
Depuis juillet 2025, vingt centres hospitaliers en Europe, au Canada et aux États-Unis testent un traitement inédit contre l’arthrose du genou: le GLP-1, déjà connu contre le diabète, pourrait bien ouvrir la voie à une nouvelle génération de médicaments articulaires.
L’arthrose du genou, c’est la maladie qui fait grimacer en descendant les escaliers, celle qui limite les balades, qui freine les sportifs et handicape des millions de personnes à travers le monde. À ce jour, la médecine dispose de peu de solutions: antidouleurs, anti-inflammatoires, parfois infiltrations, et quand la douleur devient insupportable, la pose d’une prothèse. Mais personne ne sait encore freiner vraiment l’usure du cartilage, cette sorte de «coussin» naturel qui protège nos articulations.
Depuis des années, chercheurs et patients rêvent d’une molécule capable de ralentir, voire d’arrêter, la maladie. Ce rêve, aujourd’hui, s’incarne dans une substance à l’histoire surprenante: le GLP-1. Dès juillet 2025, un essai clinique international baptisé INFLAM MOTION a commencé dans vingt hôpitaux d’Europe, des États-Unis et du Canada, pour tester ce traitement prometteur sur 130 patients souffrant d’arthrose du genou. Derrière ce projet, un grand nom de la rhumatologie française, le professeur Francis Berenbaum.
Du diabète aux articulations
À l’origine, le GLP-1 (Glucagon-Like Peptide 1) est une hormone produite dans l’intestin, dont le rôle est de stimuler la production d’insuline quand on mange. C’est sur cette propriété que les laboratoires ont bâti, ces dernières années, de nouveaux médicaments antidiabète et anti-obésité, tels que le liraglutide ou le semaglutide. Résultat: des millions de patients dans le monde voient leur glycémie et leur poids chuter, avec parfois un effet positif sur la pression artérielle et la santé cardiovasculaire.
Mais la science réserve des surprises. Des chercheurs ont découvert que les récepteurs du GLP-1 sont aussi présents dans le cartilage et la membrane qui tapisse l’intérieur des articulations. Les premières études en laboratoire, puis sur des animaux, ont montré que le GLP-1 limite l’inflammation locale, réduit la production de molécules responsables de la dégradation du cartilage, et pourrait même favoriser une réparation. Sur le papier, tout pour séduire les spécialistes de l’arthrose.
C’est donc tout naturellement que le professeur Francis Berenbaum et son équipe à Paris, pionniers de la recherche sur l’arthrose, se sont lancés dans l’aventure. En juillet 2025, l’essai INFLAM MOTION a officiellement recruté son premier patient. À terme, 130 participants, hommes et femmes, âgés de 40 à 75 ans, reçoivent dans leur genou arthrosique soit une injection de 4P004 (nom technique du GLP-1 utilisé), soit un placebo, le tout dans le plus grand secret pour éviter les biais (c’est ce qu’on appelle une étude en double aveugle). Les centres sont répartis en France, Allemagne, Suisse, Espagne, mais aussi aux États-Unis et au Canada.
Concrètement, il s’agit de mesurer plusieurs choses. D’abord la douleur, grâce à des questionnaires standardisés; ensuite, la fonction articulaire (facilité à marcher, à bouger, à descendre les escaliers). Enfin, des examens comme l’IRM permettent de suivre, sur plusieurs mois, l’évolution du cartilage et de la membrane synoviale. Les chercheurs espèrent que l’injection locale limitera les effets secondaires, contrairement aux médicaments pris par voie générale.
Un espoir à confirmer
Pourquoi tant d’espoir? Parce que, chez les diabétiques obèses traités par GLP-1, on observe souvent une diminution des douleurs articulaires, sans doute liée à la perte de poids. Mais l’objectif ici est d’obtenir un effet direct, local, sur l’articulation malade: moins d’inflammation, ralentissement de la destruction du cartilage et, pourquoi pas, réparation des tissus. Si les résultats sont positifs, le GLP-1 pourrait devenir le premier médicament «disease-modifying» contre l’arthrose, c’est-à-dire un traitement qui freine ou stoppe la progression de la maladie, au lieu de simplement masquer les symptômes.
La prudence reste pourtant de mise. Les essais cliniques de ce type prennent du temps. L’essai INFLAM MOTION prévoit une observation sur plusieurs mois, avec un point d’étape à 4 et 12 semaines, puis une évaluation globale en 2026. Il faudra vérifier non seulement l’efficacité, mais aussi la sécurité à long terme. L’histoire de la médecine est jalonnée de traitements prometteurs qui n’ont pas passé l’épreuve du temps ou des effets secondaires inattendus.
Si l’essai est concluant, une nouvelle ère pourrait s’ouvrir pour l’arthrose du genou et, à terme, d’autres articulations. Cette aventure du GLP-1 témoigne de la vitalité de la recherche médicale, capable de recycler de vieilles molécules pour de nouveaux usages. Le chemin reste long: il faudra d’autres essais, des validations et sans doute plusieurs années avant d’imaginer une mise sur le marché.
Mais une chose est sûre: pour tous ceux qui vivent avec l’arthrose, chaque avancée, chaque piste testée, nourrit l’espoir de conserver, plus longtemps, des articulations souples et une vie sans douleur.
Les résultats de cet essai sont attendus au cours de l’année 2026. Un rendez-vous important pour la médecine et les patients, à suivre avec attention.
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