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- Le plan de Netanyahou pour Gaza: entre ambiguïté, divisions et chaos latent

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, observe, après une conférence de presse au bureau du Premier ministre à Jérusalem, le 10 août 2025. ©AFP
Alors que la guerre à Gaza entre dans son 22e mois, l’ambiguïté tant au niveau politique que sur le terrain ne cesse de s’accentuer. Les dernières déclarations du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, illustrent cette confusion stratégique croissante. Celui-ci affirme vouloir «prendre le contrôle de Gaza», tout en précisant que l’État hébreu n’a «pas l’intention de gouverner» ce territoire. Cette formulation masque une ambivalence profonde, notamment liée à la confusion persistante entre la bande de Gaza dans son ensemble et la ville de Gaza, sa capitale, aujourd’hui considérée comme l’un des derniers bastions du Hamas.
Il est essentiel de distinguer ces deux entités. La bande de Gaza, d’environ 365 km², est un territoire situé entre Israël, l’Égypte et la Méditerranée, qui comptait environ 2,2 millions d’habitants avant le conflit. La ville de Gaza, la plus grande de l’enclave, qui s’étend sur environ 45 km² dans le nord de la bande, en comptait près de 750.000. Aujourd’hui, malgré les combats, il reste quelque 300.000 civils, dans l’incapacité de partir.
Cette ambiguïté n’est pas qu’une question de sémantique; elle influence directement les opérations militaires, les perspectives politiques post-conflit, ainsi que la situation humanitaire dramatique dans la ville.
Lors d’une conférence de presse, lundi, Netanyahou a affirmé que «l’armée israélienne exerce son contrôle sur 75% du territoire», tout en exigeant «le démantèlement des derniers bastions du Hamas, principalement situés dans la ville de Gaza et dans certains camps de réfugiés du centre», tels que Nousseirat, Bureij, Deir el-Balah et Al-Mawassi. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, 86,3% de l’enclave sont militarisés par Israël ou soumis à des ordres d’évacuation non révoqués.
La ville de Gaza, avec ses quartiers densément peuplés, ses tunnels et son réseau souterrain complexe, est donc au centre de l’attention. Selon Michael Milshtein, responsable du programme d’études palestiniennes à l’université de Tel-Aviv, la branche militaire du Hamas pourrait compter entre 10.000 et 15.000 combattants dans cette seule ville, dont beaucoup récemment recrutés, notamment dans les quartiers de Zeitoun, Sabra et Shouja’iyya.
Ces chiffres restent néanmoins difficiles à vérifier, et contribuent de ce fait à une grande incertitude sur la véritable capacité militaire du Hamas.
Le plan officiel de Netanyahou se veut ambitieux, mais reste flou. Il promet une «opération rapide» visant à prendre le contrôle militaire de l’ensemble de la bande enclavée et à neutraliser les derniers bastions du Hamas, tout en refusant d’assumer une gouvernance politique ou administrative durable. Le cabinet a adopté jeudi dernier cinq principes pour finir la guerre: le désarmement du Hamas, le retour de tous les otages, qu’ils soient vivants ou morts, la démilitarisation de la bande de Gaza, le contrôle sécuritaire israélien dans la bande de Gaza et l’établissement d’une administration civile alternative qui ne soit ni le Hamas ni l’Autorité palestinienne.
Cette stratégie est loin de faire l’unanimité au sein du gouvernement israélien. Tandis que Netanyahou prône un contrôle militaire sans occupation politique, les ministres ultranationalistes Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir réclament une occupation complète et permanente de la bande de Gaza. Bien qu’il ait exprimé des réserves face à une telle opération, alertant sur ses conséquences humaines potentiellement catastrophiques, le chef d’état-major Eyal Zamir a toutefois affirmé lundi que l’armée israélienne était «capable de conquérir la ville de Gaza, comme elle l’a fait de Khan Younès et de Rafah».
Parallèlement, la situation humanitaire dans la ville de Gaza est désespérée. Malgré les ordres d’évacuation, une grande partie des civils restent sur place, vivant dans des conditions précaires, souvent dans des camps de tentes ou des abris rudimentaires, en pleine zone de conflit. L’aide humanitaire peine à parvenir aux populations, notamment en raison du refus d’Israël de laisser l’ONU gérer la distribution, craignant que celle-ci ne profite au Hamas. L’État hébreu confie donc cette tâche à la Fondation humanitaire de Gaza, soutenue par Israël et les États-Unis. Cette initiative, vivement critiquée par les ONG, est accusée de militariser l’aide et décrite comme un «piège mortel» pour les civils par Human Rights Watch.
Plusieurs questions majeures restent en suspens: Quelle est la portée exacte de l’objectif de Netanyahou lorsqu’il parle du «contrôle de Gaza»? Vise-t-il uniquement la ville ou la totalité du territoire? Comment envisager un contrôle militaire sans gouvernance dans une région ravagée, privée d’institutions fonctionnelles et sans relais politique fiable? Et surtout, si le Hamas est véritablement affaibli, comment expliquer sa capacité à maintenir une présence armée et à poursuivre ses actions malgré l’offensive israélienne?
En somme, la situation à Gaza reste un mélange complexe d’incertitudes, d’ambiguïtés et de tensions internes, tant israéliennes que palestiniennes, qui rendent difficile toute perspective claire à court ou moyen terme. Pendant ce temps, la population civile continue de souffrir et de mourir sous les frappes, de faim et par manque de soins.
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