Hezbollah: la voix de son maître
©Ici Beyrouth

     

Le Hezbollah et ses armes, un jour sans fin! Encore et toujours la même rengaine. Pas question de renoncer à l’arsenal: sans lui, plus de pouvoir arbitraire, plus de rente. Et comme tout bon client, il reste accroché à son dealer: l’Iran.

Chaque fois qu’un dirigeant iranien monte sur une tribune ou entame une tournée «diplomatique», on sait ce qui va suivre: quelques jours plus tard, le secrétaire général du Hezbollah assène, depuis son abri sûr, un discours plus tonitruant, plus menaçant, plus creux. Téhéran parle en persan, l’écho s’entend à Beyrouth en arabe.

Derrière ce vacarme, la manœuvre est limpide: l’Iran prépare une nouvelle négociation avec Washington sur son programme nucléaire, tandis que plane, d’ici quelques jours, le spectre du «snapback» européen. Ce mécanisme permettrait de réactiver les sanctions de l’accord de 2015, auquel cas, l’économie iranienne risquerait l’effondrement. Pour sauver son régime, Téhéran brandit sa carte maîtresse: le chaos régional.

Le message est brutal: «Touchez à nos intérêts, nous ferons sauter vos équilibres au Moyen-Orient.» C’est du pur chantage, et le Hezbollah en est la vitrine.

La preuve en a été donnée ces derniers jours: alors que la délégation américaine – émissaires et sénateurs – arrivait lundi à Beyrouth pour réaffirmer le soutien des États-Unis à la décision du gouvernement libanais de désarmer les milices et de rendre à l’armée le monopole des armes, le secrétaire général du Hezbollah l’a accueillie par un discours menaçant, à contre-courant total de toutes les aspirations de l’État ibanais. Le message était clair et méprisant: le gouvernement peut bien promettre, mais la milice détient le pouvoir réel et personne n’est capable de la désarmer.

À l’instar des Houthis au Yémen ou des milices irakiennes, le Hezbollah a reçu ses instructions: hausser le ton, multiplier les menaces, tirer quelques roquettes depuis le Yémen si nécessaire, quitte à encaisser 50 raids de l’armée israélienne en représailles, comme le week-end dernier à Sanaa. Tout est bon pour rappeler aux Occidentaux que la clé de la stabilité régionale tient à Téhéran.

Dans la réalité, tout cela s’avère de la poudre aux yeux.

Pourtant, le spectacle morbide doit continuer. Il n’y a pas une semaine sans qu’un message enregistré du secrétaire général du Hezbollah ne soit diffusé, sur un fond neutre, rouge ou bleu, histoire que personne ne sache où il se trouve. Il faut dire qu’après la mort de ses principaux dirigeants, le Hezbollah a bien raison sur un point: la nécessaire paranoïa. Les responsables de la milice pro-iranienne ne communiquent plus que sur des bouts de papier, griffonnés et échangés sous le manteau. Tous les autres moyens de communication ont été infiltrés par les Israéliens.

Le Liban, lui, essaye de se dégager de ses liens, retenu otage d’une milice qui confond résistance et soumission.

La vérité est simple: tant que le régime iranien tiendra, le Hezbollah restera. Mais ce régime est une poudrière: Perses, Azéris, Kurdes, Arabes, Baloutches… une mosaïque qui craque, une République islamique qui n’a de république que le nom.

Pour le moment, les puissances régionales hésitent à envisager la chute de ce régime. Faute de solution de rechange. Les pays du Golfe redoutent un Iran fragmenté qui expédierait des millions de réfugiés chiites à leurs frontières. Quant à la Turquie, elle n’a pas vraiment envie de devoir gérer 12 millions de Kurdes iraniens. Face à cette perspective, Ankara préfère le statu quo à un chaos transfrontalier.

Le jour où ce château de cartes s’effondrera, le Hezbollah perdra son oxygène. Alors seulement, le Liban pourra respirer. En attendant, nous n’avons droit qu’aux discours copiés-collés de Téhéran et aux postures guerrières de son représentant local. À force de se cacher derrière des rideaux et de griffonner des messages, le Hezbollah ressemble moins à un acteur régional qu’à une machine à ronronner pour Téhéran, bruyante, mais inutile.

Albert Camus disait: «L’absurde, c’est continuer quand tout crie l’échec.» Bienvenue en Absurdie.

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