Dilemmes ou faux problèmes
©Ici Beyrouth

Les dynamiques militaires et politiques enclenchées au lendemain du 7 octobre ont enrayé la stratégie d’expansion iranienne, mais elles n’ont pas réussi jusqu’ici à provoquer les retournements mandatés par les bouleversements en cours. Il est inconcevable de laisser perdurer des conflits irrésolus et de les renvoyer à des politiques de gestion dans la durée. Il est impératif de conclure les dossiers en suspens tant d’un point de vue politique que militaire. 

L’état de pourrissement qui prévaut est délibérément voulu par le régime iranien et ses mandataires, vu qu’il s’inscrit dans le cadre d’une politique de revanche qui estime pouvoir renverser le cours des choses, ou à tout le moins perpétuer un état de chaos dont ils pourront se servir le moment venu. En outre, le régime iranien cherche à cultiver son terreau d’élection et à fructifier les dividendes des conflits ouverts qu’il compte installer dans la durée. La défaite de cette politique est inévitable si l’on veut à la fin des cycles répétés de violence et au commencement d’une nouvelle ère où les prédicats de reconnaissance, de réconciliation et de reconstruction servent de matrice à un nouvel ordre régional.

Les cas du Liban et de Gaza sont hautement instructifs et éminemment porteurs si l’on veut des dynamiques de restructuration qui aideraient à débloquer des contextes de conflits aux enchevêtrements multiples. Il est impossible de venir à bout de ces conflits à moins de briser les causalités diaboliques qui les relient et qui les ont créés au point de départ. Nous avons affaire à des blocages structurels qui s’articulent au point d’intersection de l’intérieur et de l’extérieur. 

La destruction des plateformes opérationnelles de la politique d’expansion iranienne s’est effectuée à partir d’un continuum où l’enrayage des nœuds intermédiaires rendait inévitable la neutralisation des commandes stratégiques pilotées par le régime iranien. Néanmoins, l’inachèvement du travail renvoie la région à des séquences de conflits prolongés. Il est impératif de reprendre le travail, voire de manière disparate dictée par des facteurs circonstanciels, au lieu de se faire rattraper par des dynamiques souterraines de pourrissement et de radicalisation. 

L’incapacité du nouvel exécutif au Liban n’est plus à démontrer et encore moins à faire avec. Les résolutions (1701, 1680, 1559) ont été intentionnellement mises à l’écart au bénéfice d’une politique de louvoiement compromettante et délétère. Le Hezbollah et ses acolytes étaient déterminés à créer des abcès de fixation dont ils pouvaient se servir de manière discrétionnaire à des fins de subversion et de déstabilisation des deux côtés de la frontière. 

 Il est déjà temps de mettre fin aux intérims pseudo-pacifiques indéfiniment reconduits au profit d’un traité de paix entre Israël et le Liban, et de réhabiliter l’État libanais réduit au statut d’une fiction juridique et d’un relais politique et opérationnel instrumentalisé par la politique chiite de domination. L’inaction de l’État libanais ne peut plus se perpétuer à coup d’esquives maladroites ou d’artifices juridiques. 

À défaut d’une démarche politique en vue de mettre fin aux extraterritorialités du Hezbollah et des formations militaires palestiniennes, de mettre en application les résolutions internationales et d'engager Israël dans des négociations de fin de conflit, le pays se met sur la voie de la désagrégation et des mutations géostratégiques. Le temps de l’atermoiement et des renvois aux calendes grecques est bien révolu.

Les drames de Gaza iront de l’avant tant que les politiques délibérées du pourrissement et de la victimisation poursuivies par le Hamas continueront leur cours. Les observateurs posent la question de l’opportunité d’un conflit meurtrier dont l’absurdité n’a d’autre équivalent que le nihilisme qui lui sert de justification. La question de la faim est étroitement liée à la prolongation indue des conflits, à leurs conditions structurelles de déploiement et de perpétuation conçues et mises en œuvre par le Hamas et ses partenaires. 

Il est inconcevable de dissocier la question de la faim de la dynamique nihiliste qui a abouti à la destruction de l’ensemble du territoire. C’est un effet inévitable et qui n’a rien d’accidentel; il s’inscrit dans un continuum, celui notamment des politiques de victimisation, des boucliers humains, de l’instrumentalisation des infrastructures urbaines et de l’indifférenciation des théâtres opérationnels et des zones civiles. Le Hamas, loin de s’en dissimuler, s’est prononcé de prime abord sur la stratégie intentionnelle de la victimisation, quel qu’en soit le coût. Cette politique, loin de se recommander de considérations stratégiques justifiables, puise dans les répertoires idéologiques du bolchevisme dans ses versions anarchiste et de terreur d’État. 

Les dernières négociations pilotées communément par les États-Unis et les États du Golfe ont buté sur le même interdit: l’arrêt des combats est lié à des clauses politiques rédhibitoires à l’endroit de l’État d’Israël et au refus de retrait de Gaza. Ce qui, en d’autres termes, signifie la poursuite des combats sans aucun égard aux souffrances infligées aux populations civiles et aux désastres écologiques légués. Les coûts prohibitifs sur les plans humain et écologique n’ont aucune place dans une vision nihiliste où tout est dévalorisé au profit d’une idéologie déshumanisante, où les considérations morales n’ont aucune raison d’être. La question de la faim n’est que le revers d’une déshumanisation qui est à l’œuvre au point de départ de l’entreprise islamiste du Hamas.

Les échecs répétés des négociations et des accords de paix finalisés à des stades divers de ce conflit butent sur la question de la reconnaissance du droit à l’existence de l’État d’Israël et de son rapport avec la radicalisation qui s’est opérée en milieu israélien de manière progressive. La démarche inepte du président français est vouée à un échec préalable de par sa vision étriquée et peu élaborée. Il aurait mieux valu une diplomatie de fin des hostilités à Gaza afin de mettre un terme aux drames humanitaires de part et d’autre, et envisager de manière sérieuse la question de la gouvernance temporaire de Gaza et les enjeux de la reconstruction du territoire dévasté.

Quant à la question du règlement d’ensemble, elle gagnerait à être repensée à nouveau frais. Les enjeux géostratégiques et la question des reconfigurations étatiques sont suffisamment complexes pour céder à des scénarios fallacieux et aux coups d’éclat qu’affectionne Emmanuel Macron.

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