
Elles ont attendu. Par choix, par accident de vie, par patience ou par nécessité. Devenir mère à 40 ans ou plus, c’est une joie lucide, un bouleversement tardif, un défi assumé. Elles témoignent de ce que la maternité leur a vraiment apporté.
«J’avais peur que ce soit trop tard. En réalité, c’était juste le bon moment.» À 42 ans, Lamia est devenue mère d’une petite fille conçue naturellement après une rupture, un déménagement et bien des renoncements. Son témoignage rejoint celui de nombreuses femmes aujourd’hui: la maternité après 40 ans n’est plus une exception. En France, plus de 20.000 bébés naissent chaque année de mères quadragénaires. Le phénomène n’est plus marginal. Il porte un nom et, surtout, des visages.
Certaines ont attendu de «rencontrer la bonne personne», d’autres ont traversé un divorce, un deuil, une carrière accaparante, des années d’hésitation. D’autres encore ont eu recours à l’AMP, à la congélation d’ovocytes ou à une grossesse surprise. Mais toutes racontent une maternité habitée par une conscience particulière du temps. «J’étais là, avec mon bébé dans les bras, et je sentais à la fois la vie et l’irréversibilité. Ce n’était pas le début d’un cycle. C’était un sommet.»
Ce sommet a ses exigences. Les mères de 40 ans le disent d’une même voix: c’est une joie sans naïveté. Elles n’idéalisent pas. Elles savent que le corps met plus de temps à récupérer, que les nuits sont plus dures, que l’épuisement est réel. Mais elles s’étonnent, aussi, de leur force. «J’ai cru que je n’y arriverais pas. Mais je suis plus résistante à 43 ans que je ne l’étais à 30. Mon seuil de tolérance à la fatigue a changé», confie Rania, qui a eu des jumeaux après cinq ans de PMA.
Un bonheur sans faux-semblants
Ces femmes n’ont plus rien à prouver. Elles ne jouent plus à être parfaites. Et c’est peut-être ce qui rend leur maternité plus libre. Elles n’essaient pas de cocher toutes les cases, elles choisissent. Certaines se disent plus à l’aise avec leur corps, leur instinct, leur façon d’éduquer. Elles savent que le temps est compté, mais justement: elles n’en perdent plus.
Ce bonheur est aussi empreint de lucidité. Toutes évoquent, à un moment ou un autre, la confrontation à l’âge: être une mère quinquagénaire à l’adolescence de son enfant, être plus vite fatiguée, être parfois prise pour la grand-mère. Certaines sont blessées par ces remarques, mais la plupart disent les avoir intégrées. Elles revendiquent le droit d’être là, comme elles sont, sans justification. «Mon fils m’a demandé si je serais encore là quand il aura trente ans. J’ai répondu que je ferais tout pour. Et que ce serait le cas, sûrement.»
La peur du temps qui file cohabite avec une immense intensité du présent. Beaucoup racontent un lien très fort, parfois fusionnel, avec leur enfant. Un attachement plus ancré, moins éparpillé. Moins de distractions, moins de pression sociale. Une maternité qui vient «à la fin de quelque chose», mais s’épanouit comme un commencement inattendu.
Bien sûr, ce parcours est aussi traversé par des difficultés spécifiques. Les grossesses sont plus médicalisées, les parcours plus solitaires, les prises en charge inégales. Le recours aux donneurs anonymes, à la FIV ou à l’adoption soulève d’autres questions: faut-il tout dire à l’enfant? Comment construire la filiation? Ces sujets sont rarement abordés publiquement, mais ils existent dans les récits des mères concernées.
Enfin, il y a la société. Aujourd’hui encore, certaines femmes se sentent jugées. Trop vieilles. Trop égoïstes. Trop exigeantes. «Quand j’étais enceinte, à 41 ans, on m’a demandé si c’était un accident. Quand j’ai dit non, les gens m’ont regardée comme si j’étais inconsciente», raconte Fatou. Ce regard extérieur, souvent inconfortable, pousse à l’isolement ou à la justification permanente. Pourtant, ces femmes sont là, nombreuses, et elles ont des histoires à raconter.
La maternité tardive, ce n’est pas le plan B. C’est, pour beaucoup, le plan A venu au bon moment. Ce n’est pas une revanche, mais une décision. Elle ne fait pas l’économie du doute, mais elle offre un bonheur affranchi. Un bonheur où l’on sait que chaque instant compte.
Les chiffres parlent
Selon l’INSEE, le nombre de naissances chez les femmes de 40 à 44 ans a été multiplié par trois en France depuis 1995. Une dynamique comparable est observée au Royaume-Uni, en Espagne et au Japon. En 2023, près de 5% des bébés français sont nés d’une mère de plus de 40 ans.
Commentaires