
Paolo Sorrentino a ouvert mercredi la 82e Mostra de Venise avec La Grazia, un drame introspectif porté par Toni Servillo dans le rôle d’un président italien en fin de mandat, confronté à des dilemmes moraux sur fond de débats sur l’euthanasie. Le cinéaste napolitain signe un 11e film plus réaliste que ses œuvres précédentes, explorant les thèmes du deuil, de la solitude et des responsabilités politiques.
Avec La Grazia (La Grâce), qui ouvre mercredi la 82e Mostra de Venise, l'Italien Paolo Sorrentino livre l'introspection d'un président veuf en fin de mandat rattrapé par des dilemmes moraux, avec en filigrane une réflexion sur l'euthanasie.
Pour son 11e long-métrage, le cinéaste napolitain signe sa huitième collaboration avec son acteur fétiche Toni Servillo (La Grande Bellezza, Osca du meilleur film étranger en 2014).
Le comédien de 66 ans y incarne Mariano de Santis, un président de la République italienne fictif, confronté à des choix cornéliens dans ses dernières semaines au palais romain du Quirinal.
Ce catholique réfléchi à l'allure austère, qui ne s'est jamais remis de la mort de son épouse, se voit exhorté par sa fille (Anna Ferzetti) de promulguer une loi légalisant l'euthanasie, dans un pays agité par un débat sur la légalisation du suicide assisté et où l'Eglise conserve une influence de poids.
Ce choix à l'issue impossible, apparaître comme «un meurtrier» ou «un tortionnaire», se double d'une tâche tout aussi délicate: décider, ou non, de gracier deux prisonniers condamnés pour les meurtres de leurs conjoints.
Autant de dilemmes qui vont faire vaciller les certitudes juridiques et personnelles de cet ancien juge, prompt à réclamer «un temps supplémentaire de réflexion» pour ne pas avoir à trancher.
«J'ai voulu dépeindre un homme politique incarnant une haute idée de la politique, comme je crois qu'elle devrait l'être, mais comme trop souvent elle ne l'est pas», a expliqué mercredi Paolo Sorrentino en conférence de presse, à quelques heures de la cérémonie d'ouverture.
«Le dilemme moral est un formidable moteur narratif, plus puissant que n'importe quel autre procédé narratif généralement utilisé au cinéma.»
«Attitude» et «instrument»
Si le spectateur retrouve les ingrédients qui font la signature du cinéma de Sorrentino, bande son originale entre rap et techno, photographie composée et personnages extravagants, le réalisateur de la série The young pope a cette fois délaissé ses fulgurances baroques pour un style plus réaliste.
Bien que le cinéma n'ait plus «l'impact dévastateur qu'il avait dans le passé», il peut mettre en lumière le «sujet fondamental» de l'euthanasie, a-t-il déclaré aux journalistes.
Mais contrairement à La chambre d'à côté, un film crépusculaire de l'Espagnol Pedro Almodovar sur le suicide assisté récompensé du Lion d'or l'an dernier, La Grazia explore un large éventail de thèmes, de l'amour à la solitude en passant par le deuil et les relations familiales.
Animé par le sens des responsabilités, le chef de l'État voit ses certitudes remises en question par le fossé qui s'est creusé avec sa fille et les résurgences de son passé.
«La grâce n'est pas seulement instrument juridique à la disposition du président de la République mais aussi une sorte d'attitude envers le monde et la vie, qui est aussi une attitude d'amour», a expliqué le réalisateur.
«J'ai pensé que ce président, derrière son apparence rigoureuse, sérieuse, (...) parfois ennuyeuse, était en réalité un homme amoureux non seulement de sa défunte épouse et de sa fille mais aussi de toute une série de valeurs que, selon moi, la politique devrait incarner».
Après La Main de Dieu, récompensé par le Lion d'Argent en 2021, et un an après avoir présenté à Cannes son ultra-esthétisé Parthénope, Sorrentino effectue, avec cette avant-première mondiale, un retour remarqué sur le Lido.
Malgré les avertissements habituels, «aucun lien avec des personnages réels», difficile de ne pas voir dans le personnage principal des points communs avec l'actuel président italien, Sergio Mattarella, juriste, veuf et épaulé par sa fille avocate.
Le film, qui sortira en Italie en janvier 2026, s'inspire d'ailleurs d'un fait réel: la grâce qu'il avait accordée en 2019 à un homme qui avait tué sa femme, atteinte de la maladie d'Alzheimer.
Par Clément MELKI / AFP
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