
Six mois après une humiliation publique qui avait choqué l’Europe, Volodymyr Zelensky retourne ce lundi dans le Bureau ovale. Le président ukrainien est reçu par Donald Trump, fraîchement rentré d’Alaska où il a déroulé le tapis rouge à Vladimir Poutine. Entre souvenirs d’une altercation fracassante et pressions pour des concessions territoriales, cette rencontre s’annonce décisive pour l’avenir du conflit en Ukraine.
Le 28 février dernier, la visite du président ukrainien à Washington avait tourné au fiasco. Dans le Bureau ovale, rebaptisé par certains médias «le bureau des embuscades», Donald Trump et son vice-président JD Vance avaient rudoyé Volodymyr Zelensky, l’accusant d’ingratitude face aux dizaines de milliards de dollars d’aide militaire américaine. L’épisode s’était achevé par le départ précipité du chef d’État ukrainien, sans conférence de presse ni déjeuner de travail.
Depuis, les deux hommes ont tenté de recoller les morceaux. Ils s’étaient brièvement rapprochés en avril lors d’une rencontre au Vatican, en marge des funérailles du pape François. Puis ils se sont croisés à Rome en mai, Zelensky affichant même un large sourire aux côtés de JD Vance, qui avait joué un rôle central lors de la précédente altercation entre les deux chefs d’État.
Des positions irréconciliables?
L’atmosphère de ce lundi reste pourtant tendue. Sur son réseau Truth Social, Donald Trump a martelé que la guerre pouvait «se terminer presque immédiatement» si Kiev acceptait certaines conditions: pas de récupération de la Crimée annexée par Moscou en 2014, et «pas question» d’une adhésion de l’Ukraine à l’Otan. Selon plusieurs sources, Washington soutiendrait même l’idée d’un compromis incluant la cession des régions de Donetsk et Lougansk, situées dans l’est de l’Ukraine, à la Russie, ainsi qu’un gel du front dans les régions de Kherson et Zaporijjia dans le sud du pays.
En retour, Trump envisagerait des «garanties de sécurité» pour Kiev, inspirées de l’article 5 de l’Otan (qui prévoit qu’une attaque contre un membre est considérée comme une attaque contre tous, déclenchant une réponse collective). Trump propose une garantie similaire pour l’Ukraine, mais en dehors de l’Otan, pour protéger Kiev sans provoquer directement Moscou. Une idée qui sera discutée avec les Européens.
Zelensky cherche des soutiens
Conscient du rapport de force, Volodymyr Zelensky a exprimé à l’avance sa «reconnaissance pour l’invitation» à Washington et rappelé que «la paix doit être durable». Dans un message diffusé dimanche soir, il a appelé la Russie à «mettre fin à cette guerre qu’elle a elle-même déclenchée», en espérant que la «force conjointe» de l’Ukraine, des États-Unis et de l’Europe contraindra Moscou à négocier.
Les Européens se sont d’ailleurs déplacés en nombre pour montrer leur soutien: Emmanuel Macron, Friedrich Merz, Giorgia Meloni, Keir Starmer, Alexander Stubb, Ursula von der Leyen et le nouveau secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, sont attendus à Washington. Tous cherchent à peser dans une négociation qui pourrait redessiner la carte de l’Europe.
L’urgence du terrain donne une dimension dramatique à cette rencontre: dans la nuit de dimanche à lundi, la Russie a lancé 140 drones et plusieurs missiles balistiques, tuant notamment sept civils à Kharkiv. À l’inverse, des frappes ukrainiennes ont touché les régions occupées de Kherson et Donetsk.
Dans ce contexte de guerre totale, les pressions américaines pour un compromis territorial apparaissent pour Kiev comme une douloureuse injonction à choisir entre la poursuite de la lutte et une paix aux conditions de Moscou.
Une rencontre déterminante
Donald Trump a laissé entrevoir un possible sommet tripartite avec Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky «si tout marche bien». Mais derrière ce scénario optimiste, plane le risque d’un bras de fer. En cas d’échec, le secrétaire d’État Marco Rubio a déjà agité la menace de nouvelles sanctions contre Moscou, tandis que Pékin appelle à un accord «acceptable pour toutes les parties».
Le rendez-vous de ce lundi ne sera donc pas un simple exercice diplomatique: il pourrait marquer un tournant historique dans la guerre la plus sanglante qu’ait connue l’Europe depuis 1945.
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