
Les autorités au Kurdistan d'Irak ont interpellé vendredi une figure de l'opposition de la famille Talabani, l'un des deux clans au pouvoir dans la région autonome, au terme d'affrontements armés d'une rare violence ayant fait, selon des sources sécuritaires, trois morts chez les forces de l'ordre.
Issu du clan Talabani mais tombé en disgrâce, Lahur Sheikh Jangi était autrefois un haut dirigeant de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), un des deux partis historiques kurdes, qui contrôle Souleimaniyeh, deuxième ville du Kurdistan dans le nord de l'Irak.
Il s'agit de la deuxième arrestation d'un opposant en moins de deux semaines à Souleimaniyeh.
Après plusieurs heures de combats à l'artillerie lourde autour d'un hôtel dans un quartier huppé de la ville, où il s'était retranché avec sa garde rapprochée, M. Jangi «s'est rendu» tandis que «son frère Bolad a été blessé à la jambe et a été arrêté», avait indiqué à l'AFP un responsable sécuritaire.
Vendredi, un correspondant de l'AFP a vu des volutes de fumée s'élever du secteur après un incendie provoqué par les combats.
Lorsque les forces de l'ordre ont donné l'assaut avant l'aube, des affrontements ont éclaté avec des dizaines de combattants armés qui protégeaient les deux frères, les bruits des tirs retentissant dans toute la ville.
Les heurts ont fait trois morts dans les rangs des forces de sécurité: «un appartenant aux Opérations (spéciales) des Assayich, un des services antiterroristes et un autre des forces +Commandos+» a indiqué à l'AFP un autre responsable sécuritaire, faisant état de 19 blessés et s'exprimant sous couvert d'anonymat en raison de la sensibilité du sujet.
Dans un communiqué, les services antiterroristes de Souleimaniyeh ont confirmé la mort d'un leurs membres, précisant que les combats avaient duré près de quatre heures.
«Sécurité et stabilité»
Cultivant de bons rapports avec les chancelleries occidentales, les partis au pouvoir au Kurdistan irakien présentent leur région comme une oasis de stabilité, mais militants et opposants dénoncent régulièrement corruption, arrestations arbitraires et atteintes à la liberté de la presse et de manifestation.
Interrogé par l'AFP, le porte-parole du tribunal de Souleimaniyeh, le juge Salah Hassan, a indiqué qu'un mandat d'arrêt avait été émis jeudi à l'encontre de M. Jangi et plusieurs autres personnes «pour conspiration visant à porter atteinte à la sécurité et à la stabilité».
Il a précisé qu'il encourait sept ans de prison s'il était reconnu coupable.
Dès 2021, des dissensions sont apparues entre la fratrie de Lahur Sheikh Jangi et ses deux cousins, Bafel et Qubad Talabani, et il a progressivement été éloigné du pouvoir et des postes sécuritaires qu'il avait occupés.
Né en 1975, M. Jangi a fondé et dirigé pendant plus d'une décennie le service antiterroriste kurde de Souleimaniyeh, avant de présider une agence du Renseignement affiliée à l'UPK, selon son site Internet.
Il a également brièvement coprésidé l'UPK aux côtés de Bafel avant d'être évincé. En 2024, il a fondé le Front populaire, parti représenté au Parlement régional du Kurdistan avec deux députés.
Mi-août, un autre parti d'opposition était visé par une arrestation. Shaswar Abdulwahid, fondateur de «Nouvelle Génération», était interpellé à son domicile à Souleimaniyeh et placé en détention dans le cadre d'une affaire judiciaire.
Depuis la capitale régionale Erbil, le Premier ministre du Kurdistan Masrour Barzani a appelé vendredi «toutes les parties à faire preuve de retenue.» «Tout problème ou différend doit être résolu par les voies légales».
Sa formation, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), est régulièrement à couteaux tirés avec l'UPK et les Talabani. Et ses autorités à Erbil ne sont pas non plus exemptes de critiques.
Mardi, alors qu'il devait être libéré après cinq années de détention, le journaliste opposant Sherwan Sherwani a été condamné à plus de quatre ans de prison pour avoir, selon la justice, menacé un officier du personnel pénitentiaire.
Avec AFP
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