
Les combattants druzes ont chassé samedi soir leurs rivaux de la ville syrienne de Soueida, théâtre de combats dans la journée malgré l'annonce d'un cessez-le-feu, a rapporté une ONG, faisant état de 940 morts en sept jours de violences intercommunautaires.
Des affrontements se poursuivaient toutefois dans le reste de la province éponyme entre les druzes et des tribus et bédouins sunnites, a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Le pouvoir syrien a annoncé plus tôt le début du déploiement de ses forces dans la province méridionale à majorité druze, appelant "toutes les parties à respecter" la trêve qu'il a proclamée.
Les Etats-Unis ont eux aussi annoncé vendredi soir un accord de cessez-le-feu entre la Syrie et Israël.
Samedi dans la journée, dans un quartier de la ville, des combattants tribaux, certains au visage masqué, tiraient avec des armes automatiques, selon des images de l'AFP.
L'un des combattants avait le front ceint d'un bandeau noir portant la profession de foi de l'islam. Un autre brandissait des ciseaux, utilisés pour taillader les moustaches des vieux druzes, insulte suprême pour ce peuple de fiers guerriers.
Un correspondant de l'AFP a vu des dizaines de maisons et de voitures brûlées et des hommes armés mettre le feu à des magasins après les avoir pillés.
"Les combattants tribaux se sont retirés de Soueida samedi soir", après une contre-offensive druze, mais continuaient à bombarder la ville après leur retrait, a indiqué l'OSDH.
Bassem Fakhr, le porte-parole du Mouvement des hommes de la dignité, l'une des deux principales factions druzes armées, a confirmé à l'AFP qu'il "n'y a(vait) plus de présence des bédouins dans la ville".
"Dialogue"
Ahmad al-Chareh, président intérimaire arrivé au pouvoir après avoir renversé le président Bachar al-Assad en décembre, a réaffirmé son engagement à protéger les minorités et salué "le rôle important joué par les Etats-Unis, qui ont confirmé leur soutien à la Syrie".
Son ministère de l'Intérieur a annoncé dans le même temps "le début du déploiement des forces de sécurité dans la province de Soueida (...) dans le but de protéger les civils et de mettre un terme au chaos".
Paris a appelé "l'ensemble des parties" à respecter "strictement" le cessez-le-feu annoncé par Damas et "à s'abstenir de toute action unilatérale".
Israël, qui affirme vouloir défendre les druzes, une minorité ésotérique issue d'une branche de l'islam, était jusque-là opposé à la présence de telles forces dans cette région.
Le pouvoir syrien, disant vouloir rétablir l'ordre, avait déjà déployé ses forces mardi à Soueida, jusque-là contrôlée par des combattants druzes.
Il les avait toutefois retirées, expliquant vouloir éviter une "guerre ouverte" avec Israël, qui avait bombardé plusieurs cibles du pouvoir à Damas et menacé d'intensifier ses frappes si les autorités ne retiraient pas leurs forces de Soueida.
L'Union européenne a salué le cessez-le-feu annoncé par l'émissaire américain pour la Syrie, Tom Barrack, estimant que le moment était "maintenant au dialogue".
Dans un message sur X, M. Barrack a indiqué s'être mis d'accord avec les chefs des diplomaties jordanienne et syrienne "sur des mesures concrètes pour aider la Syrie à mettre en œuvre l'accord" de cessez-le-feu, à l'issue d'une réunion à Amman samedi.
L'OSDH, des témoins et des groupes druzes avaient accusé les forces gouvernementales déployées à Soueida d'avoir combattu aux côtés des bédouins et commis des exactions.
Depuis le 13 juillet, les violences ont fait 940 morts dans la province, dont 588 Druzes (326 combattants et 262 civils), 312 membres des forces gouvernementales et 21 Bédouins sunnites, d'après l'OSDH.
Ni eau, ni électricité
Près de 87.000 personnes ont été déplacées, d'après l'Organisation internationale pour les migrations.
Vendredi, des combattants de tribus ont afflué de régions syriennes vers Soueida pour aider les bédouins.
Selon le médecin Omar Obeid de l'hôpital gouvernemental de Soueida, le seul de la ville encore opérationnel, l'établissement a accueilli entre lundi et vendredi "plus de 400 corps".
"Ce n'est plus un hôpital, c'est une fosse commune", a déclaré un autre membre du personnel de l'hôpital, alors que la ville est privée d'eau, d'électricité et de communications.
Ces nouvelles violences intercommunautaires fragilisent un peu plus le pouvoir de M. Chareh, dans un pays meurtri par près de 14 ans de guerre civile.
Des affrontements avaient opposé en avril des combattants druzes aux forces de sécurité près de Damas et à Soueida, faisant plus de 100 morts.
En mars, des massacres avaient fait plus de 1.700 morts, essentiellement des membres de la communauté alaouite dont est issu M. Assad, après des affrontements dans l'ouest du pays, selon un bilan de l'OSDH.
Présente principalement à Soueida, la communauté druze de Syrie comptait avant la guerre civile quelque 700.000 personnes. Cette minorité est aussi implantée au Liban et en Israël.
Par Bakr ALKASEM et Shadi AL DUBAISI avec Acil TABBARA à Damas et Layal ABOU RAHAL à Beyrouth / AFP
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