
L’été en Syrie est marqué par un regain de violences meurtrières à Soueïda, dans le Sud, mais aussi par d’autres foyers d’alerte dès le mois de juin. Affrontements, attentats, attaques déjouées… Les promesses d’enquêtes se multiplient, mais, sur le terrain, ils ne sont pas nombreux à croire encore à une justice rapide et transparente.
À Soueïda, dans le sud de la Syrie, le mois de juillet a été marqué par une flambée de violence sans précédent. Tout a (re)commencé le 12 juillet, lorsque des enlèvements réciproques entre groupes druzes et tribus bédouines ont dégénéré en affrontements armés. L’escalade a été rapide et l’armée syrienne est intervenue.
Selon l’ONU et l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), ces combats ont fait plus de 1.400 victimes, dont une grande majorité de civils druzes, et provoqué le déplacement d’environ 200.000 personnes. Sur le terrain, des témoins et des factions druzes accusent les forces dépêchées par Damas non seulement d’avoir soutenu les Bédouins, mais aussi d’avoir commis des exactions: exécutions sommaires, profanations de dépouilles et pillages. Les images diffusées sur les réseaux sociaux sont choquantes. Elles contribuent à envenimer les tensions confessionnelles et à alimenter la désinformation.
Le 16 juillet, une vidéo a ravivé la colère. Diffusée par le média local Suwayda 24 et authentifiée par l’OSDH, elle montre un volontaire médical à l’intérieur de l’hôpital principal de la ville, entouré d’hommes armés, dont certains portent l’uniforme du ministère de l’Intérieur. Il est abattu à bout portant, puis son corps est traîné au sol, laissant une trace de sang. L’ONU a dénoncé une «exécution sommaire choquante».
En réaction, le Conseil de sécurité des Nations unies a publié une déclaration condamnant ces violences. Il a appelé les autorités intérimaires syriennes à protéger tous les civils, quelle que soit leur origine, à respecter les cessez-le-feu et à garantir un accès humanitaire total. Le texte exige aussi que des enquêtes soient menées rapidement, de manière transparente et impartiale.
Au-delà de Soueïda, d’autres foyers d’alerte inquiètent. Le 22 juin, à Damas, un kamikaze s’est fait exploser lors de la liturgie à l’église grecque-orthodoxe Saint-Élie, dans le quartier de Dweila, faisant 25 morts et des dizaines de blessés. Les autorités ont d’abord pointé du doigt l’organisation État islamique, avant que le groupuscule Saraya Ansar al-Sunnah ne revendique l’attaque. Des interpellations ont suivi.
Le 6 août, à Tartous, les Forces de sécurité intérieure disent avoir déjoué un plan visant l’église maronite Mar Élias, dans le village d’Al-Khuraybat (région de Safita), et arrêté deux suspects, avec saisie d’explosifs.
Annoncer pour gagner du temps?
Encore une fois, le président de transition, Ahmad al-Chareh, a promis que les responsables seraient poursuivis. Mais cette promesse intervient dans un climat de méfiance. En mars dernier, après les massacres de civils alaouites sur la côte syrienne, il avait créé une commission d’enquête avec un délai de 30 jours. En avril, faute de résultats, ce délai avait été prolongé de trois mois. Depuis, aucune conclusion n’a été rendue publique.
Pour de nombreux Syriens, le scénario se répète: une tragédie, un discours officiel, l’annonce d’une enquête… puis le silence. Un enchaînement qui finit par briser la confiance et conforter l’idée que les responsables échappent toujours à la justice.
L’ombre des enquêtes oubliées
Au Liban, durant les années d’occupation syrienne (1976–2005), il était courant que des enquêtes soient annoncées face à des attentats ou des assassinats politiques, souvent spectaculaires, ayant mobilisé l’opinion, pour finalement ne jamais aboutir. Cette stratégie du «geste symbolique» sans suite, aujourd’hui répétée par Al-Chareh, évoque une dynamique tristement familière. Un silence judiciaire qui résonne comme un écho lointain des enquêtes libanaises non abouties. On sait comment ça commence, on sait comment ça finit: par un silence qui, à force, sonne comme une réponse.
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