
La présence de la Finul sera-t-elle maintenue au Liban-Sud au-delà du 31 août? La question est au cœur des tractations diplomatiques à l’approche du vote du Conseil de sécurité, prévu le 25 août, alors que le mandat de l’organisation onusienne expire à la fin du mois.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a commencé à débattre lundi d'un projet de résolution présenté par la France pour prolonger d'un an le mandat de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). L’AFP rapporte que cette résolution comprend une disposition exprimant «l’intention du Conseil de sécurité de travailler au retrait progressif» des Casques bleus afin que le gouvernement libanais devienne le seul garant de la sécurité au Liban-Sud.
Selon plusieurs médias, Israël et les États-Unis s'opposent toutefois à la prolongation du mandat de la Finul, déployée à la frontière libanaise avec Israël depuis 1978. Ils jugent sa mission inefficace, plaidant pour un retrait progressif, voire une fin pure et simple. Selon ABC News, le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, aurait validé un plan visant à réduire les contingents de la force internationale sur une période de six mois. Cette mesure s’inscrit dans le prolongement de la politique de l’administration Trump pour qui la mission de la Finul est «un gaspillage inefficace d’argent» qui «retarde» de plus, le transfert des responsabilités à l’armée libanaise.
Israël est dans le même état d’esprit, d’autant qu’il considère que la force internationale n’a pas réussi à empêcher le Hezbollah de s’implanter militairement au Liban-Sud, en violation de la résolution 1701 du Conseil de sécurité qui a mis fin à la guerre de juillet 2006 entre les deux parties. Sur base de cette résolution, le Hezbollah n’était plus supposé avoir de présence militaire au sud du Litani.
Dans une lettre officielle adressée récemment à son homologue américain, le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a ainsi réclamé la fin de la mission des forces de maintien de la paix.
La France, plusieurs pays européens et le Liban officiel insistent en revanche sur la nécessité de maintenir une présence internationale dans le sud du pays, dans un contexte régional explosif, afin d’éviter un vide sécuritaire. Le président libanais, Joseph Aoun, a ainsi réaffirmé mardi l’attachement du Liban au maintien de la présence des Casques bleus au Liban-Sud aussi longtemps que nécessaire pour appliquer pleinement la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU et permettre le déploiement complet de l’armée aux frontières. Il a aussi souligné l’importance de la coopération entre l’armée, la Finul et les populations locales.
Conséquences d’un veto américain
Mais si les États-Unis utilisent leur droit de veto durant la réunion du Conseil de sécurité, la résolution sera rejetée. La Finul cesserait alors d’exister légalement dès le 31 août, laissant ses 10.000 soldats sans autorité pour poursuivre leur mission.
Les pays participants devraient normalement commencer à retirer leurs troupes. Une alternative politique pour leur maintien existe cependant, via la procédure Unis pour la paix (Uniting for Peace) prévue par la résolution 377 de l'Assemblée générale de 1950. Celle-ci permet à l’Assemblée générale de se saisir d'une question de maintien de la paix en cas de blocage en Conseil de sécurité pour cause de veto. L’Assemblée générale peut alors formuler des recommandations et exprimer un soutien international à la Finul. Mais cette procédure ne lui donne pas la latitude de restaurer légalement son mandat, ni d’assurer son financement. La mission de la force internationale serait alors réduite à une présence symbolique et désorganisée, sans cadre juridique ni budget garanti.
Soutien accru au fil des années
Avec l’adoption de la résolution 1701 en 2006, la Finul a vu son mandat élargi et ses effectifs triplés. Elle devait soutenir l’armée libanaise et veiller à l’absence de groupes armés, notamment le Hezbollah, au sud du Litani, supposé être une zone démilitarisée.
Mais son efficacité a été remise en question, surtout depuis que le Hezbollah a décidé d’ouvrir le front sud avec Israël pour soutenir le Hamas dans sa guerre contre l’État hébreu. Malgré un budget annuel de 553 millions de dollars (en baisse depuis un pic de 689 millions en 2008), la force internationale n’a pas pu empêcher le Hezb de développer une présence militaire dans la région. Les entraves à la liberté de circulation des Casques bleus, les attaques, parfois meurtrières, contre leurs patrouilles sont restées fréquentes.
Selon le Washington Institute, la Finul n’a enquêté sur aucun des 3.000 sites militaires ciblés par Israël depuis octobre 2023. Les caches d’armes récemment découvertes l’ont été par l’armée libanaise ou à la suite de frappes israéliennes. Le Washington Examiner va plus loin, qualifiant sa mission de «programme d’assistance déguisé» qui profiterait aux pays contributeurs sans remplir son mandat.
Qui paiera si Washington se retire?
En 2023, les États-Unis ont financé 25% du budget de la force internationale, ce qui correspond à 143 millions de dollars. Or, selon un rapport du Secrétaire général de l’ONU (11 juillet), 136 millions de dollars de contributions restent impayés, mettant déjà sous pression la trésorerie de la mission.
Les principaux contributeurs européens assurent ensemble environ 21 à 22% du budget total, avec notamment la France qui apporte environ 39 millions de dollars, le Royaume-Uni près de 35 millions, l’Allemagne autour de 28 millions et l’Italie environ 17 millions de dollars.
Même en cas d’effort budgétaire coordonné, si Washington ne s’oppose pas au renouvellement du mandat de la Finul, mais décide de suspendre sa contribution, il serait très difficile de compenser rapidement l’absence américaine. D’autant que cela exigerait une modification formelle des clés de répartition à l’Assemblée générale, un processus long et politiquement délicat.
Pour rappel, l’administration Trump a déjà annoncé son intention de réduire sa contribution financière aux missions de l’ONU, notamment humanitaires.
Dans ce contexte, l’objectif du plan français pour la Finul semble irréaliste à court terme. Le terrain reste hostile, l’efficacité de la mission est contestée et le financement devient de plus en plus incertain. Si les États-Unis officialisent leur retrait politique et budgétaire, qui prendra le relais? Les Européens sont-ils prêts à accroître leur engagement politique, militaire et financier? La mission peut-elle être réformée ou repensée? Et surtout, quelles seraient les conséquences d’un retrait précipité, alors que, malgré ses limites, la Finul continuait de garantir un minimum de stabilité entre les lignes? Autant de questions auxquelles il n’est pas possible, pour l’heure, d’apporter un élément de réponse.
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