, l’État a livré un plan qui sert directement les intérêts de la milice.
En gardant ses armes tout en participant au processus politique, le Hezbollah maintient sa double posture : acteur étatique et force militaire autonome. Le flou du cabinet consolide cette position.
Pourquoi cette issue est jugée décevante
1. Objectifs évaporés : le gouvernement avait fixé à fin août la présentation d’un plan, et à fin 2025 le transfert des armes à l’État. Ces dates n’ont désormais plus aucune portée concrète.
2. Plan confidentiel et conditionnel : la mise en œuvre dépend d’un contexte régional instable, notamment vis-à-vis d’Israël, et le contenu du plan reste confidentiel.
3. Blocage confessionnel : la sortie des ministres chiites démontre une fois de plus l’impossibilité d’agir sur les sujets sensibles sans accord communautaire.
4. Volonté politique absente : le satisfecit de Nabih Berri et le silence complice du Hezbollah révèlent un système verrouillé.
Et maintenant ?
• Calendrier fantôme : le plan est là, mais son application reste suspendue à des variables floues.
• Hezbollah toujours intouchable : le groupe garde sa capacité militaire intacte.
• Tensions anticipées : L’armée a discrètement déployé des troupes à Beyrouth pour prévenir d’éventuels débordements.
• Pression internationale croissante : mais sans volonté interne, aucune réforme ne sera possible.
La réunion d’aujourd’hui illustre une triste réalité : au Liban, l’État recule chaque fois que la souveraineté est mise à l’épreuve. Entre un plan vidé de toute force contraignante, la satisfaction ouverte de Nabih Berri, et le sourire probablement sournois de Naïm Qassem, l’on peut dire que le Hezbollah a remporté une victoire silencieuse, avec la bénédiction du système.
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